Amour, Prozac et autres curiosités – Lucia Etxebarria

Il était une fois trois soeurs … voila pour le début, il n’y aura pas de conte de fées, car pour les trois soeurs, le départ dans la vie n’a pas été facile : leur père est parti quand elle avaient respectivement 4, 10 et 12 ans ; et leur mère de leur avis quasi unanime est très froide et distante.
Chacune des trois soeurs prend la parole à tour de rôle et j’ai été conquise par le ton très juste.
La plus jeune, Cristina, 24 ans est la plus cash (ou trash) elle carbure à l’ectasy …elle m’a beaucoup touchée par son autodérision et son cynisme..et son chagrin d’amour…
Rosa, la fille du milieu est cadre dirigeante, elle est riche mais seule, c’est celle qui se dévoile le moins des trois ; le prozac l’aide beaucoup….
Ana, 32 ans est mère de famille au foyer, elle glisse doucement dans la dépression, sa « confession » nous amenant vers un secret qu’elle n’a jamais dit à personne : la culpabilité la ronge …

Un roman avec trois portraits de femme (parfois très crus) qui m’ont enchantée.

Quelques extraits

La vie devrait être comme une éphéméride. Tous les jours, on devrait pouvoir en arracher une page pour en commencer une autre en blanc. Mais la vie est comme une couche géologique. Tout s’accumule, tout compte. Toute chose a une influence. Et l’averse d’aujourd’hui peut annoncer le tremblement de terre de demain.

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Ce n’est pas que je déteste Ana ni rien de ce genre. Je ne m’entends pas avec elle. Je ne m’en cache pas. Simplement, je ne supporte pas ces silences embarrassants qui s’établissent inévitablement quand nous nous retrouvons seules. Mes sujets préférés (la musique, les hommes, la drogue, les livres, le cinéma, les psycho-killers, le réalisme sale) n’intéressent absolument pas Ana, et les siens (décoration, garderie, beauté, cuisine, mode) m’ennuient souverainement.

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Le mois espagnol est chez Sharon

Sans nouvelles de Gurb – Eduardo Mendoza

Genre : Roman humoristique tenu sous la forme d’un journal – A la recherche du Gurb perdu

Le narrateur est un extra terrestre, en mission sur Terre.
Il a atterri dans son vaisseau spatial avec son subordonné (le Gurb du titre)
Il envoie celui ci en mission pour découvrir la terre et surtout les moeurs de ses habitants.
Ces extraterrestres ont la particularité de pouvoir prendre une apparence humaine.
Il faut donc vous imaginer Gurb sous les traits passe-partout de Madonna 🙂
Quant au narrateur, il va prendre des traits différents tous les jours (car il se lance à la recherche de Gurb qui disparaît des le début de sa mission)
Le narrateur n’ a aucune idée du fonctionnement des humains et cela donne des situations pétillantes et inattendues du fait de sa naïveté et de son franc-parler.

C’est un livre qui m’a bien fait rire par son comique de situation et de répétition.
Je pense être passée à côté de pas mal de gags (car je n’ai pas fait espagnol et il me manque des références culturelles autour de l’histoire espagnole)
Sur ce, je vous quitte, j’ai des beignets à finir et Madonna m’attend…

 

Quelques extraits

20 h. 00 J’ai tant marché que mes chaussures fument. J’ai perdu un talon, ce qui me force à un déhanchement aussi ridicule que fatigant. J’enlève mes chaussures, j’entre dans un magasin et, avec l’argent qu’il me reste du restaurant, j’achète une paire de chaussures neuves moins pratiques que les précédentes, mais fabriquées dans un matériau très résistant. Equipé de ces nouvelles chaussures appelées skis, j’entreprends de parcourir le quartier de Pedralbes.

* *

15 h 00 Je décide de parcourir systématiquement la ville au lieu de rester toujours au même endroit. Ainsi les probabilités de ne pas trouver Gurb seront dix fois moins élevées, soit 900° millions, ce qui laisse encore le résultat incertain. Je marche en suivant le plan héliographique idéal que j’ai incorporé à mes circuits internes en quittant le vaisseau. Je tombe dans une tranchée ouverte par la Compagnie Catalane du Gaz.
15 h 02 Je tombe dans une tranchée ouverte par la Compagnie Hydroélectrique de Catalogne.
15 h 03 Je tombe dans une tranchée ouverte par la Compagnie des Eaux de Barcelone.
15 h 04 Je tombe dans une tranchée ouverte par la Compagnie Nationale du Téléphone.
15 h 05 Je tombe dans une tranchée ouverte par l’Association des riverains de la rue Corcega.
15 h 06 Je décide de renoncer au plan héliographique idéal et de marcher en regardant où je mets les pieds.

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Le mois espagnol est chez Sharon, les logos sont concoctés par Belette

L’espionne de Tanger – Maria Duenas

J’ai trouvé le contexte historique de cette histoire très intéressant, le style m’a moins plu. Pour tout dire, sans le contexte historique, je crois que j’aurais abandonné : trop « romance » à mon goût : La jeune fille, madrilène de condition très modeste,  tombe amoureuse d’un fieffé escroc, qui la laisse enceinte et sans le sou à Tanger. Heureusement la suite s’améliore et même si quelques situations m’ont paru invraisemblables, Sira gagne en maturité et profondeur. Que d’aventures de Madrid àTanger, Tetouan, de nouveau Madrid puis Lisbonne. 

1936 -1942 :  La narratrice nous emmène dans une Europe en guerre où tous les moyens sont bons pour connaître les intentions de l’ennemi. Autour de Sira gravitent des personnages haut en couleur : Candelaria la Contrebandière qui l’aide à Tetouan, un commissaire marocain étrange qui est assez réussi, la mère de l’héroïne, Rosalinda Fox, une anglaise amoureuse du Haut-Commissaire du Maroc Juan Luis Beigbeder, et aussi le beau  journaliste (j’ai oublié son prénom). Est ce réellement un journaliste ? un sympathisant nazi ? un espion anglais ? 

Franco est devenu le maître en Espagne. L’Espagne oscille entre une neutralité plus qu’ambiguë et une admiration sans borne du régime nazi. C’est aussi l’histoire du Maroc  sous protectorat franco-espagnol (Wiki me souffle à l’oreille 1912-1956…) 

Un avis donc un peu mitigé mais finalement 700 pages qui défilent toutes seules, une fois les 100 premières,  un peu laborieuses, passées ….

Un extrait :

Je m’habituai à vivre seule, sereine, sans peur. À être responsable de l’atelier et de moi-même. Je travaillais beaucoup, me distrayais peu. Le volume des commandes n’exigeait pas de main-d’œuvre supplémentaire, je me débrouillais sans aucune aide. Mon activité était donc incessante, avec les fils, les ciseaux, l’imagination et le fer à repasser. Quelquefois je sortais en quête  de tissus, pour faire recouvrir des boutons, pour choisir des bobines et des agrafes. J’appréciais surtout les vendredis : j’allais place d’Espagne, près de chez moi –les arabes disaient  – El–Feddán – et j’assistais à la sortie du khalife de son palais ; il se rendait à la mosquée sur un cheval blanc, sous un dais vert, escorté par des soldats indigènes en uniforme de parade, un spectacle impressionnant.

 

 

Le mois espagnol est chez Sharon , l’Espagne est aussi à l’honneur chez Madame Lit 


Chez Philippe où la contrainte est le son « è, es,ai,ey… »

Le roi transparent – Rosa Montero

Léola est une jeune serve, elle vit dans le sud du royaume de France au XIIème siècle. Le pays est en guerre quasi permanente, un jour elle est obligée de fuir, les soldats ont brûlé sa maison et emmené de force son père, son frère et son fiancé pour participer à la guerre.

Afin de passer inaperçue, sur le champ de bataille voisin elle dépouille le cadavre d’un jeune seigneur de son armure et s’en va seule par les chemins. Heureusement sur sa route, elle croisera d’abord un chevalier qui lui sauvera la vie. Elle rencontre Nynève une jeune femme d’une trentaine d’années, qui la prend sous son aile, et la mène jusqu’à Roland, maître d’armes qui va faire son éducation de chevalier et de guerrier.

Au-delà de l’histoire qui est pleine de rebondissements, de traquenards, de coups d’épée, de trahisons, d’amitiés et aussi un (petit peu) d’amour, le regard que Léola (devenu Léo) sur le siècle où elle vit est intéressant et surtout très actuel finalement :  Une large part du roman expose la place des femmes dans la société ;  par exemple, elles doivent, en plus du joug du seigneur, supporter le joug du père, du frère…Les autres termes abordés sont l’intolérance des religieux (beaucoup de massacres au nom de la religion, étonnant, non ?),  la difficulté pour les personnes différentes ou handicapées à s’intégrer dans la société (Violante, la naine est amie de Léola,  l’épileptique, le simple d’esprit)

Le chemin de Leola de ses 15 ans à ses 40 ans sera jonché de rencontres, certaines effrayantes, d’autres bienveillantes comme celle d’Alienor d’Aquitaine et de Richard Cœur de Lion.

Cachée sous son armure de fer, Léola peut prendre du recul sur sa condition (féminine et de serve). Et surtout elle apprendra le pouvoir des mots, le pouvoir de la lecture tant en évasion qu’en réflexion. Elle ira jusqu’à commencer à créer un dictionnaire des mots qu’elle aime.

Quelques passages sont « fantastiques » : Nynève est-elle une fée comment elle le prétend ? Le basilic est-il le diable ? Qui est ce roi transparent qui  maudit toutes les personnes qui racontent son histoire ?

En conclusion : un livre que j’ai beaucoup aimé même si je préfère les livres de science-fiction de Rosa Montero 

Un extrait et un autre ici

 

Le Maître veut m’apprendre à jouter. 

– C’est très utile, en plus d’être honorable. Tu peux gagner des armes, des chevaux et même des rançons en argent. Parfois aussi des terres. 

J’ai aidé à soigner les chevaux de mon maître et, par chance, je sais monter, même si je ne l’avais jamais fait avec une selle et les longs étriers des guerriers. S’y habituer est toutefois très facile. Le plus dur est d’apprendre à manier cette énorme lance, plus longue que deux destriers mis l’un derrière l’autre. Lestée  de plomb comme elle est, au début j’étais incapable de lever sa pointe du sol et de la maintenir en l’air. A présent, j’arrive à la tenir plus ou moins droite pendant que je chevauche et le Maître me fait enfiler des anneaux qui pendent d’une corde. Il faut essayer de viser juste au grand galop et je n’ai pas encore réussi à embrocher  un seul anneau avec cette épouvantable lance. 

– J’ai l’impression que tu vas mieux te battre sur tes deux pieds dans un tournoi… grogne  le Maître. 

– Je suis désolée, mais ça demande une grande force, dis-je en guise d’excuse.

– C’est vrai qu’il faut de la force, mais là encore c’est l’adresse qui compte. Juste avant que la lance de ton rival ne te touche, tu dois avancer ton bouclier pour recueillir l’impact et le dévier. Ne t’accroche pas à ton cheval : c’est ce qui te fera tomber. Au contraire, il vaut mieux que tu te mettes brièvement debout sur tes étriers pour avoir une plus grande capacité de mouvement, et plus d’ampleur pour mieux accompagner le glissé de la lance… L’art d’un bon jouteur consiste à bien manier le bouclier à l’aide d’un bras, pendant que l’autre place en même temps la lance sur un point précis de ton adversaire, là où tu auras calculé que tu vas lui faire perdre l’équilibre. 

– Et comment est-ce qu’on calcule ça ? 

– En tombant et en retombant jusqu’à le savoir.

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Le roi transparent – Rosa Montero

– Tu es folle, je marmonne à Nynève tandis que nous nous y rendons. Je ne veux pas participer je vais être ridicule.

– Tu te trompes, ma Léo… Nous avons beaucoup de chance. C’est un tournoi sans blasons ! Tout tournoi qui se respecte exige la présentation de documents de noblesse, de sorte que celui-ci n’est rien qu’une pauvre joute villageoise. J’ai assisté à quelques-unes et elles sont lamentables. Mais je dois admettre qu’elles finissent parfois en véritable boucherie, car les pires fripons de la contrée s’y présentent à l’occasion et commettent toutes sortes de violences. 

Je m’arrête net. Une sueur glacée perle sur ma nuque.

– Mais ne t’inquiète pas, car ce sont général des tournois de débutants… de bourgeois ventripotents qui veulent jouer aux chevaliers et de jeunots imberbes qui savent à peine lever leurs lances. Nous allons nous inscrire et si je vois que c’est dangereux pour toi, nous nous retirerons. Ça peut être une bonne affaire pour nous… Tu sais que, outre le trophée, le vainqueur garde les armes du vaincu, mieux encore, son cheval.

– Et si je perds ? Nous n’avons même pas de destrier à nous … Ça peut être un désastre.

– Roland t’a dit qu’il ne fallait jamais penser à la possibilité de perdre. Tu vas gagner, j’en suis sûre. C’est comme de jouer aux dés, Léo. Il faut toujours courir une part de risque dans la vie. C’est plus drôle. Nous sommes arrivées à l’enclos des chevaux. Il n’y a qu’une demi-douzaine d’animaux, tous vieux et fatigués. Nynève commence à parlementer avec le maquignon. Au fond, attachée à la clôture, il y a une jument jeune et robuste. 

– Et cette jument ? je demande, interrompant la négociation. L’homme arque des sourcils étonnés. Nynève me foudroie du regard. 

– Oui, Monseigneur, en effet : cet animal ressemble à la jument de madame votre mère… dit mon amie. 

J’ai fait quelque chose de mal mais je ne sais pas quoi. Je n’ose plus ouvrir la bouche et Nynève décide de louer un baudet aux os saillants, une selle complète avec des étriers et deux lances qu’elle choisit avec un soin méticuleux. Nous sanglons et nous sellons l’animal et je monte dessus en tenant l’une des deux lances. Nynève, qui porte l’autre, marche à mes côtés. Dès que nous nous sommes éloignées de quelques pas, elle se retourne vers moi avec un geste de colère. 

– Quelle ignorante tu es, Léola ! Tu ne sais pas qu’un chevalier ne montera jamais sur une jument ? Il aimerait mieux qu’on lui coupe les jambes à coups de hache. C’est le plus grand des affronts qu’on puisse imaginer pour un guerrier… Ça, et monter dans un char. Tu nous as presque fait remarquer.

– Je suis désolée… Je balbutie. 

Les chevaliers ont vraiment des habitudes extraordinaires et incompréhensibles. Pourquoi monter un mauvais canasson fatigué quand on peut avoir une belle jument fougueuse ? Simplement à cause de son sexe ? Nous méprisent-ils, nous haïssent-ils à ce point, nous autres femelles ? Je regarde vers le bas, vers mes petits seins bandés et recouverts par le gambison et le fer. Je regarde ma poitrine lisse et bombée comme celle d’un mâle. S’ils savaient.

Le roi transparent – Rosa Montero

 

Au grand galop – Rafael Alberti

jeudi-poesie

Au grand galop
Les terres, les terres, les terres d’Espagne,
Les grandes, les seules, les désertes plaines
Galope, cheval balzan,
Cavalier du peuple
Sous le soleil et sous la lune.

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Au grand galop
Au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !

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De tout cœur sonnent, résonnent et résonnent
Les terres d’Espagne, sous les fers.
Galope, cavalier du peuple,
Cheval balzan
Cheval d’écume.

;
Au grand galop
Au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !

;

Personne, personne, personne, en face personne,
Car la mort n’est personne si tu chevauches ta monture
Galope, cheval balzan,
Cavalier du peuple
Car la terre est à toi.

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Au grand galop
Au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !

 

https://m.youtube.com/watch?v=15JfnrqBqSI

le mois espagnol se passe chez Sharon

logoespagnesharon

Aujourd’hui – « ils vont bien ensemble » – 12 avril

Aujourd’hui, j’ai cherché sur le net un tableau qui irait bien avec le poème que j’ai trouvé pour ce Jeudi Poésie.
Les mots assemblés par le poète vont presque tous bien ensemble : chevaux, orgue, petit, fête carillon, sucre d’orge, paradis. Il n’y a que « reproche » qui détonne un peu..
Je n’ai pas trouvé de tableau pour ce jeudi. Par contre j’ai trouvé ce tableau d’un peintre contemporain espagnol. Je n’ai plus qu’à trouver le poème qui ira bien ensemble pour le 7 mai et le mois espagnol chez Sharon.

caballitoEspanol Caballito Español – José Manuel Merello

source photo (article en espagnol) et ici un article en français

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 366 réels à prise rapide (les règles sont ici)

1. écrire sur le vif : OK

2. pas plus de 100 mots : 98 mots

3. éléments réels de la journée : OK

4. suivre la consigne de la date : OK

Romance somnambule – Federico Garcia Lorca.

jeudi-poesie

Allez chez Asphodèle lire les trouvailles des autres participants 😉

Vert c’est vert que je te veux.
Vert le vent. Verts les rameaux.
Nacelle voguant sur l’eau
Cheval par les monts rocheux.
La taille drapée de noir
Au balcon rêvant du soir
Chair verte et vert le cheveu
D’argent froid elle a les yeux.
Vert c’est vert que je te veux.
Sous une lune gitane
Vers elle vont les regards
Vers elle qui ne peut voir.
*
Vert c’est vert que je te veux.
D’amples étoiles de givre
Le poisson de nuit dirigent
Traçant de l’aube la piste.
Le figuier frotte sa brise
Au crin dur de ses ramages.
La montagne chat sauvage
Hérisse pointes d’agaves.
Qui viendra ? De quel côté…?
Elle a son balcon restée
Chaire verte et le cheveu vert
Rêve amère de la mer.

Extrait de « Romance somnambule » tiré du recueil Ramancera Gitan, traduit par Alice Becker-Ho et publié aux éditions Willim Blake & Co.