Les chasseurs de gargouilles – John Freeman Gill

Je voulus oublier mon père, comme maman s’y essayait visiblement. Et je crus même y être parvenu pendant quelques temps. Maman cependant avait moins de mal à se distraire que moi : elle travaillait désormais six jours par semaine dans une galerie d’art de SoHo appartenant à l’un de ses amis. Il fallait payer les factures, des tonnes de factures, tous les jours. Ce n’était pas mon cas. Début juillet, les cours finis, je décidai d’aller pour la première fois voir l’entrepôt de papa, que l’été avait peut-être fait revenir.

Je n’aurais pas dû prendre le métro. Avant même de descendre à l’arrêt City Hall, je compris qu’il se passait quelque chose de grave en surface. Des dames se précipitaient vers le quai, leurs talons hauts claquant dans l’escalier. Un sourd  murmure vibrant de rage inarticulée les suivaient en cascade. 

Dans les rues, des centaines d’hommes corpulents – pour la plupart des blancs mal rasés – faisaient le pied de grue devant la mairie, bouillant d’une fureur croissante qui semblait se chercher une cible. Certains brandissaient  des bouteilles de bière, d’autres des pancartes manuscrites. « BRULE NEW-YORK BRULE », proclamait l’une. « BEAME, LE RAT QUITTE LE NAVIRE », renchérissait une autre. IL LAISSE LE VILLE SANS DEFENSE ». 

La foule était encerclée par les flics qui n’avaient pas l’air de faire grand chose pour mettre fin au désordre. Un policier, haut perché sur son cheval, sa longue  matraque et son revolver saillant de part et d’autres de ses hanches, donnait même l’impression d’être en train de supplier ces hommes en colère de retrouver leur calme. 

 » Que se passe-t-il ? demandai-je à un  homme en costume trois-pièces.

– Flics licenciés » me répondit-il. 

Il n’avait pas l’air rassuré.

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Les chasseurs de gargouilles – John Freeman Gill

Article 353 du code pénal – Tanguy Viel  

Et puis voilà, l’imbécile, mon fils, il a bien réfléchi, il a bien pesé chaque geste qu’il allait faire et puis il s’est penché sur le taquet fixé au ponton, il a pris l’aussière trempée de sel dans sa main, et il a commencé à desserrer le nœud, tranquillement, à faire glisser le bout dans sa propre boucle pour en défaire l’étreinte et lentement il a retiré la pointe qui empêchait le bateau de reculer. Il a dit : c’est la mer qui m’a demandé de le faire, toutes ces vagues qui s’abattaient  sur nos côtes, toutes ces amarres qui maintenaient cet affreux Merry Fisher dans le trop dur clapot, c’était comme un cheval sauvage harnaché dans son box et qui ne demandait qu’à partir, je vous jure, madame la présidente, il hennissait sur l’eau à force de trop de mouvements, oui, franchement, madame la présidente, il fallait que je le fasse. 

Et moi je l’entendais raconter ça, et je me disais, à chaque image si précise qui s’installait dans ma tête, je me disais, non, ce n’est pas possible, il n’a pas fait ça. Mais bien sûr que si. Il l’a fait. Il s’est avancé sur le ponton le long de la coque, il s’est approché des autres aussières  qui continuaient de retenir le bateau, il s’est accroupi auprès  de l’une puis de l’autre et il a desserré  chaque nœud, défait un à un tous les bouts qui retenaient le bateau, oui, il les a détachés, détachés dans la tempête. 

Et de fait, il fut libre, le Merry Fisher.

J’imagine, comment il a dû cogner comme un fou sur le bois des pontons, comment il a hésité peut-être entre avancer ou bondir ou reculer comme si seulement c’était lui, le bateau, qui décidait quoi que ce soit, comme s’il avait la moindre souveraineté à faire valoir mais en réalité, sur n’importe quelle mer un peu nerveuse, un bateau, qu’il appartienne à Lazenec ou au premier imbécile venu, ni la coque bien propre ni les quatre cent chevaux qui reposaient sous les deux moteurs aux hélices relevées, rien de décidait de quel côté il se ferait balancer, ni quel rocher ou digue ou coque il irait cogner en premier, maintenant qu’il était comme un jouet d’enfant dans une baignoire  agitée par tous les dieux de la vengeance et de la justice réunis, bientôt déchiqueté sur la côte et se remplissant d’eau. 

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 Article 353 du code pénal – Tanguy Viel  

Article 353 du code pénal – Tanguy Viel  

Sûrement, ce genre de type, j’ai dit au juge, si on avait été dans un village de montagne ou bien dans une ville du Far West cent ans plus tôt, sûrement on l’aurait vu arriver, à pied peut-être franchir les portes de la ville, à cheval s’arrêter sur le seuil de la rue principale, en tout cas depuis le relais de poste ou le saloon, on n’aurait pas mis longtemps à comprendre à qui on avait affaire. Et peut-être vous, j’ai dit au juge, il y a cent ans, vous auriez plutôt été shérif, et dans votre poche au lieu d’un code pénal appris par cœur il y aurait eu un revolver ou quelque chose comme ça, quand peut-être le droit et la force n’étaient pas complètement séparés, si on peut dire que depuis ils ont été complètement séparés et si on peut dire que ce fut une si bonne chose que ça, vu que désormais la force ou la violence, elles ont bien appris à se déguiser.

Mais le fait est qu’on ne l’a pas vu arriver. Nous, on l’a plutôt vu pousser, comme un champignon au pied d’un arbre, et il fallait déjà qu’il ait atteint une sacrée taille pour qu’on commence à voir quelque chose.

 

Article 353 du code pénal – Tanguy Viel  

Regroupons nous une minute autour de Pierre Desproges

Voici donc l’arrivée des courses dans le désordre (je ne suis pas encore allée lire tout le monde loin de là).

De plus, d’autres liens arriveront peut être dans la journée….

Gibulène : Remédions à l’obésité

Filigrane : Restons assis sur rien 

Ecriturbulente : Inaugurons avec faste un bocal à poisson rouge

Filigrane : Rentabilisons la minute de silence 

Estelle (L’atelier sous les feuilles) : Une minute d’égarement 

Jobougon : Apprenons à clouer le bec droit

Jobougon : Testons l’hibernation printanière de la quiche au poireau

Max- Louis : Polissons le romantisme au xxieme siècle à la langue du dandy

Célestine : Commémorons n’importe quoi 

Valentyne : Rentabilisons la minute de silence

Carnetsparesseux : Inaugurons avec faste un bocal à poisson rouge

Bonne lecture 🙂

Hommage à Pierre Desproges – Valentyne

http://www.ina.fr/video/CPC83050080/rentabilisons-la-minute-de-silence-video.html

Rentabilisons la minute de silence

Dimanche, je révisai mon aptitude à gérer une minute de silence avec respect quand j’ai mal entendu le conseil de Mr Desproges : « Pour rester digne pendant une minute de silence il vous faut compter vos cheveux » au lieu de cela  j’ai entendu « Pour rester digne pendant une minute de silence il vous faut compter vos chevaux ».

J’ai tenu trente-trois minutes avec Bucéphale, Rossinante, Tornado, Wagram,  un cheval Melba, Stewball,  Black Beauty, Pégase, Buck l’hippogriffe, Crin-blanc, Pile-Poil, Flicka, Sleipnir,  Petit tonnerre, Joly Jumper, un cheval Parthénon ,  un falabella, troyen de surcroît, Canson du Papetier , et surtout Enzo ….. je crois que ma minute de silence est rentabilisée.

Je tiens dans ce billet à remercier Mr Ferrari qui a fait exploser le compteur avec 599 chevaux ….

Merci Pierre, Merci Enzo.

La prochaine fois j’essaierais de couper les chevaux en quatre.

Etonnant non ?

Hommage à Pierre Desproges – Gibulène

Remédions à l’obésité 

Un remède contre l’obésité ?
Pierre Desproges, intuitivement, avait trouvé LA solution !!! dans son article intitulé le
« charmeur de pommes de terre » il nous éclaire sur cette vérité pourtant évidente : la
pomme de terre étant sacrée en Inde, les Indiens n’y touchent donc pas ! S’en suit une
hygiène de vie irréprochable qui leur assure une longévité ascétique………..
A vous tous j’aimerais dire « mobilisons-nous » !!! Armons nous de nos flûtes (les
traversières sont plus efficaces), et charmons nos calories !!! sacralisons les sucreries et viennoiseries en tous genres, et si les indiens ont Râvi Shankar, nous nous avons Marc Antoine Charpentier (à ne pas confondre avec Antoine Parmentier, papa des frites) pour surfer sur la partition qui réduira au silence ces fausses amies assassines !!!
Et si la flûte ne trouve pas le bon « thon », flûte de flûte, rabattons-nous sur des
incantations :
Saint Andouille
Père de la grassouille
Donne-nous le déclic
Pour te faire couic !
La calorie se meurt
Vaincue au « chant » d’honneur
Vive le sans graisse
Qui redonne allégresse
la joie et le sourire
quand on la Vire
……..
Mais je m’égare !!! A noter qu’on peut procéder de la sorte, par antinomie, pour
combattre la maigreur ! Étonnant, non ?

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Gibulène – 4 Avril 2018

Top Ten Tuesday : Les 10 raisons pour lesquelles j’aime les ….

Le Top Ten  Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire prédéfini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français pour une 2e édition sur le blogue Frogzine.

Le TTT de la semaine est : « Les 10 raisons pour lesquelles j’aime  …(genre littéraire de votre choix) »

A un moment,  je ne lisais quasiment que des polars ou des romans policiers, cela m’a passé mais j’y replonge de temps en temps : 

Raison 1  : Découvrir que le meurtrier  est  un personnage qui est présent depuis le début du roman et que l’on ne soupçonnait même pas (M. Connolly – Le poète)

Raison 2 : Pour voir les personnages évoluer d’un roman à l’autre dans leur vie prof et personnelle, P. Cornwell et  Kay Scarpetta …

Raison 3 : Être surprise !  parmi les découvertes récentes, l’opossum rose de Federico Axat grâce à Belette  

Raison 4 : Être dépaysée : Fred Vargas – Sous les vents de Neptune ou comment partir au Canada en restant dans son fauteuil.

Raison 5 : Essayer de deviner qui est le méchant dans un cercle restreint et familial  et ne  pas y arriver (Agatha Christie : 5 petits cochons)

Raison 6 : Avoir peur pour « de faux », tranquille au fond de son lit (Mygale de Thierry Jonquet)

Raison 7 : Découvrir une autre époque : Anne Perry et ses romans « victoriens » sous fond d’enquête policière mais pas que…

Raison 8 : Se faire rouler dans la farine par l’auteur et aimer ça (Michel Bussy – Nymphéas noirs)

Raison 9 : Rire avec une parodie de roman policier (Tonino Benaquista et la Maldonne des sleepings) 

La raison 10 sera la vôtre …….

Les huit montagnes – Paolo Cognetti

En parlant, elle me montra une photographie d’Anita : une petite fille blonde, fluette, tout sourires, les bras autour d’un chien noir plus grand qu’elle. Elle me raconta qu’elle l’avait inscrite en première année de maternelle. Ça n’avait pas été facile de la convaincre à se conformer à certaines règles. Au début elle était comme une petite sauvage, soit elle se disputait avec quelqu’un, soit elle se mettait à hurler, soit elle s’asseyait dans un coin et ne parlait plus de la journée. Elle commençait peut-être bien à se civiliser, maintenant. Lara rit.

Elle dit : « Mais ce qu’elle préfère, c’est quand je l’amène  dans une ferme. Là, elle se sent vraiment à la maison. Elle laisse les veaux lui lécher les mains, tu sais, avec leur langue râpeuse, et elle n’a même pas peur. Pareil pour les chèvres, les chevaux. Elle est à l’aise avec tous les animaux. J’espère qu’elle gardera au moins ça, qu’elle ne l’oubliera jamais. »

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 Les huit montagnes – Paolo Cognetti

Desproges par Desproges

Ce n’est point tant le cheval que je hais que la déification benoîte de ce bestiau due aux pompeux grotesques à haut-de-forme qui régentent les courses. Et puis le cheval est un imbécile qui se laisse cravacher sans broncher par des minus multicolores à casquette.

Entretien avec Noël Godin 1978

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Desproges par Desproges

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Tic tac ! Tic tac  ! il vous reste 3 jours pour participer à « Publions notre minute de Mr Cyclopède le 18 avril »

Desproges par Desproges – Cheval Melba …..

Le français se gave autant qu’il gave ses oies. Il ne mange pas, il bâfre. J’étais  invité à dîner l’autre soir chez le coureur à cheval Yves Saint-Martin, qui est un excellent cuisinier. Au menu, un cheval melba, et pas n’importe quelle cheval melba, puisqu’il s’agissait de Chouquetta II, la récente gagnante à Longchamp du prix Albert de l’Hippophage. Par chance, Chouquetta II venait, trois jours plus tôt, de se briser l’antérieur droit en manquant une haie à Auteuil, grâce  à quoi on avait pu l’abattre sans protestation de la SPA, aux termes d’une charmante coutume qui fait fureur dans le monde si distingué des courses à chapeau claque.

Or, tous les turfistes français ne le savent peut-être pas, c’est toujours au jockey grâce auquel le cheval a pu être abattu que revient le corps de l’animal. C’est pourquoi tous les jockeys ont chez eux des congélateurs trois fois plus hauts qu’eux. (Les jockeys sont en effet extrêmement petits : Yves Saint-Martin, par exemple, est tellement petit que, quand il pète, ça lui ébouriffe les cheveux dans le cou. Ce n’est pas moi qui suis scatologique, c’est lui qui est pétomane.)

Mais ce soir là, il n’était pas question de mettre Chouquetta II au congélateur. Notre hôte avait convié tout le gotha des hippodromes à partager son cheval melba. Il y avait là le colonel Le Boucher, président de la Société pour l’amélioration de la race chevaline, la vicomtesse de Quisse-moqueton, présidente de l’association des Feignasses emperlouzées, une poignée de Rothschild, les obstinés hippophiles du troisième âge, représentés par Eddie Constantine, Jacqueline Huet et Michel d’Ornano, sans oublier, venus du fond des bois, le baron Duconneau-Saint-Hubert, professeur de cor et fier de l’être, et sa femme, professeur de lettres et fière de son corps.

Or, moins de quinze personnes pour un cheval melba, c’est du gâchis ! Comme je le disais d’ailleurs à Yves Saint-

Martin : une biche milanaise ou un doberman bolognaise eussent largement suffi apaiser nos estomacs déjà surentraînés, dont les parois boursouflées hésitent encore entre l’ulcère bénin et la tumeur néoplasmique à métastases galopantes, cette dernière expression métaphoroïde était utilisée  ici à dessein, dans le but d’éviter toute publicité clandestine pour le cancer du pylore. 

Je ne divulguerai pas ici la recette du cheval melba, par coquetterie d’abord, mais aussi parce que je ne voudrais pas choquer davantage les vrais amis des chevaux, c’est-à-dire ceux qui leur grimpent dessus pour gagner de l’argent, qui les cravachent jusqu’au sang et qui les remercient en leur tirant une balle dans la tête quand ils se foulent  une patte. 

Réquisitoire contre Robert Courtine, 30 décembre 1980

Desproges par Desproges

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Tic tac ! Tic tac  ! il vous reste 5 jours pour participer à « Publions notre minute de Mr Cyclopède le 18 avril »

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Et si vous avez 7 minutes c’est ici :