Le livre sur lequel Libero Parri et son fils Ultimo apprirent comment étaient faites les automobiles était en français (Mécanique de l’automobile*, Editions Chevalier). Ce qui explique que, pendant les premières années, quand vraiment ils ne s’en sortaient pas, couchés sous une Clément Bayard 4 cylindres ou penchés sur l’intérieur d’une Fiat 24 chevaux, Libero Parri ait eu coutume de sortir de l’impasse en disant à son fils :
– Appelle ta mère.
Florence arrivait les bras chargés de linge, ou la poêle à la main. Ce livre, elle l’avait traduit mot après mot, et elle se le rappelait par cœur. Elle se faisait raconter le problème, sans accorder le moindre regard à l’automobile, remontait mentalement à la bonne page et délivrait son diagnostic. Puis elle faisait demi-tour et rapportait le linge à la maison. Ou la poêle.
– Merci * – marmonnait Libero Parri, hésitant entre l’admiration et la crise de rogne pure et simple. Quelques temps après, de l’ancienne étable devenue garage, montait le vrombissement du moteur ressuscité. Et voilà *.
Du reste, la chose arrivait très rarement, puisque, pendant toutes les premières années, le garage Libero Parri dut s’adapter, pour survivre, aux réparations en tout genre, sans faire dans le détail. Des automobiles, il en arrivait peu, et ça allait donc des lames de charrues aux poêles en fonte, en passant par les horloges. Quand, à la demande générale, Libéro Parri dut ouvrir un service de ferrage pour les chevaux du coin, un autre y aurait vu une défaite humiliante : pas lui, qui avait lu quelque part que les premiers à se faire de l’argent en fabriquant des armes à feu avaient été ceux-là mêmes qui, la veille encore vivaient de l’affilage des épées. Le fait est – comme n’avait pas manqué de le relever Florence, en son temps – que les automobiles n’existaient pas encore, ou du moins, si elles existaient, n’existaient pas par ici. Si bien que l’arrivée à l’horizon du nuage de poussière salvateur accompagné de son concerto mécanique était une rareté saluée avec ironie par toute la circonscription. Ça arrivait si rarement que quand ça arrivait, Libero Parri montait sur sa bicyclette et allait chercher son fils à l’école. Il entrait dans la salle de classe, le chapeau à la main, et disait seulement :
– Une urgence.
La maîtresse savait. Ultimo jaillissait tel un projectile, et une demi-heure plus tard tout deux se lubrifiaient les idées sous des capots qui pesaient aussi lourd que des veaux. (p 38)
Cette histoire-là – Alessandro Baricco
Savoureux, donne envie de lire la suite; genre d’épopée à l’italienne avec ses truculences et ses cruautés. Merci Val. Bises
Coucou Domicano 🙂
Un livre tout prêt du coup de coeur pour moi 🙂
Deux autres extraits ici https://lajumentverte.wordpress.com/2016/01/17/cette-histoire-la-alessandro-baricco-2/
Bisesss
Un auteur qui ne me tente pas malgré tout le bien qu’on dit de lui, je ne sais pas pourquoi…
24 cv…bouh…des chevaux fiscaux, c’est pas fun… 😀
Coucou Mind
j’essaie de te trouver un cheval en chair, en os et en citation pour la semaine prochaine;-)
Bonne journée 🙂
Je vous jure que passé « Soie », les autres sont vraiment, vraiment, vraiment, très bien ! Je le jure sur la tête de ma mère…
J’ai bien aimé Mr Gwyn aussi 🙂
Bisesss Anne 🙂
Moi aussi ! Un tout tout bon !
🙂
J’aime cet auteur, encore une fois il embarque le lecteur dans une course effrénée à travers le vingtième siècle…! A lire … 😉
J’ai adoré ce livre (plein de mensonges et de jeux de miroirs) 🙂
Bonne journee Myo
Yesss have a nice day…
Un rital de cette époque-là, autant dire un macho, qui est obligé de demander à sa femme de l’aider en mécanique, je comprends que ça ait pu l’énerver…
L’histoire a l’air jouissive, et si elle est aussi bien écrite que Soie, le best seller, le seul que j’aie lu…
Bisous ma belle
¸¸.•*¨*• ☆
Coucou Célestine
J’ai préfèré celui ci à « soie »
J’avais tellement entendu de bien sur « soie » que du coup mes attentes étaient trop forte 🙂
Bisesss
J’adore cet auteur et je ne le lis pas assez (juste deux jusqu’à présent) ! Celui-ci a l’air truculent ! Et un peu triste aussi…mais ça ne me dérange pas ! 😀 Biiiiises 🙂
Truculent et triste conviennent bien à ce livre 🙂
Bisesss Asphodèle …. 🙂
Je ne connais pas celui-là
Il vaut le détour
Bon weekend Jostein 🙂
Ping : Bilan Lectures 2016 | La jument verte
Ping : Vilebrequinze – Dictionnaire des orpherimes | La jument verte
Ping : Top Ten Tuesday : Moyen de transport sur la couverture | La jument verte