La lucarne – José Saramago

Premier roman de José Saramago (écrit dans les années 50 et paru seulement en 2010)
La photo couverture est très bien trouvée : un immeuble éclairé avec une multitude de fenêtres. José Saramago nous plonge dans le quotidien des habitants de cet immeuble. le point commun entre ses habitants : la pauvreté, la promiscuité, le manque de perspectives …dans un Portugal où le régime politique n’est quasiment pas évoqué.
Plusieurs familles m’ont marquée ; la première est celle formée par le cordonnier et son épouse : pour joindre les deux bouts, ils decident de louer une chambre à un jeune homme, Abel avec qui le cordonnier aura des discussions philosophiques et inattendues.
J’ai aussi beaucoup aimé les personnages d’Emilio qui veut quitter sa femme (espagnole) mais qui ne s’y résout pas du fait de la présence de leur fils de 6 ans. Une autre famille est composée de 4 femmes : une mère, sa soeur et les deux filles adultes de la première. Difficile à presque trente ans de vivre dans une maison exclusivement féminine…et sans perspective de pouvoir en partir.
Il y également Lydia,une femme entretenue, qui reçoit son amant une à deux fois par semaine, cet amant ayant rapidement des vues sur une jeune fille de 18 ans qui réside également dans l’immeuble…

Une chronique sociale qui m’a réjouie par sa subtilité.

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La poésie est peut-être comme une eau qui coule, une eau qui naît de la montagne, simple et naturelle, gratuite en soi. La soif réside dans les hommes, le besoin réside dans les hommes, et c’est seulement parce que soif et besoin existent que l’eau cesse d’être désintéressée. Mais en est-il de même pour la poésie ?

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Entre les voiles oscillants qui peuplaient son sommeil, Silvestre commença à entendre des entrechoquements de vaisselle et il aurait presque juré que des clartés s’insinuaient à travers les grandes mailles des rideaux. Sur le point de se fâcher, il s’aperçut soudain
qu’il était en train de se réveiller. Il cligna plusieurs fois des paupières, bâilla et demeura immobile, sentant le sommeil s’éloigner lentement. D’un mouvement rapide, il s’assit dans le lit. Faisant craquer bruyamment les articulations de ses bras, il s’étira.
Sous le vêtement, les muscles de son dos roulèrent et tressaillirent. Il avait un torse puissant, des bras épais et durs, des omoplates revêtues de muscles entrelacés.
Il avait besoin de ces muscles pour son métier de cordonnier. Ses mains étaient comme pétrifiées, la peau de ses paumes était devenue si épaisse qu’on aurait pu y passer une aiguille avec un fil sans qu’elle saigne.
Il sortit les jambes hors du lit avec un mouvement de rotation plus lent. Ses cuisses maigres et ses rotules blanchies par le frottement du pantalon qui en élaguait les poils attristaient et désolaient profondément Silvestre. Il était indéniablement fier de son torse, mais détestait ses jambes, si décharnées qu’elles semblaient ne pas lui appartenir.

Mois espagnol (et lusophone) chez Sharon

Amour, Prozac et autres curiosités – Lucia Etxebarria

Il était une fois trois soeurs … voila pour le début, il n’y aura pas de conte de fées, car pour les trois soeurs, le départ dans la vie n’a pas été facile : leur père est parti quand elle avaient respectivement 4, 10 et 12 ans ; et leur mère de leur avis quasi unanime est très froide et distante.
Chacune des trois soeurs prend la parole à tour de rôle et j’ai été conquise par le ton très juste.
La plus jeune, Cristina, 24 ans est la plus cash (ou trash) elle carbure à l’ectasy …elle m’a beaucoup touchée par son autodérision et son cynisme..et son chagrin d’amour…
Rosa, la fille du milieu est cadre dirigeante, elle est riche mais seule, c’est celle qui se dévoile le moins des trois ; le prozac l’aide beaucoup….
Ana, 32 ans est mère de famille au foyer, elle glisse doucement dans la dépression, sa « confession » nous amenant vers un secret qu’elle n’a jamais dit à personne : la culpabilité la ronge …

Un roman avec trois portraits de femme (parfois très crus) qui m’ont enchantée.

Quelques extraits

La vie devrait être comme une éphéméride. Tous les jours, on devrait pouvoir en arracher une page pour en commencer une autre en blanc. Mais la vie est comme une couche géologique. Tout s’accumule, tout compte. Toute chose a une influence. Et l’averse d’aujourd’hui peut annoncer le tremblement de terre de demain.

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Ce n’est pas que je déteste Ana ni rien de ce genre. Je ne m’entends pas avec elle. Je ne m’en cache pas. Simplement, je ne supporte pas ces silences embarrassants qui s’établissent inévitablement quand nous nous retrouvons seules. Mes sujets préférés (la musique, les hommes, la drogue, les livres, le cinéma, les psycho-killers, le réalisme sale) n’intéressent absolument pas Ana, et les siens (décoration, garderie, beauté, cuisine, mode) m’ennuient souverainement.

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Le mois espagnol est chez Sharon