Il n’aura pas échappé aux lecteurs et lectrices de ce blog que je n’ai plus le temps d’écrire !
Aussi avec les jours fériés du mois de mai , je me suis décidée à reprendre mon clavier. Comme j’étais un peu rouillée, je me suis dit qu’un peu d’aide des nouvelles technologies ne pouvait qu’être bénéfique. J’ai donc commandé un décompositeur que j’avais vu sur le site bisonravi.com. Je vous laisse un témoignage d’un utilisateur averti d’un tel engin, engin capable d’ingurgiter un texte, de le mouliner et de le ressortir comme neuf et régénéré :
» Ouen regarda et soupira. La construction de son piège à mots n’avançait guère.
Il détestait ces vitres sans rideaux ; mais il haïssait encore plus les rideaux et maudit la routinière architecture des immeubles à usage d’habitation, percés de trous depuis des millénaires. Le coeur gros,il se remit à son travail ; il s’agissait de terminer rondement l’ajustage des alluchons du décompositeur, grâce auquel les phrases se trouvaient scindées en mots préalablement à la capture de ces derniers. Il s’était compliqué la tâche presque à plaisir en refusant de considérer les conjonctions comme des mots véritables ; il déniait à leur sècheresse le droit au qualificatif noble et les éliminait pour les rassembler dans les boîtiers palpitants où s’entassaient déjà les points, les virgules et les autres signes de ponctuation avant leur élimination par filtrage. Procédé banal, mécanisme sans originalité, mais difficile à régler. » (source de l’extrait)
J’ai eu un peu de mal à monter le décompositeur qui était livré avec une notice assez absconse mais, au bout d’une heure, l’engin trônait dans mon salon, prêt à métamorphoser un texte de mon choix. Pour inaugurer ce décompositeur, j’ai justement choisi un compositeur que j’adore mais chut le reconnaîtrez vous ? (J’en entends qui chuchotent, mais non : ce n’est pas « la chenille qui redémarre » )
.
J’ai mis en route l’engin (à mi-chemin entre un orgue de Barbarie et un fax du siècle dernier) et j’ai glissé quatre textes du compositeur en question. Je suis sûre que parmi vous des sourcils incrédules se lèvent et que vous devez vous dire que ce décompositeur de textes est une arnaque et que j’ai été victime d’une escroquerie. Mais attendez la suite….
;
Au début tout se passait bien, l’appareil ronronnait, clignotait de mille feux, content des chansons que je lui avais fait ingurgiter. J’ai fait quelques réglages comme l’indiquait la notice qui prévenait que » l’éclosion du nouveau texte prendrait de deux minutes à trois heures en fonction de la complexité du texte de départ ».
Cependant au quatrième texte, le décompositeur s’est mis à ahaner comme une baleine à son onzième mois de grossesse. Il s’est mis à tousser, à cracher et au final au lieu de sortir un texte décomposé et recomposé, il a craché une image.
Une image valant mille mots : je vous la montre sans tarder. Deux chevaux déguisés en zèbres se grattaient gentiment la crinière.
J’étais là perplexe devant cette photo quand je me suis rendue compte que les lignes de la photo bougeaient, j’ai tendu l’oreille et j’ai tout entendu : j’étais en fait tombée en pleine scène de ménage entre Jazz sur votre gauche et Java sur votre droite. Ils ne se grattaient pas gentiment la crinière , c’était plutôt crêpage de chignon. Le climat était délétère, entre orage et éclairs. Jazz susurrait son amour à Java, qui n’en faisait qu’à sa tête, n’écoutant qu’à peine la litanie éperdue de Jazz. Celui-ci, majestueux dans son désespoir, lui parlait de ses nuits blanches à se faire du cinéma. Il lui clamait haut et fort qu’ils pouvaient s’entendre. Que contrairement aux apparences, il n’était pas noir de peau.
« La couleur n’est pas un problème » répondait Java mutine. « Alors pourquoi la vie commune te donne-t-elle le cafard, ma Jane » reprenait Jazz en sourdine, têtu et obstiné devant la rébellion de sa compagne.
On se connaît depuis notre adolescence, lui répondit la coquine. Alors de temps en temps la rage au coeur s’installe, je veux prendre mon envol, me faire la malle, vivre sur un autre tempo.
Jazz faisait un peu peine à voir avec son blues qui débordait du khol de ses yeux travestis.Un dernier sursaut et Jazz essaya une dernière fois de convaincre Java de la magie de l’amour.
Me sentant de trop dans cette mise au point sentimentale et l’évolution de ce couple hors du commun, je me suis éclipsée discrètement, non sans avoir lancé un coup d’oeil à ce décompositeur, que je devine éphémère. Je pense que j’ai raté l’ajustage des alluchons. Je vais procéder au changement des alluchons (pour ceux qui ne savent pas, cela ressemble à des sorte de papillons en métal). Je vous tiens au courant dès que j’ai effectué cette transformation, parce qu’avec tout ça pas de texte pour les Plumes.
.
Les mots collectés par Asphodèle
Changement, incrédulité ou incrédule (au choix), papillon, régénérer, chenille, évolution, climat, déguiser, magie, transformation, grossesse, adolescence, éclosion, cafard, majestueux, amour, éphémère, éperdu, envol, travesti
Un grand merci à Célestine pour son commentaire chez Miss Aspho qui m’a mis sur la piste de cette belle photo de Jazz et Java sur le site les défis du samedi