JD Salinger – L’attrape-coeur

Holden Caulfield, 16 ans, vient de se faire renvoyer de son lycée, à quelques jours des vacances de Noël. Effrayé par ce que ses parents vont dire, il décide de ne pas rentrer directement chez lui, mais de passer les trois jours avant les vacances dans New York. Petit à petit on en apprend plus sur son grand frère,  DB qui écrit des scénarios à Hollywood, sur son père qui ne pense qu’au travail, sur sa mère…et aussi sur sa soeur Phoebe. 

Au départ, j’ai trouvé le personnage un peu caricatural, l’ado dans toute sa splendeur, qui s’exprime difficilement, avec des phrases toutes faites, et qui répète en boucle « c’est dingue », « ça me tue ». Jusqu’au moment où il rédige une dissertation pour un de ses camarades de pension. A ce moment, pour ma part cela a été le vrai tournant du livre, et j’ai changé d’avis sur ce grand escogriffe grandi trop vite. Dans cette dissertation il parle de son petit frère Allie, décédé d’une leucémie.
Parce qu’Allie était gaucher. Ce qui prêtait à description c’est qu’y avait des poèmes écrits sur les doigts et partout. A l’encre verte. Mon frère les copiait sur son gant pour avoir quelque chose à lire quand il était sur le terrain et qu’il attendait que ça redémarre. Maintenant il est mort, mon frère. Il a eu une leucémie, il est mort quand on était dans le Maine, le 18 juillet 1946. Vous l’auriez aimé. Il avait deux ans de moins que moi mais il était dans les cinquante fois plus intelligent. Il était super-intelligent. Ses professeurs écrivaient tout le temps à ma mère pour lui dire quel plaisir çà leur faisait d’avoir Allie dans leur classe. Et c’était pas du baratin. Ils le pensaient pour de vrai. Non seulement Allie était le plus intelligent de la famille mais en bien des façons il était le plus chouette. Il se mettait jamais en rogne. Les rouquins, on dit qu’ils se mettent en rogne facilement, mais Allie jamais. Je vais vous dire le genre de rouquin que c’était. J’ai commencé à jouer au golf quand j’avais à peine dix ans. Je me souviens d’une fois, l’année de mes  douze ans, je plaçais la balle sur le tee, et j’ai eu l’impression que si je me retournais je verrais Allie. Je me suis retourné. Et tout juste il était là, assis sur son vélo, de l’autre côté de la clôture- y avait cette clôture qui entourait le terrain- et il était là, à cent cinquante mètres de moi qui me regardait faire. Voilà le genre de rouquin que c’était. Bon Dieu, on n’a jamais vu un môme aussi chouette. Pendant les repas çà lui arrivait de rire tellement en pensant à quelque chose qu’il en tombait presque de sa chaise. C’était l’année de mes treize ans et mes vieux allaient être forcés de me faire psychanalyser et tout parce que j’avais brisé toutes les vitres du garage. Je leur en veux pas. Je couchais dans le garage,  la nuit où Allie est mort, et j’ai brisé toutes les foutues vitres à coups de poing, juste comme ça. J’ai même essayé de démolir aussi les vitres du break qu’on avait cet été-là, mais ma main était déjà cassée et tout, alors j’ai pas pu. Un truc idiot faut bien le dire, mais je savais plus trop ce que je faisais et vous, vous savez pas comment il était, Allie. J’ai encore quelquefois une douleur à la main par temps de pluie, et je peux pas serrer le poing – pas le serrer complètement- mais à part çà je m’en fiche. J’ai jamais eu l’intention d’être chirurgien, ou violoniste. (p49)
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Après ce passage, je n’ai plus lâché ce livre et j’ai trouvé Holden, tour à tour sensible, passionnant, émouvant et pathétique, si seul au monde.
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Le type de la Navy et moi on s’est servi de l' »Enchanté d’avoir fait votre connaissance ». Un truc qui me tue. Je suis toujours à dire  « Enchanté d’avoir fait votre connaissance » à des gens que j’avais pas le moindre désir de connaître. C’est comme çà qu’il faut fonctionner si on veut rester en vie. (P101)
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Enfin, il décide de fuguer pour de bon et veut dire au revoir à sa petite soeur Phoebe, 10 ans, une môme que j’ai trouvé époustouflante de sagesse et de répartie.
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Un dialogue entre le frère et la soeur explique le titre du roman :
« – Tu connais la chanson « Si un coeur attrape un coeur qui vient à travers les seigles? Je voudrais…
– C’est « Si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles ». C’est un poème. De Robert Burns.
– Je le sais bien que c’est un poème de Robert Burns. » Remarquez, elle avait raison, c’est  « Si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles ». Depuis j’ai vérifié. Là j’ai dit : « Je croyais que c’était  « Si un coeur attrape un coeur ». Bon. Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux, – je veux dire pas de grandes personnes – rien que moi. Et moi je suis planté au bord d’une saleté de falaise. Ce que j’ai à faire c’est attraper les mômes s’ils s’approchent trop près du bord. Je veux dire, s’ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C’est ce que je ferais toute la journée. Je serais l’attrape-cœurs et tout. D’accord , c’est dingue, mais c’est vraiment ce que je voudrais être seulement çà. D’accord c’est dingue. p194
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En conclusion : j’ai adoré (et pour jeudi prochain le 4 juillet, je viens de programmer une petite citation qui m’a fait hurler de rire).
attrape coeu en anglais cheval
Challenge roman Culte de Métaphore
challenge-romans-cultes
Challenge 100 livres de Bianca
challenge-des-100-livres-chez-bianca

Pas facile de voler des chevaux – Per Petterson

PASFACILEDEVOLDERDESCHEVAUXTrond Sander, 70 ans, vit isolé dans un village de Norvège. Il raconte…. par bribes..pêle-mêle : Ce qu’il a vécu quand il avait 15 ans en 1948… ses relations avec son père… sa découverte de la réalité de la vie des adultes…. les drames de l’existence…l’immédiate après guerre en Norvège, sa vie de vieil homme dans un bourg isolé.
Avec son ami Jon, lui aussi 15 ans, leur jeu est de « voler des chevaux » à leur voisin. Voler des chevaux est un bien grand mot, il s’agit « juste » de les monter à cru dans le pré …et de se prendre pour des cow-boys…
Avec une écriture très fluide, très proche de la nature, Per Petterson nous emmène entre adolescence, âge adulte et réflexions sur la vie (et la fin de vie).
Trond Sander, est veuf, il a une fille à qui il parle peu… on sent tout la difficulté à communiquer. Ce livre est l’histoire de l’été de ses quinze ans où il est passé de l’enfance à l’âge adulte….A 70 ans, on le sent serein, il savoure ses dernières années et en profite pour se remémorer les instants heureux et malheureux de sa vie, de celle de son père, de Jon et de sa famille.
J’ai trouvé la description de ses relations avec son père très juste et très intéressante. Grâce à un voisin, Trond apprend que son père s’est engagé dans la résistance pendant la guerre et que « voler des chevaux » avait un autre sens pour lui. Son regard d’adolescent observe et ne comprend pas la vie des adultes. Il est tour à tour vif, révolté, effondré, amoureux….
La nature sauvage a une très belle part dans ce livre.
En conclusion  : un livre que je recommande fortement.

Deux extraits : 

Début novembre. Il est neuf heures. Les mésanges viennent se cogner à la fenêtre. Un peu assommées, il leur arrive de reprendre leur vol, mais parfois elles tombent et se débattent un moment dans la neige fraîche avant de retrouver l’usage de leurs ailes.(Incipit)

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Jon et moi avions fini de traverser le pré.. Nous marchions sur la route, et nous avions beau connaître le chemin comme notre poche, tout nous paraissait différent. Nous allions voler des chevaux, et ça se voyait. Nous étions des criminels. ça transforme les gens, ça change quelque chose dans leur regard et dans leur façon de marcher c’est inévitable. Et voler des chevaux, c’était ce qu’il y avait de pire. Nous connaissions les lois qui régnaient à l’ouest de Pecos, nous dévorions les illustrés et leurs histoires de cow-boys. Et même si en réalité nous étions si loin à l’est de Pecos qu’on pouvait aussi bien dire le contraire ; ça dépend dans quel sens on regarde le monde. Et ces lois étaient sans pitié. Si tu étais pris, on t’attachait à une branche d’arbre, une corde autour du cou ; du chanvre grossier contre ta peau douce. Puis quelqu’un donnait une tape sur le cul du cheval et tu courais dans le vide comme s’il y allait de ta vie. (p 35)

L’avis d’Eeguab est ici.

Livre lu dans le cadre de plusieurs challenges 😉

« Jacques a dit » de Métaphore : « doubles initiales »

challenge-jacques1

Challenge Totem de Liligalipette

challenge-totem

Challenge lire sous la contrainte de Philippe avec la contrainte « Phrase négative »

Le titre devra donc comporter une négation c’est-à-dire, normalement le petit mot « ne » suivi de « pas, rien, jamais, plus » ou précédé de « personne, rien, nul« .

challenge-contrainte

Challenge « animaux du monde » de Sharon

CHALLENGE-animaux

Challenge « tour du monde » d’Helran pour la Norvège

challenge tour-monde-8-ANS

Et enfin challenge à tout prix de Laure
challenge-a-tous-prix

‘Pas facile de voler des chevaux’ a obtenu le prix littéraire européen Madeleine Zepter le 7 décembre 2006.

‘Pas facile de voler des chevaux’ a reçu le prix des lecteurs de littérature européenne dans le cadre du Prix de littérature européenne de Cognac 2007.