Le chinois – Henning Mankell 

Je lis régulièrement des livres de Henning Mankell  : j’aime ses héros humbles et dont la réflexion sur la société me parle.
Ici le personnage principal est Birgitta . Elle est juge en Suède, l’histoire commence avec un massacre au fin fond de la Suède et Birgitta (qui n’est pas du tout chargée de l’enquête) fait le lien avec la famille adoptive de sa mère. Birgitta a environ 55 ans et s’interroge beaucoup sur la société, sur son couple, l’amitié, les enfants devenus grands etc.
Comme elle dispose de quelques congés, elle décide d’aller au nord de la Suède pour voir si elle peut aider à l’enquête. le récit de Birgitta occupe la première partie et plante le décor en 2006.
La deuxième partie fait un retour en arrière dans les années 1860 pour expliquer l’exil temporaire de San, un chinois, aux États-Unis.
Après cet aparté et jusqu’à la fin du livre l’action se passe à nouveau en 2006.
Ce que j’ai aimé : Comme toujours chez Mankell, la réflexion sur la société est sous-jacente et intéressante. Les observations tournent autour de la Suède mais pas seulement : autour de la Chine, et de l’Afrique en particulier le Mozambique, notamment sur le rôle de celle-ci dans une sorte de « nouvelle colonisation » de l’Afrique.
J’ai également aimé les personnages tout en subtilité, Birgitta mais aussi son amie sinologue, ainsi que le personnage de Hong, cadre du parti communiste Chinois.
Ce que j’ai moins aimé : Quelques invraisemblances, un mobile peu convaincant et une fin un peu en queue de poisson.

Le peigne de Cleopâtre – Maria Ernestam

 

Stockholm de nos jours
Un peu en « pause au niveau professionnel », trois amis décident de monter leur société « le peigne de Cléopâtre » :  leur but est d’aider des personnes du voisinage dans différents domaines : comptabilité, juridique, architecture d’intérieur.
Mari est comptable et vient de se faire licencier par son associé.
Anna est gérante d’un café baptisé « le refuge » (le bien nommé) et souhaiterait gagner plus d’argent pour pouvoir adoucir les derniers jours de son père, malade.
Friedrich est un peu touche à tout (c’est le personnage qui m’a le plus touché par sa sensibilité , vient ensuite Anna pour son amour pour son père et sa fille …)

Au début tout se passe bien jusqu’au moment où Elsa, la voisine d’Anna, vient lui demander de tuer son mari.
Cruel dilemme pour les trois amis : a-t-on le droit de tuer un homme malfaisant comme on se débarrasserait d’un animal nuisible ?

Les trois amis ont eu chacun une enfance assez difficile et se mettent donc facilement à la place d’Elsa (femme battue mais surtout harcelée psychologiquement)

Tout l’art de l’auteur réside dans le fait qu’elle nous décrit le meurtre mais sans dire qui est le meurtrier : on sait juste que le  meurtrier est nommée  « Elle » mais qui donc a tué le mari d’Elsa ? Mari ? Anna ? Elsa ? Miranda, l’amie de Friedrich ? une homme déguisé en femme ? J’ai même soupçonné Jo l’employée du refuge…

La suite est bâtie donc avec beaucoup de suspense, de faux indices : comme dans « les oreilles de Buster » l’auteure arrive à nous faire ressentir de l’empathie pour un meurtrier (a moins qu’ils ne soient plusieurs)
Chacun des trois amis a des failles qui nous sont dévoilées petit à petit : ils sont tous les trois parfois borderline mais tellement attachants et avec une vrai qualité de réflexion sur le « sens moral » et la justice.

Alors qui a le droit de décider de la mort d’un homme ? A quel prix ? et si on se décide quel sera alors le nuisible suivant à éliminer ?

J’avais trouvé quelques uns des éléments mais la surprise est bien au rendez vous
Il est étiqueté « thriller » dans Babelio : je n’irai pas jusque là même si cette lecture m’a énormément plu.

Un extrait

Jeune homme, je ne suis pas juriste mais je sais pertinemment que si je demandais le divorce, mon mari me ferait vivre un enfer. Il s’en est donné à cœur joie pendant toute notre vie commune, alors la tyrannie, ça le connaît. Il sait exactement où appuyer pour que ça fasse mal. La culpabilité, la honte, la réputation, l’argent… Pour tout vous dire, après ce que j’ai vécu, je me fiche presque de la culpabilité et de la honte. Les problèmes de réputation ne me concernent pas. Mais avec un peu de chance, il me reste encore une dizaine d’années à vivre, et je veux les vivre pleinement. Après notre discussion de ce matin, je me suis dit qu’il n’était pas trop tard pour être heureuse. Pas trop tard pour… me mettre à fumer des cigares, ou, pourquoi pas, à porter des sous-vêtements en dentelle ! Mais d’abord, mon mari doit disparaître. Il ne doit plus jamais être en mesure de m’insulter ni de m’accuser de quoi que ce soit. Qu’une vieille dame souhaite vivre pleinement les quelques années qui lui restent, ça ne peut pas être complètement répréhensible, n’est-ce pas ?

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Challenge Polar et thriller chez Sharon 

Les oreilles de Buster – Maria Ernestam

Incipit : « J’avais sept ans quand j’ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j’ai finalement mis mon projet à exécution »

Tout est dit dans cet incipit. Et en même temps rien n’est dit. Eva,56 ans, va remonter le fil de ses souvenirs de ses sept ans jusqu’à maintenant. Le lecteur sait donc dès le début qu’il lit la confession d’une meurtrière (une meurtrière qui a su cacher son crime…). Cela ne m’a pas empêché de me sentir proche d’Eva.
Sa mère est toxique, malade à n’en pas douter : égocentrique, alcoolique, séduisante et mielleuse un moment puis cruelle l’instant d’après. Eva est mal aimée voire maltraitée (psychologiquement). Heureusement que son père essaie de la protéger, sans trop y parvenir….
La couverture de ce roman où Eva promène un chien (Buster ?) d’un ton renfrogné est très bien choisie : elle montre à la fois sa fragilité de petite fille et une certaine détermination … détermination à toute épreuve …
Eva grandit tant bien que mal et espère construire une relation stable avec un jeune homme …c’est sans compter l’intervention de sa mère …

En alternance, Eva raconte son enfance dans son journal intime puis nous la suivons dans son quotidien de préretraitée, pour cause de problème de dos. Malgré sa santé délicate, elle continue de choyer ses rosiers, de dialoguer avec ses amies Petra et Gudrun, de s’occuper d’un vieille voisine (qui a l’âge que sa mère aurait eu si elle avait vécu) .

J’ai trouvé ce livre passionnant dans l’analyse des sentiments de la petit fille qu’est Eva, puis de l’adolescente qu’elle devient jusqu’à la femme mûre qui écrit dans son journal … une femme qui a commis l’irréparable mais qui n’a finalement jamais eu de remord ..

En parallèle de l’histoire principale, des intrigues secondaires m’ont également intéressée : la fille d’Eva est en plein divorce et essaie elle aussi de remonter la pente. Irène, atteinte de la maladie d’Alzhemer est admise dans d’un mourroir (on est loin de la vision idyllique d’une Suède où le bien être social règne…) . Eva s’occupe d’Irene alors que la propre fille d’Irène ne mâche pas ses mots et crache la haine qu’elle a pour elle (encore une qui aurait dû assassiner sa mère quand elle le pouvait….)

En bref les histoires mères-filles ne sont jamais simples….

Eva est-elle un monstre comme sa mère ou était-elle en légitime défense ? A chacun de se faire son opinion…

Une lecture que je vous recommande…

 

Un extrait

J’ai répliqué que si Petra avait tellement besoin de parler, c’était peut-être justement parce qu’elle vivait avec un homme pathologiquement taciturne. Sven a protesté :
– Pas du tout. Les femmes ont une réserve de quatre mille mots à épuiser quotidiennement, je veux dire en moyenne, quatre mille mots par jour, et nous les hommes, nous n’en avons que deux mille. A un moment ou à un autre au cours de la journée, nos mots sont tout simplement épuisés, alors que vous, il vous en reste encore la moitié. Et voilà ce qui arrive. Pas étonnant que tant d’hommes soient fatigués.

Challenge Petit bac 2019 Enna : catégorie « partie du corps »