Woody Allen – L’erreur est humaine

Le ruisseau de Wilton se situe au coeur des Grandes Plaines, au nord du Bosquet du Berger, sur la gauche de la Pointe de Dobb, juste au-dessus des falaise qui forment la constante de Planck. La terre est arable et se trouve principalement au sol. Une fois l’an, les vents tourbillonnants en provenance des plateaux de l’Alta Kicka déferlent à travers champs, soulèvent les paysans occupés à leur besognes, et les déposent des centaines de kilomètre plus au sud, où ils se réinstallent souvent et ouvrent des boutiques. Par une grise matinée de juin, un mardi, Comfort Tobias, la gouvernante des Washburn, entra chez ses employeurs comme chaque jour depuis dix-sept ans. Le fait d’avoir été licenciée neuf ans plus tôt ne l’empêchait pas de venir faire le ménage, et les Washburn ne l’appréciaient que davantage depuis qu’ils avaient cessé de lui verser son salaire. Avant de travailler pour les Washburn, Tobias murmurait à l’oreille des chevaux dans un ranch du Texas, mais elle était entrée en dépression nerveuse le jour où un cheval lui avait répondu, en chuchotant lui-aussi.
 » Ce qui m’a le plus sidérée, se souvient elle, c’est qu’il connaissait mon numéro de sécurité sociale »

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Woody Allen – L’erreur est humaine

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Sur une idée de Chiffonnette

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Le grand violon – Henri Michaux

jeudi-poesie

Allez chez Asphodèle lire les trouvailles des autres participants 😉

LE GRAND VIOLON

Mon violon est un grand violon-girafe ;
j’en joue à l’escalade,
bondissant dans ses râles,
au galop sur ses cordes sensibles et son ventre affamé aux désirs épais,
que personne jamais ne satisfera,
sur son grand cœur de bois enchagriné,
que personne jamais ne comprendra.
Mon violon-girafe, par nature a la plainte basse et importante, façon tunnel,
l’air accablé et bondé de soi, comme l’ont les gros poissons gloutons des hautes profondeurs, mais avec, au bout, un air de tête et d’espoir quand même,
d’envolée, de flèche, qui ne cédera jamais.
Rageur, m’engouffrant dans ses plaintes, dans un amas de tonnerres nasillards,
j’en emporte comme par surprise
tout à coup de tels accents de panique ou de bébé blessé, perçants, déchirants,
que moi-même, ensuite, je me retourne sur lui, inquiet, pris de remords, de désespoir,
et de je ne sais quoi, qui nous unit, tragique, et nous sépare.

Le sillage de l’oubli – Bruce Machart

sillage de l'oubli

Texas 1895 – Klara Vaclav meurt en mettant Karel au monde. Son mari se retrouve seul pour élever le nouveau né et ses trois frères (le plus grand a à peine 5 ans).
C’est un père très dur qui élève ses fils à la baguette et à la ceinture. Il les force à travailler comme bêtes de somme, en tirant une charrue pour labourer les champs, leur déformant à chacun leur cou, définitivement. A dix ans, Karel développe des qualités de cavalier et remporte de nombreuses courses de chevaux (pas toujours de façon fair-play cependant)
Lorsqu’il atteint quinze ans, un mexicain nouvellement arrivé dans la région le met au défi de gagner une course contre une de ses trois filles, elle aussi cavalière émérite. Cette course va changer la vie de Karel et de ses frères.
Un livre envoûtant où les grands espaces ont toute leur place mais pas seulement : une analyse très fine des rapports père- fils et aussi entre les quatre frères (amour, haine, révolte, désillusions et espoirs…).

J’ai aimé suivre Karel dans cette histoire qui le montre à sa naissance, à quinze ans, à trois ans et à l’âge adulte au moment où il accueille son premier fils (il a déjà deux petites filles avec son épouse). De nombreux aller-retours entre passé et présent font de cet homme, à la fois dur et aimant, un portrait magnifique.

Un livre très apprécié et pas seulement pour amateur de chevaux. C’est le billet d’Eeguab ici qui m’a incité à prendre ce livre à la bibli.

Ici le billet de Lili Galipette

Un extrait (page 33):

Les chevaux se cabrèrent et bondirent en avant tandis que la fumée du revolver de Lad s’élevait en tourbillonnant dans les airs, comme un fantôme égaré, jusqu’aux arbres qui bordaient la rivière. Les garçons ne tardèrent pas à se lever sur leurs étriers, et quand ils poussèrent leurs montures à prendre de la vitesse, alors que dans un tournoiement de mottes de terre, ils passaient devant la rangée d’hommes enthousiastes et entre les deux brasiers avant de s’enfoncer dans a nuit, chacun put voir que le petit Karel, alors âgé de onze ans, donnait de la cravache comme un forcené.
Karel montait mieux que ses frères aînés depuis l’âge de neuf ans, et quand son père se vantait d’un de ses fils – ce qui arrivait rarement, et seulement sous l’emprise de l’alcool et en l’absence des intéressés-, il répétait toujours la même chose à son sujet, de sa voix traînante : « Mon dernier, les gars, je vous jure qu’il serait capable de vous faire voler un âne à coup de cravache !  »
La vérité, Karel la savait même s’il n’était pas capable de la mettre en mots, c’était que le cheval désirait la cravache exactement comme lui appelait de ses voeux la lanière de cuir de Vaclav, la morsure cuisante et nette d’une attention sans partage, le seul contact physique qu’il ait connu avec son père.
Le corps ramassé juste au- dessus de la selle, il s’étonnait comme toujours de voir que, plus le cheval allait vite, plus son mouvement devenait fluide. Des années plus tard, il retrouverait la même impression dans l’amour extrême, la confusion et la convergence de violence et de tendresse, mais ce soir là, il ne ressentait que l’excitation nerveuse liée à la vitesse, le bouillonnement brûlant de peur et de joie qu’on n’éprouve que dans ce genre d’abandon : il galopait pour remporter la mise sur les terres d’un autre, galopait pour ce père qui avait refusé de le prendre dans ses bras le jour de sa naissance – pas plus d’ailleurs qu’aucun autre jour par la suite-, galopait à travers des ténèbres que son regard éclairait peu à peu en s’y accoutumant ; et tandis qu’il abattait de temps en temps sa cravache sur la croupe de sa monture, il surveillait Billy Dalton du coin de l’oeil, s’assurant qu’il ne perdait pas de terrain et qu’il le laissait sur son flanc extérieur tandis qu’ils approchaient du petit bosquet de chênes autour duquel il faudrait prendre leur virage avant de partir vers les brasiers et leurs pères campés sur la ligne d’arrivée.

Challenge américain chez Noctenbule

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Challenge Totem chez Liligalipette 

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Sacha Sperling – Les coeurs en skaï mauve

Il n’y a pas beaucoup de clients aujourd’hui. Tous partis en vacances. Il fait chaud au Globe Movies. Luc est plongé dans le livre de comptes.
Ca nous fait huit DVD qui n’ont pas été rendus et quatre inutilisables depuis Noël.
Le soleil tape à travers la vitrine. Le parquet dégage une forte odeur de pin.
Petit, je crois que nous sommes victimes d’un réseau de revendeurs !
Il est drôle, Luc, avec sa tête de tueur en série. Du genre à faire un massacre au Gillette Mach3 et à se tirer une balle après. Du genre à basculer très calmement du côté de l’horreur. La tête d’un mec entre deux âges dont la vie ressemble à un épisode de Confessions intimes. Ville grise, supermarché gris, dispute de couple, night-club monstrueux, des tas de bouteilles posées sur la nappe en toile cirée quand les voisins passent.
C’est le dernier jour avant la fermeture estivale. Jim classe les DVD par ordre alphabétique dans de grand malles en plastique qu’il ferme avec des cadenas. Dans quelques années, tous ces disques seront aussi utiles que des vinyles. Aussi obsolètes que des VHS. Et toutes les histoires se retrouveront matérialisées ailleurs.
Tu sais, petit, à ce rythme je vais devoir mettre la clé sous la porte bien avant la retraite.
Luc n’a jamais rêvé de voir un cheval se cabrer sur son capot. Pas du genre à vouloir épater la galerie. Son rôle sur terre se limite à proposer du divertissement aux adolescents le vendredi soir. Jim a un immense respect pour lui. Parce que, d’une certaine manière, Luc est la personne la moins bidon qu’il connaisse.

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Sacha Sperling – Les coeurs en skaï mauve

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Sur une idée de Chiffonnette

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Traboule avec Soène – le prix Agostino-Quai du polar

Lundi dernier (le 31 mars, pas le premier avril, hein) j’ai reçu un mail très sympathique de Lucie Diondet, une organisatrice de « Quai du Polar »

Après la lecture de ce mail, voici dans quel état j’étais : (Chère Asphodèle je t’ai « emprunté » ce gif fabuleux)

gif-ZEBRE

Je l’ai relu trois fois ce mail avant de capter que j’avais gagné (yes!!) le concourt de nouvelles de Quai du polar.

J’étais invitée à la remise des prix. Pour des raisons familiales , je ne pouvais m’y rendre mais notre Soène nationale a proposé de me représenter …

La voici dans le feu de l’action (on ne voit pas bien ses souliers vernis mais elle m’a affirmé les avoir mis ;-)); Allez lire son compte rendu ici

a-QdP-2014 remise Prix Agostino ValVal

et voici mon prix 😉

a-Prix Agostino 2014 Valval

 

Pour lire la nouvelle il faut aller ici ou   ou ci dessous 😉

Suspensions(s)

Devant sa valise, Cédric peste, dépassé par les évènements. Son père l’a appelé, il y a une semaine. D’un ton sec, il a  dit :  » Cédric, ta grand-mère part une semaine pour l’Egypte, elle a gagné un concours dans « Vous-deux » : direction le Caire et je ne peux pas l’accompagner …tu sais ce que c’est…. le travail …je n’ai pas le temps de suivre ma mère dans cette épopée … TOI par contre… »

Cédric entend ces trois petits points de suspension. Ils sont lourds de menace, ces trois points de suspension, juste derrière le « Toi » en majuscule.   Comme il déteste son père  ! C’est vrai qu’il a le temps, lui, sous-entend son père : Dix-neuf ans ….il vient de rater son bac blanc en ce mois d’avril, pour sa deuxième année de terminale. A moins d’un miracle en juin, il va se faire étaler comme de la pâte brisée…… Il n’a plus cours pendant quinze jours (foutues vacances de printemps ! )  il peut bien se rendre utile et accompagner la « reine mère »  en Egypte. Voilà tout ce qu’il entend dans ces trois points de suspension….. Son père se moque que ses projets à lui était de retaper sa vieille Deuche. Et de démonter les seules suspensions qui trouvent grâce à ces yeux…celles de sa Perrier spéciale 1988…

En rageant, il referme sa valise, descend l’escalier et fait, à son père et à sa grand-mère qui trépignent, une grimace qui peut passer pour un sourire contrit. Son père rugit « Active, je vous emmène à l’aéroport, la voiture est garée en double file… »

Traînant la valise, Cédric s’approche de la Jag paternelle, celle-là même qu’il a un peu réglée ce weekend. « Elle a comme une sorte de grondement dans les virages », a dit son père….Si tu pouvais, Cédric….. » A nouveau, cette façon qu’a son père de ne pas dire ce qu’il pense, de ne pas finir ses phrases !

Installé à l’arrière, Cédric s’enfonce dans ses réflexions, écoutant à peine sa grand mère et son père échanger de dernières banalités. Il est comme coincé entre un siège et sa valise, le coffre de cette beauté automobile est riquiqui…

Cédric voulait prendre un sac à dos, rêvant déjà de promenades en dromadaire, dans le sable à perte de vue, des nuits étoilées….  L’Egypte pourquoi pas, il n’est jamais allé plus loin que la Pyramide du Louvre …mais sa grand-mère l’a rembarré avec sa façon habituelle. « Non Cédric, si tu crois qu’il s’agit d’un trek où d’une ineptie de ce genre, tu te trompes, il s’agit d’une croisière de LUXE sur le Nil. Regarde le programme »

Il a jeté un coup d’œil au programme : en fait de momies, il ne va y avoir que les autres personnes de la croisière : la moyenne d’âge doit être de 80 ans, au moins. Le programme lui a donné envie de rendre son déjeuner « Sur ce fleuve au limon fertile, vous partirez des quais du Caire, sept nuits sur le plus mythique des fleuves, blablabla,  partez sur la trace de la 4ème dynastie, pharaons, felouque , blablabla, la fascination des Egyptiens pour Saturne, blablabla ».

La momie (enfin la mamie) qui est sur le prospectus a un faux air d’Agatha Christie, la gâteuse, que sa prof de français l’a forcé à lire. Morts sur le Nil, s’il se rappelle bien le titre  : la prof de français,  leur a fait aussi lire « Dix petits nègres », une toquée des polars, et à propos de nègres : pas un Zulu, pas un Oualof, juste des anglais  qui ont tous un truc à se reprocher sous leurs dehors BCBG. Une citation de  Mort sur le Nil  lui revient : «  Les motifs de meurtre sont parfois dérisoires ….. ». A-t-il lu ou inventé la phrase qui lui vrille l’esprit  « L’important dans un crime, c’est d’être loin de la scène … »?

Arrivés à l’aéroport, le père les lâche, « Faut que je file au bureau, le trajet sera court jusqu’au Caire, je compte sur toi, fiston, pour t’occuper de Mamie… »

Cédric voit sa grand-mère qui discute avec un homme, moustaches lissées et gominées. Cédric sourit quand il se rend compte qu’il mélange tout :  le prospectus, sa prof de français, Hercule Poirot, la Jag trafiquée,  Mort sur le Nil, son père … La prof a tant  décortiqué ce livre qu’il a tout enregistré : Le ton pédant d’Hercule le Poireau,  les cris de la femme jalouse… ces souvenirs sont vagues  : une machination, deux êtres cupides, un meurtre parfait, et les petites cellules grises…

Assis dans la salle d’embarquement, il contemple sa valise, essaie de deviner où est  son IPad dernier cri (y aura-t-il du Wifi au moins sur ce rafiot de vieux schnocks ? ). Les trois valises de Mamie lui sortent déjà par les yeux …

Pas de doute qu’au bout de trois jours, enfin trois heures, il aura des envies de meurtres sur ce rafiot de centenaires. Déjà, il n’appelle plus sa grand-mère que Cléoplâtre, en pensant au fond de teint qu’elle badigeonne le matin.

Il l’entend : « Tu as pensé à prendre de l’écran total ? parce qu’avec  ta peau ….. » A nouveau ces points de suspension qui lui donnent envie de hurler ! Oui, il le sait que sa peau est un carnage, une face de lune avec des cratères comme il dit devant ses codétenus au lycée. OUI, il reconnait que le terme « codétenus » est fort mais c’est ce qu’il ressent, entre ces quatre murs. C’est sûr, une croisière sur le Nil va le rendre claustrophobe, ou fou ou les deux. Mais comment refuser à Dieu le Père d’accompagner la Reine Mère ? En plus, il fera beau et elle lui interdira de se balader en T-shirt : elle ne supporte pas le tatouage I Love Anaisthêsia gravé sur son biceps. Un peu raté d’ailleurs ce tatouage « Anaisthêsia » commence à disparaître sur son bras comme elle disparait dans son cœur. « Tu déconnes, Cédric……C’est ta voiture ou moi……… » ont été ses dernières paroles.

Dans l’avion, il scande les noms des pharaons : Toutankhamon, Akhénaton  et se met à  fredonner une chanson d’IAM et de son leader  Akhenaton « Tu jurais rattraper ses types et les tuer », ignorant sa grand mère qui le foudroie du regard……

Cédric s’interroge et soupire de soulagement, huit jours sans son père …peut être plus ….A quel moment vont lâcher les suspensions de la Jag ?

Il fallait écrire une nouvelle « noire » avec ces 10 mots « avril », « morts »,  »traces », « love », « zulu », « Anaisthêsia », « saturne », « mur », « dernier » , « quais ». Elle ne devra pas dépasser 6.000 signes (espaces compris).

Bises à tous 😉

Abraham le poivrot – Angel Wagenstein

ABRAHAM

 

Bulgarie 1944-1952 puis Bulgarie années 90.
Albert (Berto pour ses amis) Cohen revient en Bulgarie où il a vécu de sa naissance jusqu’à ses 13 ans. De retour dans son pays natal après 40 ans en Israël, il ne reconnaît que peu de lieux mais est vite submergé par les souvenirs qui remontent.

Il rencontre Araxi Vartanian, l’amie avec qui il faisait l’école buissonnière. C’est l’occasion pour lui de nous faire partager son enfance.
En filigrane, Angel Wagenstein nous brosse un portrait émouvant de la Bulgarie de 1944 à 1952 . Les parents de Berto ont été tués en 44 du fait de leur engagement communiste et il est élevé par sa grand mère et Abraham le grand père fer-blantier, alcoolique et athée.

Les personnages, le pope Isaïe , le rabbin Menaché, le mollah Ibrahim, et bien sûr Abraham l’athée sont savoureux. Ils se chamaillent pour des détails mais restent unis dans l’adversité. Une veuve turque mènent les quatre hommes en bateau. Abraham le poivrot qui n’a peur de personne, surtout pas de Dieu mais un peu (beaucoup) de son épouse aidera le jeune Berto à grandir.

Albert retrouve en Araxi sa compagne de jeux, broyée par le destin de l’Europe de l’est dans les années 50 et les suivantes (reconstruction, communisme, émigration vers Israël puis pour Araxi la catastrophe de Tchernobyl pas si lointaine….). Costa, le photographe grec ressort les photos de leur enfance et tous trois se rémémorent ses temps à la fois difficiles et chaleureux.
Plovdiv, la ville où a grandi Berto était pauvre mais les populations vivaient en bonne cohabitation (il est fait référence au fait que, bien que la Bulgarie soit un allié du troisième Reich jusqu’en 1944, sa population juive n’a pas été déportée dans les camps de la mort du fait d’une forte mobilisation de la population). Berto nous raconte le jour aussi où tout changea pour lui ( à moins que rien n’est changé mais que Berto ait juste mûri et ouvert les yeux).
Un très bon moment de lecture, beaucoup d’humour, un peu de nostalgie et un style qui m’a beaucoup plu, tendre et sincère.

un extrait :

Il s’agissait bien entendu de café turc, mélange de café véritable et de pois chiches grillées ou de seigle brûlé. Les proportions en étaient depuis longtemps précisément définies à la manière d’un dogme irréfutable, le onzième commandement, qu’exprimait la formule espagnole « uno i uno », c’est à dire « une pour une ». Mais rien ne serait plus erroné que de croire qu’il était question d’une dose de café pour une dose de pois chiches grillés. Pour les vieilles juives, cette proportion dogmatique signifiait en réalité du café pour un Lev et une quantité de succédané à hauteur de la même somme. Fort de ses connaissances en simple arithmétique, le lecteur instruit n’aura aucune difficulté à calculer le résultat de pareille alchimie, sachant que le café coûtait vingt fois plus cher que son substitut.

Le sous titre « loin de Tolède » retrace l’exil des ancêtres d’Abraham d’Espagne, en 1492 et explique le dialecte espagnol parlé par nombre des voisins de Berto en Bulgarie.

La majeure partie des conversations, des criailleries, des jurons et des chansons, parvenait encore aux oreilles du promeneur égaré en ces ruelles dans cet étrange espagnol (ladino) dont nous avons déjà dit un mot. Mais les familles turques et bulgares ne manquaient pas non plus, et chacun parlait plus ou moins la langue de ses voisins : les petits Bulgares s’insultaient mutuellement en turc, et chaque vendredi soir, le cordonnier du quartier, le Turc Izmet saluait respectueusement ma grand-mère d’un Schabbat chalom !, tandis que les Juifs, à l’occasion d’une naissance ou d’un décès dans une famille musulmane du voisinage, faisaient porter un plat de feuilletés au fromage qui signaient leur origine d’un nom turc auquel s’accrochait la traîne d’une terminaison espagnole : burekas.

Il s’agit du deuxième tome d’une trilogie (je n’ai pas lu le tome 1 mais cela ne gêne en rien la compréhension)

Je vous recommande cette lecture d’un livre pris presque au hasard à la bibliothèque, juste parce que Chagall est mon peintre préféré et que la couverture de l’édition 10-18 m’a plu : Un livre que je n’aurais jamais pris avec la couverture originale :

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Je continue mon tour du monde avec la Bulgarie 😉

challenge tour-monde-8-ANS

Pablo Neruda – La centaine d’amour – 29

jeudi-poesie

Allez chez Asphodèle lire les trouvailles des autres participants 😉

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Tu arrives du Sud avec ses maisons pauvres,

dures régions du froid, du tremblement de terre

qui, même quand leurs dieux roulèrent dans la mort,

ont donné la leçon de la vie dans la glaise.

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Tu es un poulain de glaise noire, un baiser

de boue sombre, amour, coquelicot de glaise,

ramier du crépuscule éployé sur les routes,

tirelire à chagrin de notre pauvre enfance.

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Fille, tu as conservé ton coeur de pauvresse

et tes pieds de pauvresse habitués aux cailloux,

ta bouche qui n’eut pas toujours du pain ou délice.

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Tu es du pauvre Sud, d’où est venue mon âme :

dans ton ciel ta mère lave toujours du linge

avec la mienne. Amie ainsi je t’ai choisie.

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Pablo Neruda – La centaine d’amour – 29