La chute des géants – Ken Follett

Presqu’un an que je gardais ce livre au chaud pour le pavé de l’été.

Le voilà dévoré en quelques jours.

Une fresque historique comme je les aime, un arrière-plan documenté et intéressant, des personnages qui semblent vivants tant Ken Follett sait les animer…

L’action débute en 1911, au Pays de Galles, Billy 13 ans descend à la mine pour la première fois, comme avant lui son père et son grand père (cf extrait). Sa sœur Ethel travaille comme femme de chambre chez le Vicomte Fitzherbert à qui appartient la mine. Elle ne résistera pas longtemps au « charme » de ce noble….

Le livre mêle donc la vie de « petites gens » et de la noblesse.

3 ans plus tard,  la guerre semble aux portes de l’Europe  : cela fait peur bien sûr tous ces gens inconscients qui veulent combattre : pour se venger ou pour accroître leurs territoires…

En parallèle de cette famille galloise et anglaise, Ken Follet nous fait suivre le jeune américain Gus Dewar, qui après ses études, parcourt l’Europe (Angleterre, Russie) pour compléter sa formation de juriste…En Russie, nous suivons l’évolution de deux frères Grigori et Lev : les deux jeunes garçons sont orphelins, le père a été pendu par un prince de l’entourage du tsar (pour avoir fait brouter un animal sur les terres du tsar !!), la mère a été assassinée lors d’un soulèvement populaire en 1905 (là aussi abattue par les soldats du tsar)…ils souhaitent émigrer aux Etats-Unis pour devenir libres.

Enfin, nous suivons une dernière famille : la famille allemande les Von Ulrich, aristocrates dont le fils Walter von Ulrich, pacifiste convaincu et amoureux de la belle Maud, sœur du  Vicomte Fitzherbert,  s’oppose à son  père, Otto, général dans l’armée Prussienne et qui appelle à la guerre….

Durant 1.000 pages, Ken Follett m’a emmené loin, très loin et je lui pardonne donc ces personnages quand même « un peu d’un bloc, voire prévisibles » et quelques situations improbables…

Lecture d’été pour le « voyage destination PAL » chez Liligalipette et pour le pavé de l’été Chez Brize et « lire sous la contrainte » chez Philippe (Trilogie de l’été)

La chute des géants – Ken Follett

Une sonnerie se déclencha, signalant que l’encageur, au fond de la mine, avait fermé sa grille. Le moulineur actionna un levier puis un autre timbre retentit. Le moteur à vapeur siffla, et l’on entendit un claquement.

La cage tomba dans le vide.

Billy savait qu’elle descendait en chute libre un moment, avant de freiner pour se poser en douceur, mais aucune connaissance théorique préalable n’aurait pu le préparer à cette sensation de s’abîmer dans les entrailles de la terre. Ses pieds quittèrent le sol. Il ne put s’empêcher de hurler de terreur.

Tous les hommes s’esclaffèrent. C’était son premier jour et ils attendaient sa réaction. Billy s’en rendit compte. Il remarqua aussi, mais trop tard, qu’ils se cramponnaient tous aux barreaux de la cage pour éviter de décoller. Comprendre ce qui se passait ne suffit pas apaiser sa peur. Il finit par serrer les dents de toutes ses forces pour retenir ses cris.

Enfin, les freins se mirent en prise, ralentissant la chute. Les pieds de Billy se reposèrent sur le plancher de la cage. Il attrapa un barreau en s’efforçant de maîtriser ses tremblements. Au bout d’une minute, la terreur s’atténua. Il était si mortifié que les larmes lui montèrent aux yeux. Devant le visage hilare de Graisse-de-rognon, il hurla pour couvrir le vacarme : «Ferme ta grande gueule, Hewitt, espèce de fichu crétin. »

Graisse-de-rognon se renfrogna immédiatement, furieux, tandis que les autres riaient de plus belle. Billy devrait demander pardon à Jésus pour son juron, mais il se sentait un peu moins bête.

Il se tourna vers Tommy, qui était blême. Avait-il crié, lui aussi ? Craignant une réponse négative, Billy s’abstint de lui poser la question.

La cage s’arrêta, l’encageur repoussa la grille, et Billy et Tommy se retrouvèrent dans la mine, les jambes en coton.

Tout était sombre. Les lampes des mineurs éclairaient encore moins que les lampes à pétrole accrochées aux murs, à la maison. Il faisait aussi noir au fond de la mine que par une nuit sans lune. Peut-être n’était-il pas indispensable d’y voir clair pour abattre le charbon, songea Billy. Il posa le pied dans une flaque, et baissant les yeux, vit qu’il y avait partout de la boue et de l’eau, dans laquelle miroitait le faible reflet des flammes. Il avait un goût étrange dans la bouche : l’air était imprégné de poussière de charbon. Les hommes respiraient-ils vraiment cela toute la journée ? C’était sûrement pour cette raison que les mineurs ne arrêtaient pas de tousser et de cracher.

En bas, quatre hommes attendaient la cage pour remonter à la surface. Ils portaient tous un coffret de cuir et Billy reconnut les pompiers. Tous les matins, ils vérifiaient la teneur en gaz avant que les mineurs ne commencent le travail. Si la concentration de méthane atteignait un niveau dangereux, ils donnaient consigne aux hommes d’attendre pour descendre que les ventilations aient purifié l’atmosphère.

Tout près de lui, Billy aperçut une rangée de stalles destinées aux chevaux et une porte ouverte, qui donnait sur une pièce bien éclairée, avec une table de travail, sans doute le bureau des sous-directeurs. Les hommes se dispersèrent, s’engageant dans quatre galeries qui rayonnaient à partir de la recette du fond. Les galeries, appelées « couloirs », conduisaient aux secteurs d’abattage du charbon.

Price les dirigea vers une remise d’outils et défit le cadenas. Il choisit deux pelles, les tendit aux garçons et referma.

Ils se rendirent ensuite aux écuries. Un homme vêtu en tout et pour tout d’un short et de bottes pelletait de la paille souillée qu’il sortait d’une stalle pour la jeter dans une berline à charbon. La sueur ruisselait de son dos musclé. Price lui demanda : « Vous avez besoin d’un coup de main ? Vous voulez un garçon ? »

L’homme se retourna : Billy reconnut Dai Cheval, un aîné du temps Bethesda. Mais lui ne parut pas le reconnaître. « Pas le petit, dit-il. »

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La chute des géants – Ken Follett

 

L’amour aux temps du choléra – Gabriel Garcia Marquez 

Cette même semaine il emmena sa fille pour le grand voyage de l’oubli. Il ne lui donna aucune explication mais entra avec fracas dans sa chambre, les moustaches sales d’une colère mêlée de bave de tabac, et lui intima l’ordre de faire ses bagages. Comme elle lui demandait où ils allaient, il répondit : « A la mort. » Effrayée par cette réponse qui ressemblait trop à la vérité, elle tenta de lui faire front avec le même courage que les jours précédents, mais il ôta sa ceinture à boucle en cuivre massif, l’enroula autour de son poing et frappa sur la table un coup de sangle qui résonna dans toute la maison comme un coup de feu. Fermina Daza connaissait fort bien la portée et les limites de ses propres forces, de sorte qu’elle fit un paquet de deux nattes et d’un hamac, et prépara deux grandes malles avec tous ses effets, certaine que ce serait un voyage sans retour.

Avant de s’habiller elle s’enferma dans les cabinets et parvint à écrire à Florentino Ariza une courte lettre d’adieu sur une feuille arrachée au bloc de papier hygiénique. Puis elle coupa sa tresse à hauteur de la nuque, l’enroula dans un coffret de velours brodé de fils d’or et la fit porter avec la lettre. 

Ce fut un voyage dément. L’étape initiale dura à elle seule onze jours et ils l’effectuèrent à dos de mule, en compagnie d’une caravane de muletiers andins, par les corniches de la Sierra Nevada, abrutis par les soleils cruels ou trempés par les pluies horizontales d’octobre, le souffle presque toujours pétrifié par la vapeur endormante des précipices. Au troisième jour de route, une mule affolée par les taons roula au fond du ravin avec son muletier entrainant la cordée  toute entière, et le hurlement de l’homme et de la grappe des sept bêtes amarrées les unes aux autres rebondissait encore dans les ravins et les escarpements plusieurs heures après le désastre et continua de résonner pendant des années et des années dans la mémoire de Fermina Daza. Tous ses bagages furent précipités dans le vide avec les mules mais pendant l’instant séculaire que dura la chute jusqu’à l’extinction au fond du précipice du hurlement de terreur, elle ne pensait pas au malheureux muletier mort ni à la caravane déchiquetée mais à la cruauté du sort qui lui avait valu que sa propre mule ne fut pas encordée  aux autres. 

C’était la première fois qu’elle montait un animal, mais la terreur et les pénuries indescriptibles du voyage ne lui auraient pas semblé aussi amères n’eût été la certitude que plus jamais elle ne reverrait Florentino Ariza ni ne posséderait la consolation de ses lettres.

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L’amour au temps du choléra – Gabriel Garcia Marquez 

 

Karen Blixen – Saison à Copenhague

Le monde où les envahisseurs du Copenhague hivernal se mouvaient et pensaient était le monde du nom. Pour un gentilhomme, le nom était l’essence de l’être, cette part immortelle de lui-même qui devait continuer à vivre alors que d’autres parties moins hautes ne seraient plus. La personnalité, le talent, on était censé les laisser aux êtres d’un autre milieu. Ce qui tenait d’autant moins debout que, en réalité, c’est à la campagne qu’on en trouvait les traits les plus authentiques. Les citadins avaient été formés à marcher et à raisonner dans une seule direction donnée ; les habitants des grands domaines, eux, chevauchaient encore à travers champs et bois, se déplaçaient librement dans tous les sens . Ils avaient grandi dans une demeure solitaire, avec les voisins les plus proches à plusieurs heures de marche, semblables non à des arbres de la forêt mais à des arbres de parcs ou de plaines avec de l’espace autour d’eux et le droit d’exprimer leur nature particulière. Là, certains d’entre eux épanouissaient de larges et généreuses frondaisons tandis que d’autres se contournaient dans de monstrueuses attitudes, nœuds et excroissances des plus surprenants ; et c’était dans les grandes maisons de campagne des provinces lointaines qu’on se trouvait face aux spécimens d’espèces disparues depuis longtemps ailleurs et qu’on pouvait s’entretenir avec de vieux gentilshommes comparables aux mammouths et aux plésiosaures, avec de vieilles dames pareilles à l’oiseau dodo. La noblesse rurale, étant toutefois rien moins qu’encline à l’introspection, n’en démordait pas et acceptait avec bonheur l’Oncle Mammouth ou la Tante Dodo, ces consanguins préhistoriques.

Une épithète particulière les caractérisant été attachée aux noms de la plupart des familles nobles du Danemark : les « pieux » Reventlow, les « sévères et fidèles » Frijse, les « joyeux » Scheel, et la société était d’accord avec le jeune descendant d’une vieille maison, convaincue qu’on s’en tenant aux caractéristiques de sa famille – s’agit-il simplement d’une chevelure rousse – il faisait preuve d’une nature loyale. Un jeune homme portant un nom ancien mais dépourvu de toute illusion quant à son physique ou à ses dons demandait la main d’une beauté brillante, fièrement – ou humblement –, confiant en la valeur de son véritable soi. Le gentilhomme campagnard, à la ville aussi bien que sur ses terres, marchait, parlait, montait à cheval, dansait ou faisait la cour aux femmes en incarnant son nom.

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Karen Blixen – Saison à Copenhague

Les plumes en « elle » d’Asphodèle et de Mind

Pour les plumes d’Asphodèle et de Mind, j’ai regardé dans le rétro du bon vieux temps et l’ai trouvé en vrac : 

– Une aquarelle de Georges Braque et une figurine M and M’s d’une trentaine de centimètres (de l’art éternel ?) 

– 3 sens à Mirabelge (mirabelle belge et fière de l’être) 

– 2 sœurs presque jumelle dénommées Palatigne et Palagiedes jumelles qui m’avaient emportée entre livres, embruns, loin de tout souci matériel 

–  les 60 affres existentiels d’une jeune minute qui réussit à résoudre des énigmes digne de la maternelle

– Un  canard au milieu d’une ribambelle de mioches (ils bougent tout le temps, pas moyen de les compter)

– Un fer à repasser pour la coiffe pleine de dentelles de la belle Angèle

– 5 ou 7 épices au café Verlaine, en compagnie de Lharissa -peau-cannelle et de son djembépices 

Un passereau, une passerelle, un rondeau, une hirondelle

– un voyage en métro vers Saint-Nom-La -Bretelle en compagnie d’une certaine Béchamelle

Last but not least, hasard des hasards, j’ai trouvé balancelle et ritournelle dans le même extrait de ce livre que je vous conseille 

Asphodèle, cinq consonnes et quatre voyelles, Asphodèle,  ma belle sont des mots qui vont si bien ensemble….

J’écrit sur le fil, j’ai bien failli à ce rendez vous…être infidèle ….au rituel …des plumes

Les mots collectés par Mind Ici

Aquarelle, Voyelle, Mirabelle, Maternelle, Stèle, Eternel, Bretelles, Ribambelle, Infidèle, Dentelle, Cannelle, Passerelle, Balancelle, Ritournelle.

Toujours un mot dans ma poche – Pef

On a vu sous le vent

 Des oiseaux collés sur les nuages 

 

On a vu des chapeaux 

Perdre la tête 

 

Des parapluies 

Retroussés 

D’où dégoulinent  toutes gouttes

 

On a vu ricocher des frissons aquatiques

 Et quelques tuiles 

Sortir du rang des toits

 

On a revu des loups 

Dans des courses de haies 

 

On a vu des collines 

Arracher leurs racines

 

On a vu l’alphabet

Perdre consonnes et voyelles

 

On a vu le silence faire la sourde oreille 

 

Et puis on n’a plus vu grand-chose

Car poussée par le vent

 La nuit enfin dégringolée 

 

Je n’ai jamais couru 

C’est seulement la Terre

 Qui tournait un peu plus vite 

Entraînant avec elle 

Coursiers chasse à courre 

Et les cours de justice 

Avec leurs avocats 

Aux robes retroussées 

Par des pincettes à linge

 

Je n’ai jamais couru 

De courbes en coursives 

Qu’après le temps 

Passant la première 

Puis la seconde 

Ma seconde doublée

 Pour un déni d’algèbre 

En un si long cours de blouse

 Où je bâillais comme les mouches 

 

Je n’ai jamais couru 

Poitrine en feu 

Qu’après les filles 

Déjà réservées pour d’autres baisers

Aujourd’hui dépareillés

 J‘ai pris tout essoufflé 

Des lignes d’arrivée 

  personne ne m’attendait

 

Je n’ai jamais couru qu’après ma destinée

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Toujours un mot dans ma poche – Pef

Top Ten Tuesday : Pères….

Le Top Ten  Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire prédéfini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français pour une 2e édition sur le blogue Frogzine.

C’est le sujet d’un TTT de la semaine  dernière mais je n’ai pas eu le temps. Le sujet était « Les 10 livres dont l’un ou des personnages sont des pères »

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La foire des ténèbres – Ray Bradbury Il s’agit principalement de l’histoire de Will et Jim 13 ans mais le père de Will se révèle par son amour à toute épreuve pour son fils. 

Dernière nuit à Twisted river – John Irving : Pas de billet sur ce livre : Il y a souvent des portraits de pères chez John Irving (Dans ce roman,  plusieurs pères : Il y a d’abord la fuite de Dominic et de son fils Daniel 12 ans. Une fuite qui durera des décennies, Daniel aura un fils lui aussi …)

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur – Harper Lee : Atticus Finch élève seul ses deux enfants Scout et Jem. Un homme profondément bon et attentif vu par les yeux de ses enfants …

Albert Camus – Le premier homme : Un superbe hommage de l’auteur à son père qu’il n’a pas connu et à Mr Germain (instituteur et père de substitution )  

La reine du silence – Marie Nimier : Roger Nimier est mort en dans un accident de voiture. Sa fille avait 5 ans lors de sa mort. Elle a peu de souvenir mais essaie de mettre des mots sur ce manque, sur la personnalité de cet homme très médiatique qui a « abandonné » sa famille … Un ton juste 

Comment élever son Volkswagen – Christopher BoucherUn journaliste, à la mort de son père, décide d’adopter non un enfant mais une coccinelle : A la fois triste et  drôle (et très inventif au niveau langage : un coup de coeur…)

Pourquoi j’ai mangé mon père   – Roy Lewis :  Pas de billet,  mais je me rappelle avoir passé un très bon moment avec Ernest, son père et Oncle Vania 🙂 

L’art de perdre – Alice Zeniter Hamid, né en Algérie, arrive en France en 1962 et nous raconte l’histoire de son père. Naïma, fille d’Hamid, retournera brièvement en Algérie pour comprendre le silence de son père sur ses années d’enfance pendant la guerre d’indépendance. Un très beau livre sur l’exil et sur la transmission (ou non transmission) entre générations. 

Les huit montagnes – Paolo Cognetti : La difficulté pour un père de communiquer avec son fils (ou l’inverse) dans un cadre grandiose…

La fiancée américaine – Éric Dupont : Il y a plusieurs pères dans ce livre dont le fameux Louis dit le Cheval mais surtout le père des jumeaux qui n’est pas celui qu’on croit….

Et si vous deviez citer un livre avec un père, ce serait lequel ?

 

Neverland – Thimothée de Fombelle

Je suis parti un matin d’hiver en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre à la lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en  moi, elle ne m’avait jamais quitté. Mais c’était le vol d’un papillon obscur à l’intérieur : le frôlement d’ailes invisibles dont je ne retrouvais qu’un peu de poudre sur mes bras et mon cou, le matin.

Je ne voulais pas parler de mon enfance, je voulais l’enfance absolue, la source commune, l’eau violette des origines.

Je me souviens de ce besoin qui m’a envahi un jour d’attraper l’enfance pour la tenir, comme dans une cage entre mes mains fermées, et la montrer aux autres en écartant doucement les doigts. 

– Regarde, elle est là. Tu la vois ?

C’est arrivé au milieu de ma vie. Autant d’années à vivre, peut-être, que de temps vécu. J’avais senti la l’absence de l’enfance dans tout ce qui commandait la marche du monde à ce moment-là. Et ce monde ressemblait à une steppe, une plaine asséchée, fendue de colonnes de guerriers. Aucune trace de l’enfance nulle part. La terre craquait tout autour. Comment y grandir ? Il manquait ces noyaux tachés de rouge qui font sonner les grelots morts.

Je m’étais équipé comme un chasseur de dragons ou de chimères. Impossible de savoir ce dont j’aurais besoin. J’avais prévu les sarbacanes, les potions, les casiers, les filets, un petit cheval assez rapide, des fléchettes qui endorment, et même les brosses de soie et les petites cuillères dont se servent les archéologues pour déterrer des trésors anciens sans les abîmer.

J’étais le chercheur d’or, le chasseur fou, illuminé par ce rêve. Je marchais à la verticale sur le chemin étroit avec mon cheval. L’ombre de mon équipage se projetait à côté de moi sur la paroi. Les épuisettes se dressaient dans mon dos comme un bouquet de drapeaux.

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Neverland – Thimothée de Fombelle