Nos vies en flammes – David Joy

LC avec Edualc 🙂

Ce livre est à la fois enthousiasmant et déprimant. Enthousiasmant pour la qualité de l’écriture et de la réflexion de cet écrivain, déprimant sur le fonds.

Commençons donc par le fond pour évacuer ce qui m’a déprimée : l’action se passe aux États-Unis dans les Appalaches, tout près d’une réserve Cherokee. Ce coin est très pauvre, il est de plus ravagé par les incendies de plus en plus nombreux, par-dessus cette calamité « naturelle » la population n’a pas beaucoup d’espoir et les jeunes tombent rapidement dans la drogue. Le fils Ricky est toxicomane depuis une vingtaine d’années (il a maintenant 40 ans). Son père Raymond lui sauve une dernière fois la mise car il doit 10 000 dollars à un chef de gang.

Côté passionnant je n’ai pas lâché ce livre une seconde car l’auteur sait maintenir à la fois le suspense pour ses personnages et aussi les rendre sympathique (même si de nombreux personnages sont des drogués notoires).

Les personnages secondaires sont également bien campés qu’il s’agisse d’un des flics infiltré pour essayer de démontrer ce trafic de drogue, de Denny, un indien lui aussi esclave de l’héroïne, d’une des amies de Raymond, flic également, qui essaye de venir en aide à Raymond.

En conclusion une sensation d’un monde qui s’effondre ou plutôt qui part en flammes…

L’auteur dédicace ce livre à Ron Rash, auteur que j’apprécie énormément.

Deux extraits

Quand un homme atteint la fin de quelque chose, c’est une chose de regarder entre ses mains et de voir sa propre vie en morceaux, mais c’en est une tout autre que de regarder en arrière et de voir tout dévasté dans son sillage. La vie ne peut aller que dans une direction, et ce qui reste derrière est à la fois puissant et permanent. Il avait pendant si longtemps refusé de se retourner. Désormais, il ne supportait pas l’idée d’avancer.

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Ceux qui restaient élevaient leurs enfants dans l’espoir qu’ils s’en sortiraient mieux. Ils leur conseillaient de faire des études pour trouver un bon boulot qui ne rendrait pas leurs mains calleuses, qui ne leur crevasserait pas la peau, qui ne leur briserait pas les os. Nous ne voulons pas que tu sois obligé de travailler comme nous l’avons fait. Voilà ce qu’ils disaient, et c’était une pensée noble mais de mauvais augure. Car au lieu de rester ancrés à l’endroit qui portait leur nom, ils emportaient leur nom avec eux quand ils partaient. Le tissu même de ce qui avait autrefois défini les montagnes se fragmentait et était remplacé par des étrangers qui construisaient leurs résidences secondaires sur les crêtes et faisaient tellement monter le prix de l’immobilier que les quelques gens du coin qui restaient ne pouvaient plus payer leur taxe foncière.

Le prince des marées – Pat Conroy

Quel livre !
Tom Wingo, 36 ans, est le narrateur. Dans le début du roman, il vit en Caroline du Sud et est marié à Sallie, il est père de trois filles et au chômage depuis un an. Sa mère leur rend visite : un grand moment de dialogue (famille, je vous hais !). Elle leur apprend que Savannah, la soeur jumelle de Tom a fait une deuxième tentative de suicide.
Le roman va alors alterner passé et présent pour expliquer comment ces personnes en sont arrivées à ce stade.
Ce roman-fleuve (1000 pages en poche) est époustouflant : les personnages sont tous très fouillés et crédibles : des grands parents, jusqu’aux petits enfants et aux personnages secondaires. Les parents sont toxiques et les trois enfants, Luke, Tom et Savannah sont très solidaires.
L’histoire est captivante (l’auteur sait parsemer l’intrigue de rebondissements savoureux), le contexte historique est toujours évoqué fort à propos (guerre du Vietnam, lutte pour les droits civiques dans cet état très raciste).
Le lien passé /présent se fait dans le cabinet du Docteur Lowenstein, psychiatre de Savannah, qui fait écouter à Tom le délire de Savannah lors d’entretiens après sa tentative de suicide.

Enfin la mer a une place à part entière et m’a emportée ….

Pour une fois la comparaison avec John Irving sur la quatrième de couverture ne m’a pas paru usurpée (ah l’épisode du tigre de Conroy vaut bien tous les épisodes d’ours d’Irving)…

Un extrait

J’ai grandi en Caroline du Sud où je suis devenu un homme, un Blanc sudiste, et je vivais avec brio la haine que j’avais consciencieusement appris à nourrir contre les Noirs lorsque le mouvement en faveur des droits civiques m’est tombé dessus sans crier gare, au détour d’une barricade, me démontrant à la fois mon ignominie et mon erreur. Comme j’étais un garçon réfléchi, sensible et épris de justice, j’ai fait mon possible pour me réformer et jouer un petit rôle insignifiant dans ce mouvement, ce dont je me suis empressé de tirer un orgueil plus qu’excessif. Puis je me suis retrouvé à l’université où je suivais la préparation militaire des Officiers de Réserve composé exclusivement de jeunes mâles de race blanche, et je me suis fait craché dessus par des militants pacifistes que mon uniforme dérangeait. J’ai fini par rejoindre les rangs de ces manifestations, mais je n’ai jamais craché sur quiconque ne partageait pas mes opinions. Je pensais passer tranquillement le cap de la trentaine, en brave contemplatif à l’humanisme irréfutable, lorsque le mouvement de libération de la femme m’a coincé au détour d’une avenue et, une fois de plus, je me suis retrouvé du mauvais côté de la barricade. Apparemment, j’incarne tout ce que le XXe siècle compte de turpitudes.

Livre lu dans le cadre du pavé de l’été chez Brize (1069 pages pour ce pavé en poche)

L’autre moitié de soi – Brit Bennett

Genre : histoire familiale vue de 1954 à 1980, USA

Première partie 1954-1968 : L’histoire est vue du point de vue de Desiree une des deux jumelles. Elle rentre chez elle chez sa mère 14 ans après avoir fugué. Elle était partie à 16 ans avec Stella sa soeur jumelle. Un an après, elle avait perdu la trace de celle-ci. Desiree et Stella sont deux jeunes femmes noires mais qui pourraient passer pour des blanches et il semble que c’est ce que Stella a choisi (fuir ce racisme, cette vie sans avenir : le début de l’action se situe en 1954)
Desiree revient chez sa mère, car son mari la bat. Ella a emmené sa fille Jude , 8 ans m.

Deuxième partie 1978 : Jude a 18 ans et arrive seule à Los Angeles. Noire comme l’ébène dans un village où la majorité des gens sont très e« clairs de peau», elle s’est toujours sentie au ban de la société.

Troisième partie : retour en 1968, mais l’histoire est complétée par la vision de Stella qui « renie » sa famille pour devenir blanche, nous faisons connaissance de Kennedy sa fille (qui a le même âge que Jude). Au départ, pour survivre et trouver du boulot elle se fait passer pour « blanche » et se trouve ensuite « prisonnière » de son mensonge.

La première moitié de ce livre est enthousiasmante, l’auteur prend le temps de nous faire découvrir les personnages et leurs motivations. La deuxième tout aussi bien écrite m’a moins intéressée (j’ai en fait préféré la première moitié avec la relation entre les deux soeurs plus que la deuxième partie centrée sur les cousines, Jude et Kennedy)

Malgré cette baisse d’intérêt de ma part pour cette deuxième moitié, cela reste un livre passionnant.

Extraits

C’étaient de braves gens, d’honnêtes citoyens qui donnaient aux bonnes œuvres et grimaçaient devant les reportages où l’on voyait des shérifs matraquant des étudiants noirs dans le Sud. Ils pensaient que ce Martin Luther King était un orateur remarquable, approuvaient peut-être certaines de ses idées. Jamais ils ne lui auraient tiré une balle dans la tête, et peut-être même avaient-ils pleuré à son enterrement – dire qu’il laissait des enfants si jeunes –, mais de là accepter qu’il s’installe dans le quartier, il y avait un monde. 

* *

Elle était la première surprise de s’en souvenir si bien, de voir qu’elle avait conservé une encyclopédie de son humiliation. À cette soirée, elle s’était forcée à rire – la cruauté des enfants, c’est dingue, non ? –, mais à l’époque elle ne riait pas. Parce que c’était vrai. Elle était noire. Noir-bleu. Non, d’un noir qui tirait sur le violet. Aussi noire que le café, l’asphalte, l’espace intersidéral. Aussi noire que le début et la fin du monde. 

L’African-American History Month Challenge est chez Enna

Que lire un 14 février ?

Il avait passé ces premiers mois d’incarcération à recomposer les traits de son visage de manière à avoir l’air d’un homme, auquel il était désormais interdit de pleurer, puis son corps s’était figé dans la même raideur que son visage, endurci par le froid qui vient une fois la douleur morte. Son corps avait survécu à cette première année, mais cela ne lui était d’aucun soulagement car son esprit continuait de vivre et d’engendrer des pensées grouillantes tels des cafards. La vraie survie consiste à apprendre à maquiller les souvenirs, déformer les souvenirs, effacer les souvenirs, tout ce qui demeure, poursuivre les ordres, la mêlée, les palabres, les combats. Surtout les combats. Survivre par tous les moyens nécessaires et apprendre à gérer la honte, car ils ne te laissent pas d’autres choix. Que se passe-t-il quand à force ton propre cœur s’est vidé de son sang ? À la fin, quand ils l’envoyèrent à l’autre bout de l’État dans les quartiers de sécurité minimum, l’émotion n’était plus que le cadavre d’une sensation dans un corps mort et enterré. Puis il lui expliquèrent qu’il pouvait brosser les chevaux, apprendre à se débrouiller tout seul, à se distinguer, pratiquer le sport des rois. Il n’était ni naïf, ni romantique, il vit clair dans leur jeu très rapidement : les chevaux, ce n’est rien d’autre qu’une drogue différente, les chevaux c’est de l’héroïne. D’ailleurs, les riches donnent dans les mêmes arnaques, simplement ils croient que leur paris ne sont que des jeux sans conséquences réelles. Contrairement à eux, il entrait là les yeux grands ouverts. Il avait lu tout ce qu’il avait pu se procurer sur le sujet, étudié comme un fou, puis il avait été choisi, car il était le seul à connaître les différences entre les chevaux à sang chaud et les chevaux à sang froid, les mors de bride et les filets de bride, le Byerley Turk et le Godolphin Arabian. Il savait ce qu’était un animal de proie.
Le premier jour de sa vie fut le 14 février : ils les emmenèrent tous aux granges par paires, tels les couples d’animaux dans l’Arche, les vieux, tranquilles sous leurs chapeaux, et Allmon, le plus jeune, vingt-deux ans maintenant. Un homme blanc se tenait là, un ancien entraîneur, avec un alezan massif au bout de sa bride, un pur sang retapé. Les mots de cet homme sur les premiers mots de la vie d’Allmon :
« Joyeuse Saint-Valentin, Messieurs, et bienvenue pour votre premier jour au Camp d’entraînement du pur sang. Si vous avez été sélectionnés pour ce programme, cela signifie que vos examinateurs, de même que le comité du Programme des grooms, estiment que vous avez montré le potentiel et l’enthousiasme nécessaires à ce genre de tâche. Vous êtes l’un des élus. Comprenez moi bien : nous nous fichons de ce que vous avez fait pour vous retrouver en prison. Nous ne nous intéressons qu’à la façon dont vous êtes conduits depuis. Vous sortirez de Blackburn dans environ six mois, et afin de vous préparer, cette moitié d’année à venir sera consacrée à l’univers des chevaux – leur histoire, leur entretien, leur nourriture, leurs soins, et incidemment quelques notions de sciences vétérinaires.
« Monsieur, les cents chevaux de ce programme viennent de tout le pays ; nous avons des chevaux à vendre qui ont déjà pris quatre-vingt-dix kilos de muscles depuis leur arrivée, nous avons des coureurs de seconde zone qu’on a fait courir sur des genoux cassés, des tendons fléchis, nous avons quelques vainqueurs de stakes classés, donc vous reconnaîtrez les noms si vous lisez le Racing Firm. La seule chose qu’ils ont en commun est d’avoir été les rebuts d’encan, sauvés in extremis de l’abattoir. Environ cent mille chevaux sont abattus chaque année dans ce pays. On élève des pur-sang à hauteur de trente mille bêtes par an, par conséquent, pour un vainqueur de Stake, environ deux cents trotteurs partent à l’abattoir quand ce qu’ils gagnent ne compense pas ce qu’ils coûtent. On leur enfonce un clou de dix centimètres dans le front pour les assommer, puis on les suspend par une jambe arrière et on leur tranche la gorge, on les saigne. Je veux que vous ayez cela à l’esprit quand vous vous occuperez de ces chevaux – vous avez ici la possibilité de sauver des vies. Devenir groom est une vocation particulière. Les éleveurs élèvent des chevaux de plus en plus gros sur des jambes toujours plus faibles, les propriétaires vivent rarement au milieu de leurs bêtes, la plupart d’entre eux sont là pour l’argent ou pour la frime, les vétérinaires et les entraîneurs les chargent aux médicaments et les font courir, même quand ils sont blessés, quant aux jockeys ils se font un maximum de fric sur leur dos. Vous les entendrez tous raconter qu’ils aiment les chevaux, mais en ce qui me concerne, les seuls qui ont droit de dire une chose pareille, ce sont les grooms. Vous nourrissez les chevaux, vous les brossez, vous les caressez, donc vous pouvez dire que vous les aimez. Nous avons un vieux proverbe dans ce métier : « traite ton cheval comme un ami, pas comme un esclave. » C’est de cela que je parle. À présent, approchez , et venez rencontrer votre premier cheval. »

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Le sport des rois – C.E Morgan

Que lire un 2 janvier à 1 heure du matin ?

Les jours passent, mon lecteur. Les semaines aussi. Comme j’ai bien mauvaise mémoire et que je n’ai pas tenu de journal à l’époque dont il va être maintenant question, la succession précise d’événements n’est pas plus claire dans mon esprit que dans ces pages. Les dés ne m’ont commandé d’écrire mon autobiographie que près de trois ans après ma découverte ; la valeur historique de mes faits et gestes n’était donc pas alors évidente pour moi.
D’autre part, il est probable que ma mémoire infidèle et sélective ne retienne que le plus important. Peut-être confère-t-elle à ma vie hasardeuse une structure qui s’estomperait si je me souvenais de tout. Supposons donc que ce que j’oublie est a priori insignifiant et, de même, que ce que je me rappelle est capital. Ce ne sera peut-être pas l’impression générale, mais on a ainsi une théorie commode de l’autobiographie. Et puis, si l’enchaînement des chapitres ou des scènes vous paraît particulièrement illogique, attribuez le soit à l’arbitraire de ma mémoire, soit au hasard de la chute d’un dé. Cela rend notre itinéraire plus psychédélique.
Dans mon évolution vers une hasardisation totale, ce qui se passa le 2 janvier 1969 à une heure du matin est le premier événement notable que je trouve maintenant à rapporter.
Je décidai de commencer la nouvelle année (je démarre toujours lentement) en confiant aux dés le soin de décider de mon destin à long terme.

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L’homme-dé – Luke Rhinehart

Les sortilèges du Cap Cod – Richard Russo

Richard Russo fait partie des auteurs que j’ai découverts récemment et qui m’enchantent.
Pas d’histoire extraordinaire ici : un homme, enseignant universitaire, a des difficultés dans son couple. Les deux époux ont tous les deux la cinquantaine et leur fille les a invités au mariage de sa meilleure amie au fameux cap Cod du titre. C’est l’occasion pour Jack de dérouler sa vie entière pour se demander quand son mariage a commencé à partir à vau l’eau. Il revient sur son enfance et surtout sur le couple étrange que formait ses parents. Le père octogénaire est décédé il y a six mois et Jack avait promis de disperser ses cendres au Cap Cod, là où celui-ci aurait vécu les plus beaux instants de sa vie. Sa mère (octogénaire également) le harcèle au téléphone….


Il s’agit d’un livre introspectif, à la fois lucide sur les dégâts du temps et fascinant d’ironie (le comique de répétition atteint des sommets dans l’autodérision et j’ai plusieurs fois éclaté de rire…pour être pas loin des larmes deux pages après)

Dans une deuxième partie, on retrouve nos (anti) héros, un an après, au mariage de leur fille Laura : après un an de séparation, est là l’occasion de se réconcilier ?

Si on devait plagier le titre d’un film célèbre ce serait deux mariages et deux enterrements …
une réussite pour ma part ce roman (peut-être parce que j’ai quasiment le même âge que les deux personnages principaux ….et que je me suis énormément identifiée à eux)

Un extrait :

C’était au sujet de l’endroit où ils passeraient leur lune de miel qu’ils avaient connu leur premier vrai désaccord. Elle penchait pour les côtes du Maine où elle allait en vacances quand elle était petite. Chaque été, la famille louait la même vieille baraque à moitié en ruines non loin de l’endroit où sa propre mère avait grandi. Les huisseries laissaient passer les courants d’air, la charpente craquait, et le parquet était tellement voilé que si un pion des petits chevaux tombait de la table de la cuisine, on courait après jusque dans le salon pour le récupérer. Mais ils y étaient habitués, et il y avait assez de place pour loger les parents, les cinq enfants et les éventuels visiteurs du week-end. Joy se souvenait des dîners en famille et des excursions le soir vers un parc d’attraction de la région, des parties de Monopoly et des tournois de Cluedo qui duraient la journée entière quand il pleuvait. Même après la mutation de son père dans l’Ouest, ils retournaient passer le mois de juillet dans le Maine, malgré les plages de galets et l’eau trop froide pour s’y baigner. Joy était allée jusqu’à suggérer de louer cette même maison pour leur lune de miel. Ce qui appelait la Grande Question numéro un : pourquoi Griffin l’avait-il convaincue d’aller au cap à la place ? Puisque l’opportunité leur était donnée de suivre les traces d’un mariage heureux – celui des parents de Joy l’avait été, sans l’ombre d’un doute -, pourquoi choisir l’exemple misérable donné par ses propres parents ?

Némésis – Philip Roth

Un livre qui ne m’a pas totalement convaincue.
Peut-être est-ce les circonstances de lecture : le sujet du livre est une épidémie de polio, un livre que je lis durant le deuxième confinement.
L’épidémie fait rage dans ce quartier pauvre de Newark en 1944. La canicule y est oppressante. Les victimes de cette épidémie sont presque tous de jeunes garçons de 12 ans.
J’ai trouvé que Roth restait en surface de ses personnages.

Le jeune homme au début est convaincant ,il souffre d’avoir été refusé dans l’armée du fait de sa mauvaise vue ; en Europe et dans le Pacifique la guerre fauche de jeunes hommes de vingt ans. Bucky Cantor décide alors de devenir professeur de sport pour accompagner les jeunes de son quartier…
J’ai trouvé ensuite qu’il tourne vite aux clichés : culpabilité, fuite en avant,… perte de foi en Dieu…
Pour tout dire j’ai également trouvé que la fin était un petit peu bâclée…
En bref pas convaincue du tout : après avoir été enthousiasmée par « le complot contre l’Amérique », j’en attendais sûrement trop ….

LC avec Edualc (qui, j’espère, aura plus apprécié que moi)

Deux extraits

Le grand-père, Sam Cantor, était venu tout seul en Amérique dans les années 1880, petit immigrant originaire d’un village juif de Galicie polonaise. Il avait appris à n’avoir peur de rien dans les rues de Newark, où il s’était fait casser le nez plus d’une fois dans des bagarres avec des bandes antisémites. Les agressions violentes contre les Juifs, chose courante pendant sa jeunesse dans les quartiers pauvres de la ville, contribuèrent beaucoup à former sa conception de la vie, et plus tard celle de son petit-fils. Il l’encouragea à se défendre en tant qu’homme, et à se défendre en tant de Juif, à comprendre qu’on n’en a jamais fini avec les combats qu’on mène, et que, dans la guérilla sans fin qu’est la vie, «quand il faut payer le prix, on le paye».

* *

Il faut qu’il convertisse la tragédie en culpabilité. Il lui faut trouver une nécessité à ce qui se passe. Il y a une épidémie, il a besoin de lui trouver une raison. Il faut qu’il se demande pourquoi. Pourquoi ? Pourquoi ? Que cela soit gratuit, contingent, absurde et tragique ne saurait le satisfaire. Que ce soit un virus qui se propage ne saurait le satisfaire. Il cherche désespérément une cause plus profonde, ce martyr, ce maniaque du pourquoi, et il trouve le pourquoi soit en Dieu soit en lui-même, ou encore, de façon mystique, mystérieuse, dans leur coalition redoutable pour former un destructeur unique. Je dois dire que, quelle que soit ma sympathie pour lui face à l’accumulation de catastrophes qui brisèrent sa vie, cette attitude n’est rien d’autre chez lui qu’un orgueil stupide, non pas l’orgueil de la volonté ou du désir, mais l’orgueil d’une interprétation religieuse enfantine, chimérique.

Que lire un 16 novembre ?

Un jour calme de novembre après les obsèques, Père partit et ne revint pas.
L’année de son départ, l’été à Old Buckram avait été d’une sécheresse biblique. Les sources montagneuses s’étaient taries et les dalles noires qui couvraient le lit d’Abbadon Creek s’étaient changées en os, mais l’automne avait apporté une pluie abondante et régulière qui, jour après jour, refusait de cesser. De nouveau, Abbadon Creek sortait de son lit, débordant d’une eau froide et trouble, et une lourde nappe de brouillard pesait sur chaque coin des sombres collines. Le sommet des montagnes était caché par des nuages qui ne bougeaient plus.
Le jour en question : le 16 novembre 1985. Un samedi. Trompé de pluie, sombre, la nuit tombant tôt.

Les jours de silence – Phillip Lewis

Par le vent pleuré – Ron rash

Dans ce roman, Ron Rash nous emmène au fin fond des USA : d’une part en 69 et d’autre part de nos jours (2016). L’action est vue du côté d’Eugène, le frère cadet. Il parle également de son grand frère, devenu chirurgien.
Ce roman raconte en parallèle l’été 69, la rencontre des deux frères avec Jane qui préfère se faire appeler Ligeia. Celle-ci partira à la fin de l’été : Officiellement, elle a fugué, pour les deux frères la version est que le grand frère Will a mis Jane dans un car en destination de la Floride. Or, 46 ans après, on découvre un corps et on apprend très rapidement qu’il s’agit de Jane. Eugène est sidéré : Il revisualise les 46 ans qui se sont écoulés et en vient à s’imaginer que son frère est coupable du meurtre de Jane.
Vérité ? Mensonge ? Accident ? Meurtre ?
Comme pour « un pied au paradis », ce n’est pas l’enquête policière qui est la plus importante mais bien les ressentis et les émotions des différents personnages. En à peine deux cents pages l’auteur arrive à nous brosser un portrait (très très) crédible de Eugène, 60 ans actuellement, 15 ans en 1969 ; de Will son grand frère, de leur mère et du grand-père, véritable tyran domestique. Le portrait de la jeune fille assassinée est également convaincant.
Quelle prouesse dans la narration car on se met tour à tour dans la peau de chaque personnage, j’ai soupçonné tout le monde, j’ai compatis devant l’ivrognerie d’Eugene, a un moment j’ai détesté Will puis je l’ai admiré puis encore un retournement de situation…
Bref une réussite…

Le titre « par le vent pleuré » est extrait d’un poème de Thomas Wolfe dans « l’ange exilé », qui est un livre qui a énormément marqué la mère des garçons et qui a également énormément influencé Eugène lui-même (Eugène étant le prénom d’un des personnages de l’ange exilé.)

Le mois américain chez Titine, et Challenge polar  chez Sharon

Au bord de la terre glacée – Eowyn Ivey

LC avec Edualc 🙂

Alaska – 1885

Ce roman alterne entre le journal du Colonel Forrester  en expédition pour cartographier l’Alaska en particulier la Rivière Wolverine et celui de son épouse, Sophie, qui elle, est restée (enceinte) à Vancouver. Sophie est passionnée d’ornithologie ; elle aime également dessiner les oiseaux et devient peu à peu férue de photographie.

Ce parallèle, sur une année de séparation, entre les deux trajectoires des époux est pour moi la force de ce livre, qui sait renouveler ainsi l’intérêt : sans les sentiments de Sophie, les aventures d’Allen en territoire inconnu seraient bien fades et inversement sans Allen, les tentatives de Sophie de capter la lumière et les oiseaux lors de séances photos auraient moins d’intérêt.

Pour relier le tout, ce roman fait également état de la correspondance de deux hommes : le premier est l’arrière-petit-neveu d’Allen et Sophie. Le deuxième est le conservateur du musée à qui le premier a envoyé les journaux intimes de ces deux aïeux. Plus d’un siècle plus tard, Sophie et Allen semblent revivre dans cet échange épistolaire…

Il y a d’un côté les rapports officiels du Colonel Forrester pour sa hiérarchie et de l’autre des carnets plus personnels empreints de réalisme magique et de légendes indiennes Midnouskis dans cette contrée âpre et sauvage….J’ai particulièrement aimé l’histoire de la naissance de Moses Picéa…

De nombreux croquis d’animaux et de cartes complète cette odyssée où j’ai appris (entre autre) que l’’Alaska a été « racheté » par les USA à la Russie en 1867.

Un extrait : Sophie parlant de la lumière

Je pense beaucoup à la lumière, à la manière dont elle se concentrait dans les gouttes de pluie ce matin où j’étais folle de bonheur, et cette façon inattendue qu’elle a de changer et se déplacer, de sorte que la maison est parfois sombre et fraîche, et la seconde d’après emplie de rayons dorés.
Père évoquait une lumière d’avant les étoiles, une lumière divine toujours évanescente mais presque toujours présente aux yeux de ceux qui savent la voir. Elle entre et elle sort des âmes des vivants et des morts, se replie dans les coins silencieux de la forêt et, à l’occasion, se révèle dans les rares véritables œuvres d’art.

Le mois américain chez TitineChallenge animaux du Monde Chez Sharon (les oiseaux ont un rôle important dans ce roman)

Challenge pavévasion chez Brize (624 pages en poche)