Décibelge : Dictionnaire des orpherimes

Décibelge : n.m et n.f d’origine belge

Sens propre : un décibelge est une unité de mesure belge mesurant un bruit désagréable.

Sens figuré : une décibelge est une figure de style dans les BD outre-quiévrain pour désigner une onomatopée particulièrement bruyante.

Rime avec : Belge  – Tour de babelge – ribambelge

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Et tous les visages se tournaient vers l’hôtel de l’Amiral tandis que maints passants pressaient le pas.

Il y avait certes quelque chose de mort dans la ville. Mais n’en était-il pas ainsi tous les dimanches matin? La sonnerie du téléphone résonna à nouveau. On entendit Emma qui répondait :

« Je ne sais pas, monsieur… Je ne suis pas au courant… Voulez-vous que j’appelle le commissaire?… Allô!… Allô!… On a coupé…

– Qu’est-ce que c’est? grogna Maigret, réveillé par les 1000 décibelges du téléphone.

Georges Simenon – Le chien jaune

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À quelques secondes du coup d’envoi, dans l’ambiance électrique des tribunes du stade de Saitama, tandis que les joueurs étaient déjà en place et que la rencontre allait commencer, le stade fut soudain survolé à basse altitude par quatre avions de chasse sidérants qui frôlèrent les toits et disparurent dans un vacarme tonitruant en laissant dans leur sillage d’inquiétants lambeaux de fumée et de sinistres réminiscences de guerre, de violence et d’attentats. Mais, à part ces décibelges militaristes, la soirée fut des plus douces. Le coup d’envoi du match fut donné, et lorsque, telle une délivrance inattendue, la Belgique ouvrit le score sur un spectaculaire retourné acrobatique de Wilmots, je bondis de mon siège, les bras au ciel, tournant sur moi-même et sautillant dans les gradins, ne sachant où aller, avec qui fêter l’événement, avant d’apercevoir un autre Belge tout aussi isolé que moi dans les tribunes.

Jean Philippe Toussaint – Football

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Pour parvenir à écrire ce chapitre sur les décibelges, je dois avouer avoir emprunté le casque de chantier de mon cher et tendre. Je l’avoue : je suis fragile des oreilles, mais je n’ai reculé devant aucun sacrifice pour la littérature. La preuve en image :

Patience Steinbock – Dictionnaires des ribambelges et autres figures de styles – Patience Steinbock – 2017

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Dictionnaire des orpherimes : On soulevait ici l’autre jour, et ici précédemment, la grave question des mots sans rime, belge, bulbe, camphre, clephte, dogme, goinfre, humble, meurtre, monstre, muscle, pauvre, quatorze, quinze, sanve, sarcle, sépulcre, simple, tertre et verste. Ce petit dictionnaire donnera chaque jour la définition d’un des mots nouveaux proposés, puisqu’il est bon que chaque mot ait un sens afin que chacun comprenne en l’entendant la même chose que ce qu’à voulu dire son interlocuteur. Quant aux citations, s’agissant d’illustrer des néologismes, le lecteur comprendra qu’il a été nécessaire d’améliorer nos sources. * à suivre, avec l’aide des collaborateurs bénévolontaires.

Room – Emma Donoghue

Les spaghettis, c’est mon plat préféré à cause que j’aime la chanson des boulettes de viande : je la chante pendant que maman remplit nos assiettes.

Après le dîner, un truc extraordinaire : on fait un gâteau d’anniversaire. Je parie que ce sera delicioso avec autant de bougies que mon âge et elles seront en feu pour de vrai.

Je suis champion pour souffler dans les oeufs, je fais sortir le gluant sans s’arrêter. Pour le gâteau, je dois en souffler trois et je les troue avec l’épingle des Impressions soleil levant parce que je crois que le cheval fou se fâcherait si je décrochais Guernica, même si je remets toujours les épingles juste après. Maman trouve que Guernica est la meilleure des œuvres d’art parce qu’elle fait vraiment vrai, mais en fait, c’est tout mélangé : le cheval crie de toutes ses dents parce qu’il a une lance plantée dans lui, en plus il y a un taureau et une femme qui porte un enfant tout mou avec la tête à l’envers et aussi une lampe qui ressemble à un oeil mais le pire c’est le gros pied tout gonflé dans le coin, à chaque fois, je crois qu’il va m’écraser.

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Room – Emma Donoghue

Fin du jeu de l’été – proclamation des gagnants

Après 14 vendredis d’énigmes, voici venu le moment de proclamer les vainqueurs de ce Quinté Géant. Si j’ai tout bien compté, voici les gagnants : (pour faire simple, j’ai additionné tous les points y compris ceux du Grand Prix de consolation :-))

1- Kathel : 31 points

2- Gibulène : 24 points

3- Lydia  : 13 points

4- Martine27 : 9 points

5- Philippe : 7 points

et Soène pour le Grand Prix de consolation avec 6 points

Bravo à tous et à toutes

Pensez à m’envoyer votre adresse postale pour recevoir votre prix (qui devrait être un livre :-))

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Et pour le détail semaine par semaine

Jeu 1  : le point commun était « animal en couleur » 

Les gagnants sont : CarnetsCanicules pour la jument verte, Gibulène pour le chien bleu de Nadja, Philippe pour le poney rouge de Steinbeck, Quichottine pour la couleur dans le titre, Kathel pour « animal dans  le titre » et à nouveau Kathel pour l’opossum rose 🙂 

 

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Jeu 2 :  le point commun était « narration à la première personne dont le narrateur est un enfant ou adolescent »

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur  de Harper Lee et Room Emma Donoghue trouvés par  Kathel; L’attrape cœur de JD Salinger et Le secret de Philippe Grimbert proposés par Martine27 

Lydia a trouvé les 4 et la moitié du lien et obtient un bonus 🙂 

v.s a trouvé le point commun : livre écrit à la première personne,  le narrateur étant un enfant ou un ado

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Jeu 3  : les quatre livres ont été écrits par Joyce Maynard

Les filles de l’ouragan, Long week-end, L’homme de la montagne, Baby love

Kathel a tout trouvé et Gibulène aussi (Kathel première remporte la mise)

Après cette énigme il a été créé un Grand prix de consolation.

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Jeu 4 : livre ayant remporté le Goncourt et dont l’auteur est une femme

Antonine Maillet : Pélagie la charette, Marguerite Duras : L’amant, Marie N’diaye :Trois femmes puissantes, Lydia Salvayre : Pas pleurer 

Gibulène a trouvé les 4 titres et la moitié du point commun le Goncourt. Bookmaniac a trouvé l’autre moitié : des écrivains femmes. 

Lydia, Mind et Soène joue également pour le prix de consolation avec la petite maison dans la prairie, Jane Eyre, la photographie pour les nuls pour Pas pleurer de Lydia Salvayre 

Martine 27 a un point de bonus pour sa suggestion de point commun « une femme sur différents continents »

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Jeu 5 : Ecrivains et suicide : 

Sylvia Plath : la cloche de détresse , Stephan Zweig : La pitié dangereuse, Romain Gary :La vie devant soi, Richard Brautigan : Un Privé à Babylone 

Philippe a trouvé Sweig et la pitié dangereuse 

Gibulène a trouvé 3 titres dont 2 où elle était la Première : la vie devant soi et un privé à Babylone 

Lydia a trouvé la cloche de détresse et le point commun, le suicide de l’auteur 

 Soène a proposé pistofleur pour le lot de consolation . Ludia propose si j’aurais sur j’aurai pas venu de Petit Gibus pour un prive a Babylone 

 Mins propose l’intérieur d’un far breton pour la vie devant soi

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Jeu 6 : prix Nobel de littérature

José Saramago L’aveuglement, Herta Müller Animal du coeur, Vargas Llosa tante Julia et le scribouillard, Modiano Rue des boutiques obscures 

Philippe a trouvé Animal du coeurLa tante Julia et son scribouillard et les boutiques obscures. Kathel est arrivée deuxième et a trouvé en plus l’aveuglement  et le point commun « prix Nobel de littérature ». Gibulène a tout trouvé également  et propose « ouvrez ouvrez la cage aux oiseaux« 

Lydia a également tout trouvé  et propose « Où ai je la tête » de Migraina Cuita 

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Jeu 7 : livres adaptés au cinéma 

John Fitzgerald : Benjamin Button, Harlan Coben : Ne le dis à personne, Philippe Djian :37,2 le matin, Sébastien Japrisot : Un long dimanche de fiançailles 

Claude a trouvé 37,2 le matin. Kathel  a trouvé le point commun : livres adaptés au cinéma. Gibulène a trouvé tous les titres et remporte  3 points avec l’étrange histoire de Benjamin ButtonNe le dis à personne et un long dimanche de fiançailles  

Soène propose « Picasso quand il peignait normal » pour « ne le dis à personne »

Lydia a tout trouvé  et propose « Moi Gavroche où comment j’ai réussi dans l’horlogerie » de Victoire Hugolie

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Jeu 8 Science fiction 

Kathel : Ubik de Philip K Dick, 1984 de George Orwell et La horde du contrevent de Damasio, Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. Le point commun est la science-fiction…

Lydia  : Prix de consolation : Couverture n°2 : « Foutue machine » de Philip k. Fuck

Soène remporte un bonus pour sa proposition de point commun : le corps humain

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Jeu 9 : trains et métros 

Kathel rafle la mise avec Zazie dans le métro (Queneau), La maldonne des Sleepings de Tonino Benacquista, Compartiment tueurs de Sébastien Japrisot et Le liseur du 06h27 de Jean-Paul Didierlaurent… sur le thème des transports ferroviaires !

Carnets nous propose plein de titres :  Le perroquet du métropolitain, Aller-simple, Le meurtre de petite ceinture, La banquette orange et comme il manque un cheval dans tout ça, alors, il  modifie le titre 3 : le canasson de petite ceinture…

Lydia joue au Prix de consolation : couverture n°2 : « Le rail de l’épouvante » d’Héroïna Renfe

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Jeu 10 : Recueil de nouvelles 

Kathel : L’éléphant s’évapore d’Haruki Murakami et Cosmicomics d’Italo Calvino…

Gibulène a tout trouvé et est la première pour 2 titres et le point commun – Risibles Amours (Milan Kindera),  Aucun souvenir assez solide (Alain Damasio)

Lydia propose pour le Grand prix de consolation : Couverture du livre 2 : « J’ai presque réussi mon tableau » de Pablo P.

Soène pour le GPC  propose « Un nuage ça trompe un éléphant » pour la première couverture

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Jeu 11 : femmes ayant publié sous pseudonyme masculin 

Robert Galbraith : L’appel du coucou
Emilie Bronté : Les hauts de Hurlevent
Lionel Shriver : Il faut qu’on parle de Kevin
Georges Sand : La petite Fadette
Martine27 a trouvé les 4 titres et la moitié du point commun « ce sont toutes des femmes » et Kathel le pseudo masculin.

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Jeu 12 : Musique

Kathel a été  la première à trouver le thème et Gilles Leroy avec Alabama Song et Mathieu Melzieu avec la mécanique du coeur

Philippe en grande forme : Marcus Malte Harmoniques  et En attendant Bojangles Olivier Bourdeaut.

Soène propose pour le Prix de consolation, « La petite fille aux allumettes » pour le 4e

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Jeu 13 Le thème était « sorcellerie »

Kathel a trouvé Une terre d’ombre de Ron Rash, Les brumes de l’apparence de Frédérique Deghelt et Harry Potter (t7) de J.K. Rowlings

Gibulène a trouvé le point commun et La Dame n° 13 (José Carlos Somoza)

Lydia joue pour le prix de consolation : Couverture n°3 : Un clair de lune à Maubeuge de A. Larrache.

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Jeu 14 : Le thème de l’automne clôture ce jeu de l’été : Gibulène grande gagnante rafle tout  

1 – L’automne du Patriarche de Gabriel Garcia Marquez
2 – Légendes d’Automne de Jim Harrisson
3 – L’automne à Pékin de Boris Vian
4 – L’automne à Cuba de Leonardo Padura

 Lydia joue au Grand prix de consolation : Couverture N°2 : « Reviens Jolly Jumper ! » de L. Luke.

Révolverste : Dictionnaire des orpherimes

Révolverste : n.f ou n.m d’origine russe, XIX ème siècle.

Sens propre : Distance entre une cible et le révolver, distance exprimée en verste soit : 1 066,8 mètres à la seconde. Par extension distance entre la vie et la mort.

Sens figuré : coup de foudre moderne, la flèche de cupidon est dépassée, place à la revolverste.

Rime avec verste, pulloverste, serste et hiverste.

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On a exécuté Louis XVI parce qu’ILS disaient qu’il était un criminel, (…) et ils avaient raison de leur point de vue, comme avaient raison aussi ceux qui subissaient pour lui le martyre et le mettaient au nombre des saints. Puis on a exécuté Robespierre parce que c’était un tyran. Qui avait raison ? Qui avait tort ? Personne. Tu es vivant, eh bien vis ! Demain tu mourras, comme j’aurais pu mourir il y a une heure. Est-ce la peine de te torturer, alors que ce qu’il te reste à vivre n’est qu’une seconde en face de l’éternité ? Que ce soit à la guillotine ou avec une arme à feu : la révolverste est toujours trop courte pour celui qui meurt.

Léon Tolstoï : Guerre et paix 1865 

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– Bref, un des psychiatres qui s’est penché sur Krämer a émis une théorie curieuse sur les tireurs d’élite… comme quoi les meilleurs d’entre eux opéreraient une sorte de dédoublement, au moment du tir, ils seraient à la fois le tireur et la cible, ici et là-bas, d’où leur extrême précision, que ne peut expliquer la seule acuité du regard… Ils seraient capables de calculer cette distance, la revolverste, en un clin d’œil.  Qu’en pensez-vous, Thian ?

La petite marchande de prose – Daniel Pennac 

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Elie descendait l’escalier et Isle le regardait pour la première fois. Elie n’en avait pas conscience, mais il descendait directement dans son coeur. Alors qu’il avait encore une vue plongeante sur la salle, il vit soudain au bar une beauté limpide, dorée comme la bière qu’elle buvait, douce, les bras chauds, le cou ployé, une merveille. Il ne la reconnût pas, mais il sentit en touchant la marche suivante, qu’il avait changé d’élan et qu’il évoluerait désormais dans sa lumière. Elle l’avait frappé en plein cœur, une seconde avait suffit pour qu’il ressente dans sa chair le sens de revolverste.

Faillir être flingué – Céline Minard 

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Dictionnaire des orpherimes : On soulevait ici l’autre jour, et ici précédemment, la grave question des mots sans rime, belge, bulbe, camphre, clephte, dogme, goinfre, humble, meurtre, monstre, muscle, pauvre, quatorze, quinze, sanve, sarcle, sépulcre, simple, tertre et verste. Ce petit dictionnaire donnera chaque jour la définition d’un des mots nouveaux proposés, puisqu’il est bon que chaque mot ait un sens afin que chacun comprenne en l’entendant la même chose que ce qu’à voulu dire son interlocuteur. Quant aux citations, s’agissant d’illustrer des néologismes, le lecteur comprendra qu’il a été nécessaire d’améliorer nos sources.

à suivre, avec l’aide des collaborateurs bénévolontaires.

Jeu de l’été 14 / 14

Bonsoir à tous et à toutes,

Voici la Quatorzième énigme du jeu de l’été :-). Quel est le point commun entre ces 4 livres ?

Règle du jeu : Pour participer, il faut deviner le titre et auteur de ces 4 livres et  laisser votre ou vos réponses en commentaires dans ce billet.

Chaque bonne réponse vaut un point pour la première personne qui la trouve : Dans cette  énigme il y a donc cinq points à gagner : un pour chaque  titre et auteur des  quatre livres et un point pour la découverte du point commun entre ces livres.

Vous pouvez faire juste une proposition, ou deux ….ou cinq…

Les vainqueurs de ce quinté géant seront proclamés incessamment sou peu 🙂

PS :

A la demande de Soène et de Mind, un grand prix  de consolation a été créé: pour concourir il faut proposer au moins un titre de livre qui pourrait coller à une des couvertures (livre pouvant exister ou non) et un auteur (auteur  réel ou imaginaire) 

Lâchez vous 🙂

Le roi des Aulnes – Michel Tournier

– Le dressage, commença Pressmar, est une entreprise incomparablement plus belle et plus subtile qu’on ne croit communément. Le dressage consiste pour l’essentiel à restituer à l’animal son allure et son équilibre naturel, compromis par le poids du cavalier.

« Comparez en effet la dynamique du cheval et celle du cerf par exemple. Vous verrez que toute la force du cerf est dans ses épaules et dans son encolure. Au contraire, toute la force du cheval est dans sa croupe. Et les épaules du cheval sont fines et effacées, tandis que la croupe du cerf est maigre et fuyante. Il est vrai d’ailleurs que l’arme du cheval est la ruade qui part de la croupe, alors que celle du cerf est le coup d’andouiller qui part de l’encolure. Lorsqu’il se déplace, le cerf se tire en avant. C’est une traction avant. Le cheval à l’inverse se pousse de derrière avec sa croupe. En vérité, le cheval est une croupe avec des organes par devant qui la complètent.

« Or que se passe-t-il quand un cavalier enfourche sa monture ? Regardez bien sa position : il est assis beaucoup plus près des épaules du cheval que de sa croupe. En fait les deux tiers de son poids sont portés par les épaules du cheval qui sont justement, comme je l’ai dit, faibles et légères. Les épaules ainsi surchargées se contractent, et leur raidissement gagne l’encolure, la tête, la bouche, cette bouche dont la douceur, la souplesse, la sensibilité font toute la valeur du cheval de selle. Le cavalier a entre les mains un animal déséquilibré et contracté qui n’obéit plus que grossièrement à ses aides.

« C’est alors qu’intervient le dressage. Il consiste à amener progressivement le cheval à reporter autant que possible le poids du cavalier sur sa croupe afin de soulager les épaules. Et pour cela à s’asseoir davantage sur ses membres postérieurs, à les engager sous lui aussi loin que possible en avant, bref, pour employer une comparaison dont il ne faudrait pas abuser, à prendre modèle sur le kangourou dont tout le poids repose sur les membres inférieurs, tandis que les pattes devant demeurent libres. Par divers exercices, le dressage s’efforce de faire oublier au cheval le poids parasitaire du cavalier, et de lui rendre son naturel en poussant l’artifice jusqu’à son point de perfection. Il justifie une anomalie en instaurant une organisation nouvelle où elle trouve sa place.

« Ainsi l’équitation qui est l’art de régir les forces musculaires du cheval consiste principalement à s’assurer la maîtrise de sa croupe où elles sont rassemblés. Les hanches doivent dévier sous la plus légère pression du talon, les masses fessières doivent avoir cette flexibilité moelleuse qui leur donne la diligence dont dépend tout le reste. »

Et le grand maître d’équipage, debout, cambré, le regard torve dirigé sur sa propre croupe – combien osseuse et effacée ! –, ses jambes arquées serrant les flancs d’un cheval imaginaire, virevoltait dans la pièce, en fouettant le vide avec sa cravache. Pour abstraites et subtiles qu’elles fussent, les considérations de Pressmar sur l’opposition du cerf et du cheval trouvaient une illustration dans les quêtes et les rabats que Tiffauges effectuaient désormais avec Barbe-Bleue. En l’absence de chiens – toujours proscrits par Göring – il semblait même que le cheval, ayant compris à la longue ce qu’on attendait de lui, flairait les voies et repérait les abattures des cerfs avec une ardeur de limier, comme si ces deux natures antagonistes devaient fatalement se combattre.

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Le roi des Aulnes – Michel Tournier

Le roi des aulnes – Michel Tournier

Les leçons d’équitation de Pressmar furent d’abord aussi simples qu’éprouvantes. Le cheval était sellé, mais privé d’étriers. Tiffauges devait se hisser en selle d’un coup de rein, et ensuite commençait dans le manège une séance de tape-cul à petit trot, seul capable, à condition qu’elle fut suffisamment prolongée, d’assurer une assiette correcte au cavalier novice, affirmait le maître d’équipage, mais dont le cavalier sortait courbatu, brisé et le périnée à vif.

Au début, Pressmar observait son élève sans désemparer, avec un air de blâme, et les rares observations qu’il émettait était dépourvues d’aménité. Le cavalier se penchait en avant, contracté, les pieds en arrière. Il allait chuter, et il ne l’aurait pas volé ! Il fallait au contraire s’assoir en arrière, les fesses rentrées, les pieds en avant, et corriger cette attitude par une voussure du dos et des épaules. Sans se laisser rebuter par ce traitement revêche, Tiffauges n’en considérait pas moins Pressmar comme un redoutable crustacé, muré à tout jamais dans un univers étroit et moribond dont il était de surcroît incapable d’exploiter les ressources. Il changea d’avis le jour où, enfermé avec lui dans la sellerie, il l’entendit exposer la vérité du cheval, et vit ce survivant d’un autre temps devenir soudain intelligent, s’animer, trouver pour s’exprimer des paroles justes et colorées. Posé sur un haut tabouret, ses maigres cuisses croisées l’une sur l’autre, la botte battant l’air, le monocle vissé dans l’œil, le maître d’équipage de Guillaume II commença par poser en principe que le cheval et le cavalier étant des êtres vivants, aucune logique, aucune méthode ne peuvent remplacer la secrète sympathie qui doit les unir, et qui suppose chez le cavalier cette vertu cardinale, le tact équestre.

Puis, après un silence destiné à donner toute leur valeur à ces deux mots, il enchaîna par des considérations sur le dressage, que Tiffauges écouta passionnément, parce qu’elles tournaient autour du poids du cavalier et de sa répercussion sur l’équilibre du cheval, et avaient ainsi une portée phorique évidente.

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Le roi des aulnes – Michel Tournier

(suite et fin de l’extrait demain)

Le roi des aulnes – Michel Tournier

Dès la fin de l’été 1942, il ne fut plus question parmi les gens de Rominten que de la grande chasse que projetait Erich Koch, le Gaulaiter de Prusse-Orientale, sur les trois districts des lacs mazuriques que le grand veneur lui avait concédés à titre de chasse privée. Il s’agissait d’une battue au lièvre de très vaste envergure, puisqu’on prévoyait trois mille rabatteurs dont cinq cents à cheval. Tout l’état-major de Rastenburg et les grosses têtes locales seraient de la fête que terminerait le couronnement d’un roi de la chasse.

Un soir, l’Oberforstmeister revint de Trakehnen en menant au cul de sa charrette anglaise un hongre noir gigantesque, bosselé de muscles, chevelu et fessu comme une femme.

– C’est pour vous, expliqua-t-il à Tiffauges. Il y a longtemps que je voulais vous mettre en selle. La grande battue du Gauleiter est une bonne occasion. Mais quelle peine j’ai eue à vous trouver une bête à votre poids ! C’est un demi-sang de quatre ans épaissi par un apport ardennais, mais dont le chanfrein busqué et la robe d’ébène moirée se souviennent de ses origines barbes, malgré sa taille. Il doit peser ses mille deux cents livres et fait au moins un mètre quatre-vingt au garrot. Au fond, c’est le type du carrossier de la grande époque. Il ne risque pas de s’envoler, mais il pourrait en porter trois comme vous. Je l’ai essayé. Il ne se dérobe pas sur l’obstacle, et ne craint ni les rivières ni les ronciers. Il est un peu dur de la bouche, mais au galop, c’est un char d’assaut.

Tiffauges pris possession de son cheval avec une émotion où les élans de son cœur solitaire se mêlaient au pressentiment des grandes choses qu’ils accompliraient ensemble. Chaque matin, il se rendait désormais à un kilomètre de là, chez le vieux Pressmar, un ancien maître d’équipage impérial, dont la propriété comprenait une assez vaste écurie, une forge et un manège couvert. C’était là qu’on avait installé son grand cheval. Sous la direction de Pressmar, heureux d’exercer la vocation pédagogique propre à tout homme de cheval, il apprenait à soigner sa bête et à la monter. La joie qu’il trouvait dans la proximité de ce grand corps naïf et chaud qu’il bouchonnait, étrillait et brossait, lui rappela d’abord les pigeons du Rhin et les heures de bonheur douillet qu’il avait passées dans le pigeonnier. Mais il comprit bientôt que cette réminiscence était superficielle, et reposait sur un malentendu. En vérité, frottant et lustrant la robe de sa monture, c’était les modestes satisfactions du cirage de ses brodequins et de ses bottes qu’il retrouvait, mais élevées à une puissance incomparable. Car si les pigeons du Rhin avaient été ses conquêtes, puis ses enfants chéris, c’était lui-même au fond qu’il pansait en consacrant tous ses soins à son cheval. Et ce fut pour lui une révélation que cette réconciliation avec lui-même, ce goût pour son propre corps, cette tendresse encore vague pour un homme appelé Abel Tiffauges qui lui venait à travers le hongre géant de Trakehnen. Un matin que le cheval était touché par un rayon de soleil tombant à contre-jour, il s’avisa que son poil d’un noir de jais présentait des moires bleutées en forme d’auréoles concentriques. Ce barbe était ainsi un barbe bleu, et le nom qu’il convenait de lui donner s’imposait de lui-même.

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Le roi des aulnes – Michel Tournier

(suite demain)

Vilebrequinze – Dictionnaire des orpherimes

Vilebrequinze : n.m rare, néologime de 1897

Sens 1 : Le vilebrequinze est un élément d’un moteur à 15 temps, qui permet par l’intermédiaire d’une bielge, la transformation du mouvement linéaire rectiligne du pistonze en un mouvement de rotation, et inversement.

Sens 2 : instrument de musique à 15 cordes

Rime avec :  quinze, cinze, requinze

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Christine avançait lentement, cahotant de-ci de-là comme une vieille ivrognesse montant péniblement une côte. La neige tombait de plus belle, inclinée par le vent.

Un des phares démolis par l’assaut clignota et se ralluma.

Un des pneus crevés se mit à se regonfler, puis ce fut le tour de l’autre.

La fumée diminua.

Le bruit irrégulier du moteur retrouva un rythme normal. Quinze tics, quinze tacs, une pause asthmatique entre chaque grincement.

Et le capot arraché réapparut peu à peu, comme une écharpe tricotée par des aiguilles invisibles ; le métal sortait de nulle part, partant de sous le pare-brise et allant vers l’avant.

Le pare-brise redevint parfaitement lisse.

Toutes les lampes se rallumèrent l’une après l’autre ; Christine avançait maintenant sans la moindre difficulté dans la tempête. L’indicateur de kilomètres reculait toujours…

Quarante-cinq minutes plus tard, Christine reposait dans l’obscurité du garage de feu Will Darnell, dans le box vingt. Le vent hurlait dehors, mais son moteur se refroidissait lentement, avec des petits claquements essouflés de son vilebrequinze infatigable.

Christine – Stephen King

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L’Amour se mesure sur la Jauge Vingt – plus exactement, la pression d’amour (PA) dans les alentours. Il est normal que la jauge indique un résultat entre dix et vingt pour cent. Mais si elle descend en dessous de quatre pour cent, alors vous avez peut-être un problème – la Volkswagen peut devenir triste, ralentir ou même s’arrêter complètement. Si ça arrive, il vous faut immédiatement trouver / écrire une histoire capable de le convaincre qu’il reste plus d’amour, d’attention, ou de compassion dans les alentours qu’il ne le pense. En cinq mots « alimenter le vilebrequinze ou périr »

Comment élever son Volkswagen – Christopher Boucher

 

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Le livre sur lequel Libero Parri et son fils Ultimo apprirent comment étaient faites les automobiles était en français (Mécanique de l’automobile*, Editions Chevalier). Ce qui explique que, pendant les premières années, quand vraiment ils ne s’en sortaient pas, couchés sous une Clément Bayard 4 cylindres ou penchés sur l’intérieur d’une Fiat 24 chevaux, Libero Parri ait eu coutume de sortir de l’impasse en disant à son fils :

– Appelle ta mère.

Florence arrivait les bras chargés de linge, ou la poêle à la main. Ce livre, elle l’avait traduit mot après mot, et elle se le rappelait par cœur : cartreize, pistonze, rotorze, vilbrequinze. Elle se faisait raconter le problème, sans accorder le moindre regard à l’automobile, remontait mentalement à la bonne page et délivrait son diagnostic. Puis elle faisait demi-tour et rapportait le linge à la maison. Ou la poêle.

Cette histoire là – Alessandro Barrico 

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Dictionnaire des orpherimes : On soulevait ici l’autre jour, et ici précédemment, la grave question des mots sans rime, belge, bulbe, camphre, clephte, dogme, goinfre, humble, meurtre, monstre, muscle, pauvre, quatorze, quinze, sanve, sarcle, sépulcre, simple, tertre et verste. Ce petit dictionnaire donnera chaque jour la définition d’un des mots nouveaux proposés, puisqu’il est bon que chaque mot ait un sens afin que chacun comprenne en l’entendant la même chose que ce qu’à voulu dire son interlocuteur. Quant aux citations, s’agissant d’illustrer des néologismes, le lecteur comprendra qu’il a été nécessaire d’améliorer nos sources. * à suivre, avec l’aide des collaborateurs bénévolontaires.

Jeu de l’été : 13 / 14

Bonsoir à tous et à toutes,

Voici la treizième énigme du jeu de l’été :-). Quel est le point commun entre ces 4 livres ?

Règle du jeu : Pour participer, il faut deviner le titre et auteur de ces 4 livres et  laisser votre ou vos réponses en commentaires dans ce billet.

Chaque bonne réponse vaut un point pour la première personne qui la trouve : Dans cette  énigme il y a donc cinq points à gagner : un pour chaque  titre et auteur des  quatre livres et un point pour la découverte du point commun entre ces livres.

Vous pouvez faire juste une proposition, ou deux ….ou cinq…

A la fin de l’été, nous connaîtrons les vainqueurs de ce quinté géant 🙂

PS :

A la demande de Soène et de Mind, un grand prix  de consolation a été créé: pour concourir il faut proposer au moins un titre de livre qui pourrait coller à une des couvertures (livre pouvant exister ou non) et un auteur (auteur  réel ou imaginaire) 

Lâchez vous 🙂