Face au vent – Jim Lynch

Jim Lynch dans ce roman laisse la parole à Joshua. Celui ci a une trentaine d’années, son métier est réparateur de bateau à voiles.
Je suis tentée de dire que les personnages principaux sont des bateaux tellement leur place est importante dans l’histoire. Ce livre a donné dans ma vie très calme un bon coup de vent et d’embruns.
Joshua nous raconte sa vie actuelle dans une marina à une centaine de kilomètres dé Seattle, il nous raconte aussi surtout la vie de sa famille sur les 15 dernières années, depuis son adolescence.
Voici une famille à la fois très unie (et dysfonctionnelle ? comme le dit la quatrième de couverture) : il y a le grand père (toujours en forme à 90 ans), le père (menteur et tyrannique), la mère (scientifique, les pieds sur terre) et surtout Bernard le frère ainé de Josh, aventurier et loup de mer, et la lumineuse Ruby ….
Un livre à la fois drôle et émouvant sur une famille pour qui la mer et la voile ont une place immense…
Apres une douzaine d’années de séparation, les membres de cette famille vont se retrouver pour une régate mémorable…

Un extrait

Nous regardâmes le duel entre deux pubs attaquant respectivement Dole et Clinton, tandis que Bernard en rajoutait en se moquant des deux. Quand je demandai quelle était la différence entre les républicains et les démocrates, Grumps se moucha une narine après l’autre, puis replia soigneusement son mouchoir comme si c’était un trésor.
– Les démocrates font de la voile, répondit-il. Les républicains font du bateau à moteur.
– Clinton fait de la voile ? demandai-je, dubitatif.
Grumps hésita, il s’en remit finalement à Père, qui se coupait maintenant les ongles de pied.
– Non, dit-il, mais il s’y mettrait bien plus vite que Dole.
Ça se tenait, même si Clinton ne donnait pas l’impression qu’il serait très utile sur un voilier.
– Les républicains boivent du matin au soir et ils se contentent de transporter leurs rafiots puants d’une marina à l’autre, développa Grumps. Les démocrates, eux, ont la décence d’attendre d’avoir baissé les voiles et jeté l’ancre avant de se soûler.

Il nous faut de nouveaux noms – Noviolet Bulawayo

Roman en deux parties :

La première se passe au Zimbabwe. Chérie a dix ans et vit entourée de ses amis Batard, Chopo, Dieusait, Sbho et Stina. La vie à travers les yeux de cette petite fille de dix ans est à la fois drôle et terrifiante. Les enfants vivent dans un bidonville et pour tromper leur faim se déplacent dans des banlieues « riches » pour y voler les goyaves des jardins. Chérie raconte en vrac son enfance : elle n’a pas toujours été dans ce bidonville, avant elle habitait dans une petite maison d’un quartier tranquille avec son papa et sa maman. Puis ils ont été chassés par les bulldozers, conduits par des hommes noirs. Les parents n’en revenaient pas : ils avaient réussi à de débarrasser des colons blancs des années auparavant et des noirs les expulsaient de chez eux. Pour nourrir sa famille le père est obligé de partir travailler en Afrique du sud. Les ONG interviennent pour apporter un peu d’aide à une population qui n’a le choix qu’entre la misère ou l’exil vers les pays voisins.
Chérie arrive cependant à garder l’espoir (magie de l’enfance et aussi espoir de partir aux USA chez sa tante qui a émigré (illégalement)

La deuxième partie nous montre une Chérie qui a réussi à émigrer (illégalement elle aussi aux États unis) . Commence alors le récit de son exil entre déracinement et fascination à l’égard des USA.

Il s’agit là d’un roman fascinant, vue par une enfant puis une adolescente, sur le déclin d’un pays jadis prospère et mené à la ruine par un dictateur et ses sbires.

Une lecture coup de poing !

Un extrait :

Regardez-les partir par milliers, les enfants de cette terre, regardez-les qui partent par milliers. Ils n’ont rien, ils passent les frontières. Ils ont des forces, ils passent les frontières. Ils ont de l’ambition, ils passent les frontières. Ils ont de l’espoir, ils passent les frontières. Ils ont de la peine, ils passent les frontières. Tous ils s’en vont, ils courent, ils émigrent, ils délaissent, ils désertent, ils marchent, ils quittent, ils filent, ils fuient – aux quatre coins, vers des pays proches ou lointains, des pays dont ils n’ont jamais entendu parler, des pays dont ils ne savent pas prononcer le nom. Ils partent par milliers.

Quand tout s’effondre, les enfants de cette terre se sauvent et se dispersent comme les oiseaux s’échappent d’un ciel incendié. Ils fuient leur pauvre terre pour que dans des terres étrangères leur faim soit apaisée, dans des terres inconnues leurs larmes séchées, dans des terres éloignées les plaies de leur désespoir pansées, dans l’obscurité de terres curieuses leurs prières meurtries marmonnées.

Livre lu dans le cadre du mois africain organisé par Jostein

Cinq mouches bleues – Carmen Posadas

Il ne se passe pas grand chose dans ce roman mais je l’ai trouvé très intéressant.
L’introduction se déroule dans un restaurant chic à Madrid. Un sexagénaire déjeune avec sa nièce ; sept ans qu’ils ne s’étaient pas vus. le narrateur nous explique pourquoi par petites touches.

Apres cette introduction où le narrateur se met à jour des derniers potins (il appartient à une classe d’expatriés uruguayens qui ont eu une jeunesse dorée mais qui sont ruinés), celui part quelques jours au Maroc. Là, dans un hôtel de curistes, il rencontre Carmen, une femme dont il a entendu parler (en mal) par sa nièce lors de ce déjeuner : la jeune femme, aurait assassiné son richissime mari (selon la rumeur).
Dans ce microcosme de gens riches (ou d’ex-riches) les coups bas sont nombreux sous des aspects policés.

J’ai aimé le ton de Carmen Posadas qui se moque d’une partie de la société madrilène et qui réussit à rendre ses personnages très vivants (des personnages sympathiques, d’autres franchement antipathiques et certains entre les deux)

Les narrateurs alternent et mon préféré reste Rafael Molinet, le premier par ordre d’apparition (et le plus présent) des personnages. Il m’a semblé à la fois très lucide et parfois totalement aveuglé : un très beau portrait.
On ne saura pas si finalement Carmen a « assassiné » son mari, là n’est pas le but de ce roman, l’essentiel est dans ce que chacun projette dans ce «présumé » meurtre…

Un extrait

On lui avait donné une table dans un coin près de l’escalier en colimaçon, entourée d’une profusion de plantes. Une feuille de kentia lui chatouillait la nuque s’il se penchait du côté gauche, et par la spirale des marches montaient des odeurs mêmées de chili con carne, de gnocchis aux quatre fromages et de soufflé à la mandarine, mais, au moins, on ne l’avait pas condamné aux régions antarctiques, à la salle d’en bas soit, en d’autres termes, aux ténèbres où les maîtres d’hôtel relèguent les parias.

Challenge Bac chez Enna catégorie « Adjectif »

Baby love – Joyce Maynard

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USA – fin des années 70
Sandy,18 ans, est mariée avec Mark et a un petit garçon Mark junior.
Wanda, 16 ans, a 27 kg de trop suite à son accouchement et a une fille Melissa.
Jill vient de se rendre compte qu’elle est enceinte (16 ans elle aussi).
Tara a une fille Sunshine. le père Bobby Sterling, un ado également ne lui adresse pas la parole.
Ann a la vingtaine et a rompu avec Rupert. Elle vit seule et déprimée, boulimique.
Carla et Greg ont la trentaine et viennent de quitter New-York pour passer l’été dans cette petite ville du New Hampshire.

Les personnages sont nombreux et j’ai eu un peu de mal au début à retenir qui est qui, et puis finalement tout se met très bien en place.
Joyce Maynard, pour ce premier roman, met très bien en valeur les aspirations de ces jeunes filles à peine sorties de l’enfance et déjà mères : que l’enfant soit un « accident » ou désiré, la vie n’est pas simple pour ces jeunes femmes : s’occuper du bébé en étant femme au foyer, ou laisser celui ci pour aller travailler au fast-food du coin, avorter ?

La gent masculine est bien présente également (mais pas à son avantage) avec Mark, le tout jeune mari de Sandy, Reg le père de Jill et un homme mystérieux qui écrit son journal depuis la prison du comté.
Un excellent premier roman (paru en 1981) et qui je trouve n’a pas pris une ride .

Un extrait
«J’ai acheté du beurre de cacao à la boutique de diététique, confie Sandy à Jill en remontant sa chemise indienne pour lui montrer son ventre. Regarde, pas de vergetures.»
Jill vient de leur raconter que ses règles sont en retard de six semaines et quatre jours, et qu’elle est certaine d’être enceinte. Si c’est un garçon, elle l’appellera Patrick, comme son acteur préféré dans Dallas.
De l’autre côté de la rue à la station-service Gulf, Mark, le mari de Sandy, est occupé à regarder sous le capot de sa voiture qu’il a amenée pour la vidange; une Valiant de 1966 avec un moteur de six cylindres incliné, et seulement cinquante mille kilomètres. Il en est à peu près aussi fier que Sandy de leur fils, Mark Junior, dont on fêtera les cinq mois mercredi prochain en compagnie de Tara, de Wanda et de leurs petites filles, Sunshine et Melissa. Sandy a prévu de faire un gâteau au chocolat avec un glaçage à la noix de coco ; et il y aura des coiffes en papier pour les enfants. Jill viendra aussi. Mark, lui, a décidé d’aller pêcher la truite ce jour-là.
«Il est trop mignon !» s’écrie Jill, non pas à propos de Junior mais de son père, toujours penché sous le capot de sa voiture et dont on ne voit que les fesses. «Tu es une sacrée veinarde, Sandy…»
Elles se taisent brusquement en voyant arriver Ronnie Spaulding qui va manger un morceau au Rocket Subs, le snack-pizzeria du coin. Wanda rejette ses cheveux sur ses épaules d’un mouvement de tête, et plaque Melissa contre son ventre. Elles semblent toutes très occupées à arranger la tenue de leurs bébés, et à les cajoler. Pour une fois, Tara n’a pas à chercher ce qu’elle va faire de ses mains. Après le passage de Ronnie elles échangent des petits rires entendus.
Elles ne bavardent pas beaucoup. Il est vrai qu’elles ont déjà fait à peu près le tour des sujets essentiels. Par exemple, elles savent que c’est Virgil Rockwell qui a mis Jill enceinte, même si Virgil a du mal à croire qu’elle attend vraiment un bébé, et pense plutôt qu’elle veut se rendre intéressante auprès de ses amies.



Challenge Bac chez Enna catégorie « Etre humain »

Ma soeur, serial killeuse d’Oyinkan Braithwaite

J’ai beaucoup vu ce livre sur internet ; la couverture et le titre m’intriguaient. L’action se passe au Nigeria, Korede, la narratrice, y est infirmière.
Sa soeur Ayoola est un peu plus jeune qu’elle et a « besoin » d’être protégée.
Comme l’indique le titre celle-ci est une serial killeuse et le premier chapitre de ce roman raconte le « nettoyage » de son troisième meurtre.

J’ai trouvé ce livre à la fois intéressant,notamment pour le dépaysement, mais aussi un peu superficiel et caricatural : la jeune soeur, est belle mais dénuée de sens moral et l’autre soeur, sans charme mais très intelligente.

Les chapitres sont courts et se lisent vite, la tension monte, on se demande si le beau Tade va s’en sortir (et on se moque un peu de lui d’être si sensible à la beauté de l’une et de ne pas voir l’amour que lui porte la deuxième)

Entre deux chapitres, Korede se remémore son enfance et surtout son père, abominable individu, jusqu’à la révélation finale qui explique bien pourquoi les deux soeurs en sont arrivées là : l’une tuant et l’autre nettoyant les scènes de crimes de l’autre.

Une citation : Bizarrement, je ne peux pas l’imaginer se résoudre à poignarder un homme si elle n’avait pas ce couteau-là sous la main; c’est presque comme si c’était lui qui décidait de donner la mort, indépendamment de la volonté d’Ayoola. Cela dit, est-ce si difficile à croire ? qui osera prétendre que derrière tout objet ne se cache pas une intention ? Ou que les intentions cachées de ses anciens propriétaires ne continuent pas à l’orienter vers sa raison d’être ?

le mois africain se déroule en octobre chez Jostein 🙂