Le bal du dodo – Geneviève Dormann

Et la suite était venue très vite. Ce qui était arrivé à Vivian tenait en trois mots :

– Je suis amoureux.

Et Bénie qui s’attendait à tout, sauf à cela, avait pâli, cou serré, gorge sèche et bourdon dans les oreilles. Une Bénie subitement dédoublée, triplée, centuplée, comme une armée de Bénies courant en tous sens, affolées, contradictoires, se heurtant les unes aux autres. Je m’en fiche. Non, je ne m’en fiche pas. Ah, que je te déteste, mon amour ! Ah, que je t’aime, salaud ! Et cette image de bande dessinée, dérisoire, obsédante, d’une Bénie renversée sur le dos, exactement comme Milou, chien de Tintin, assommé par un malfrat et qui gît, la patte en l’air, tétanisé, avec des petits ronds au-dessus des oreilles, des étoiles et des bougies qui clignotent, gloup ! Zim ! Boum ! Zing ! Zing ! Zing ! Bénie-Milou au tapis !

Et toutes les Bénies, soudain, se rassemblent à toute vitesse, se fondent les unes dans les autres pour n’en laisser qu’une, plus fléchée que saint Sébastien, vibrante mais vivante encore, une Bénie qui démarre, emportée au galop par des chevaux fous, le cheval gris de l’amertume, le blanc du désespoir et le plus beau, le plus puissant, celui qui crache le feu par les naseaux, le diabolique, l’invincible cheval noir de l’orgueil. Mon Dieu, mon Dieu, quel bonheur que la nuit soit tombée et qu’il ne puisse voir la tête que je fais, que je ne peux m’empêcher de faire, si stupide, jalouse comme la dernière des idiotes parce que Vivian amoureux mais de qui, non de Dieu ? Qui, cette salope ? Ses mains sur elle, sa bouche sur elle, sa queue entre ses cuisses. Pire encore : sa pensée sur elle, sa complicité avec elle, ses mots pour elle. Amoureux, il l’a dit. Tombé amoureux. Il est tombé. Tombé de moi. Amoureux ! Amoureux en pleurer. Mais pas moi. Pas pleurer. Et puis quoi, encore ? Respirer yoga. Vite rebondir. Rebond–dire. Dire quelque chose, n’importe quoi. Quelque chose de cinglant. Non, quelque chose de prodigieusement intelligent, léger et inoubliable à la fois. Et partir très vite, se casser, c’est bien ça : se casser. Les laisser à leur bonheur de merde où je ne suis pas. Les laisser comme Bérénice, à la fin, sur une phrase somptueuse comme un manteau de velours à longue traîne qui caresse des marches de marbre et disparaît… Adieu. Servons tout trois d’exemple à l’univers…

Le bal du dodo – Geneviève Dormann

La judiciaire épopée de Jujube et Jupiter

Mr Le juge,

 

Ci juin, cette lettre pour vous demander votre aide judiciaire et judicieuse. Jugez plutôt :

Jujube, ma jument a été victime d’un don Juan. Elle était tranquillement en villégiature dans le Jura. Ce julot s’est échappé de son (juke)box et lui a fait un coup de Judas.

Certes Jujube manque de jugeote de s’être laisser subjuguée par ce coureur de jupon mais je ne peux laisser cette juvénile jument enfermée dans nos écuries jumelées avec celle de ce goujat, fut-il la propriété d’un judoka spécialiste en ju-jitsu. Sans avoir des préjugés, les chiens ne font pas des chats et les taureaux des chevaux.

J’ai tout vu avec mes jumelles longue portée. Le temps de descendre de l’échelle où j’étais juchée pour réajuster mes rideaux en toile de jute. Je suis arrivée trop tard, le don Juan avait déjà remballé son tire-jus (excusez mon franc parler), son jubilatoire méfait accompli. JUPITER est  le nom de ce scélérat, que j’écris exprès en MAJUSCULE pour que vous l’identifiez rapidement. Je l’ai fait fuir avec des jurons qu’un adjudant chef n’aurait pas osé conjugué à l’imparfait ni au subjonctif présent ou passé.

Jujube donc attend des jumeaux, voire potentiellement des jumeaux jumarts.

Je demande justice, réparation pour le préjudice. Merci de m’indiquer la jurisprudence en vigueur pour ce cas avéré de donjuanisme jurassique.

 

Votre dévouée Justine Lavertu

Source photo

Texte écrit pour Jeu 38 chez Filigrane

Winter – Rick Bass

En plus de tous ses autres boulots, à l’automne Mike Canavan sert aussi de guide aux chasseurs. Il connaît bien la vallée, et grâce à son travail de surveillance des forêts, il a toujours des histoires à raconter car il lui arrive souvent d’apercevoir des loups, des ours et des pumas. Un jour, il est venu nous aider à nous occuper des chevaux de Dave Pruder, Buck et Fuel – à leur limer les sabots, je crois bien, ou peut-être être à leur détartrer les dents, un soin technique en tout cas – et il les a fait passer dans le corral, mais ensuite il n’a jamais pu mettre le licou à Fuel.
Le cheval a pris peur et il a foncé droit sur Mike, mais au lieu de l’esquiver, Mike lui est rentré dedans de plein fouet, en haut du poitrail, un vrai placage de footballeur américain. Puis il a levé les bras et les a passés autour du cou de Fuel, en se cramponnant comme un bouledogue, ce qui lui a valu d’être traîné à travers le corral pendant quelques temps – sans jamais laisser prise, levant les pieds pour ne pas se les faire écraser – jusqu’au moment où Fuel a fini par se calmer, ou peut-être par se sentir épuisé.
Je me tenais à l’autre bout du corral, en sécurité, et je regardais Mike opérer.
« Le licou, s’il te plaît », a-t-il lancé entre ses dents, les bras toujours serrés autour de l’encolure de Fuel.
Je me suis approché au petit trot et je lui ai tendu l’objet. En tenant les naseaux du cheval d’une main, et lui a tiré sur l’oreille et l’a prise entre ses dents puis il lui a glissé le licou autour de la tête de sa main libre. Après quoi, il s’est redressé et il a emmené le cheval jusqu’au piquet prévu pour l’attache. Aucun des deux ne paraissait blessé.
=
Winter – Rick Bass

Winter – Rick Bass

Lc avec Edualc 😊

 

J’ai lu Winter pendant la canicule. Bien m’en a pris car cela m’a rafraîchie : L’auteur (texan) raconte son emménagement et sa première année dans le Montana. Il est parti du Texas avec son épouse. Peu argentés, ils trouvent une maison où le loyer sera modeste en échange de gardiennage pour le propriétaire qui vient quelques jours par an dans son chalet.

Ils arrivent donc un peu sur un coup de tête ou une opportunité et emménagent en septembre-octobre juste un peu avant les premières neiges. Par conséquent le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas totalement prêts à affronter l’hiver. Rick passe énormément de temps à raconter sa façon d’emmagasiner du bois, sur la façon d’entretenir sa tronçonneuse …..

En dehors de cela, il écrit (un roman mais on n’en connaîtra pas le sujet) , discute (un peu) avec sa femme et nous fait part de ses remarques sur le village où il se rend (son plus proche voisin est à plus d’un kilomètre)

J’ai à la fois aimé ce regard aigu sur ce retour aux sources qui met bien en évidence nos habitudes de citadins, la disparition des mélèzes, les animaux croisés au détour d’un chemin…j’ai beaucoup aimé les pronostics pour deviner la date de la première neige : octobre, novembre, décembre….

Je n’ai pas l’intention d’écumer. Je m’efforce de rester poli, respectueux, de ne pas hausser le ton. Calme. Façon chute de neige. Mais au-dedans, je suis en rage. Bien sûr que les futaies de pins vrillés, on peut y opérer des coupes sélectives. Mais les grands mélèzes, les derniers cèdres géants ? Alors qu’il en reste si peu, et qu’ils sont si importants pour la nature sauvage ?

…mais j’ai aussi trouvé que les même sujets revenaient beaucoup (la partie tronçonneuse des bois) créant parfois une petite lassitude….

Des passages m’ont semblé magnifiques et non dénués d’humour :

Je crois à la vieille légende de Jim Bridger, à l’époque où il a passé l’hiver du côté de Yellowstone. Il est ensuite retourné dans l’est où il a raconté aux citadins de ces régions que quand les trappeurs essayaient de se parler, les mots gelaient en sortant de leur bouche ; ils ne pouvaient pas entendre ce qu’ils se disaient les uns aux autres, parce que les paroles gelaient dès la seconde où elles franchissaient leurs lèvres — si bien qu’ils étaient obligés de ramasser les mots gelés, de les rapporter autour du feu de camp le soir et de les décongeler, afin de savoir ce qui s’était dit dans la journée, en reconstituant les phrases mot par mot. Moi je peux imaginer qu’il fasse aussi froid.

En quelques mois d’hiver, Rick apprend à vivre au rythme de la nature (avec deux interruptions pour rendre visite à ses parents restés au Texas quand même)

Pour partir ainsi à deux, isolés de tout, il faut être très confiant dans son couple…Etrangement, on aura peu d’information sur l’avis de sa compagne Elisabeth…Elle est peintre et son activité artistique doit donc la combler ….pure supposition de ma part….j’aurais aimé en savoir plus ….

 

A demain pour un autre extrait avec Fuel et Buck 🙂

Le 12 août, j’achète un livre québécois!

Chez Madame Lit, j’ai vu ce post en début de mois : Il s’agit de ’événement Le 12 août, j’achète un livre québécois! 

Bilan de ma virée à ma librairie : 0 livres de poche québécois (il y avait bien « le poids de la neige » mais je viens de finir un livre qui a pour titre « Winter » et il n’était pas en poche)

Alors j’ai fait une petite commande

Je vous en reparle en novembre

Top Ten Tuesday : Moyen de transport sur la couverture

Le Top Ten  Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire prédéfini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français pour une 2e édition sur le blogue Frogzine.

Le sujet de cette semaine est : « 10 romans avec un moyen de transport sur la couverture » 

J’aime bien quand je suis au bureau  parcourir mon compte Babelio (pendant la pause de midi, une façon de regarder dans le rétroviseur et de se souvenir d’anciennes lectures) 

Concernant le sujet du jour la moisson fut bonne puisque j’ai trouvé 20 livres répondant à la consigne

Après écrémage, voici ma sélection  des 10 qui m’ont le plus marquée :  

Avion : Transatlantic de Colum Mccann : un livre qui m’a été conseillé par Edualc, un extrait ici

La réserve : j’avais été un peu déçue par ce livre de Russel Banks  (seule déception à ce jour avec cet auteur) mais il m’avait inspiré ce texte (j’en ris encore) 

Bateau : Les hérétiques : Leonardo Padura nous emmène vivre le terrible voyage du Saint Louis 

Bus : La rose dans le bus jaune d’Eugene Erodé L’histoire de Rosa Parks et de sa bataille contre la ségrégation aux USA racontée à la première personne. 

Camion : 1275 âmes de Jim Thomson – Un petit bijou d’ironie et d’humour noir –  un dialogue entre le shérif et sa dulcinée ici 

Fusée : Spin de Robert-Charles Wilson : j’avais adoré les trois personnages principaux, ados au départ – Science fiction – la Terre est entourée d’une barrière à l’extérieur de laquelle le temps s’écoule des millions de fois plus vite, le soleil va s’éteindre….

Incipit : Tout le monde tombe, et nous atterrissons tous quelque part.

Train : Noces de neige de Gaëlle Josse – Embarquement immédiat pour Saint Pétersbourg ici 

Vélo : Mentir n’est pas trahir d’Angela Huth – Un livre qui sait rendre un homme sympathique et antipathique (il ne sait qui choisir entre sa femme et sa maîtresse)

Voiture : Cette histoire là – Alessandro Baricco – Alessandro Baricco nous emmène dans une longue balade avec de nombreux mensonges, rebondissements, fausses pistes, virages finement négociés, freinages brusques, sorties de route et belles voitures…. Un petit cours de mécanique ici

 et Malavita -Tonino Benaquista : Lu il y a longtemps mais un bon souvenir de la cavale d’un mafieux repenti et de toute sa famille : fabuleux d’autodérision ….

L’hiver du monde – Ken Follett

J’ai lu ce pavé encore plus vite que le précédent : il faut dire qu’après le 20 juillet et en août tout est  très calme niveau professionnel, et puis j’avais beaucoup plus envie de savoir ce qui allait arriver aux personnages du tome 1 « La chute des géants »

L’action reprend en 1933, 9 ans après la « chute des géants », j’ai retrouvé avec plaisir Maud l’aristocrate anglaise secrètement mariée en 1914 au jeune allemand Walter von Ulrich. Ils ont eu deux enfants Erick et Carla et vivent à Berlin. Tous deux appartiennent au groupe social démocrates allemand et assistent impuissants à la prise de pouvoir d’Hitler. Erick s’engage dans les Jeunesses Hitlériennes puis dans l’armée, Carla plus sympathique aura à faire des choix difficiles.

A Londres, Ethel s’est mariée et continue à militer pour les droits des femmes, elle parvient à se faire élire députée. Son fils Llyod, travailliste convaincu, part se battre en Espagne contre Franco, puis en France pour aider la Résistance. ..

Aux Etats Unis, Gus a épousé une journaliste et eu deux enfants : Chuck qui se battra dans le Pacifique contre les japonais et Woody qui débarquera en France, parachuté en 1944..

Daisy Pechkov, fille de Lev quitte les Etats Unis pour l’Angleterre. J’ai beaucoup aimé son évolution de petite fille riche jusqu’à ambulancière pendant le Blitz à Londres.

Enfin Vladimir Pechkov, espion russe, nous fait part de son « aversion » pour Staline et de la terreur qui règne en Russie.

Pendant 1.000 pages pleines de rebondissements (et quelques scènes improbables), de secrets familiaux dévoilés, Ken Follett nous fait vivre cette période à la fois passionnante et horrible.

J’ai trouvé ce tome légèrement moins abouti que le premier ….(trop de personnages ?) mais quelle saga tout de même….

Lecture d’été pour le « voyage destination PAL » chez Liligalipette et pour le pavé de l’été Chez Brize et « lire sous la contrainte » chez Philippe (Trilogie de l’été)