Belfast début des années 90.
Jake, le narrateur, se remet difficilement d’une rupture avec une anglaise qui en a eu assez des bombes. Il est catholique (sans conviction). En attendant (quoi?), il bosse la semaine : gros bras, il récupère des objets en tout genre chez des personnes endettées.
Chukie a 30 ans, il est protestant mais ami avec Jake et sa bande depuis leur adolescence (il y a un passage hilarant avec sa « rencontre » avec le pape Jean Paul II)
Le week end, et aussi en semaine, les deux potes font la tournée des bars, et ne rentrent que saouls comme des barriques …jusqu’au jour où Chuckie a une illumination…
En toile de fonds Belfast au début des années 90 : des alertes à la bombe tous les jours, des vraies bombes aussi, des flics qui tabassent des gens sans raisons, des bagarres, des immeubles en ruine et des tags partout …des enfants battus, des mères-courages…
Vu comme cela cela a l’air sordide mais le ton de l’auteur est passionnant : tour à tour cynique, plein autodérision, avec des traits d’humour à une page et à la page d’après on a les larmes aux yeux …
Je mets cinq étoiles à ce livre : pour l’histoire, le style et les personnages : Chuckie m’a parfois fait un peu penser à mon idole de Benjamin Malaussène dans « Au bonheur des ogres » de Daniel Pennac : à la fois réaliste et totalement improbable, on a envie de le gifler et dans le chapitre suivant de l’embrasser …
Un extrait :
Le lendemain, un vendredi, j’ai bossé toute la journée.
J’avais mis un week-end entier à trouver un nouveau boulot. J’avais téléphoné à quelques personnes. Et certaines m’avaient rappelé. J’ai été flatté, stupéfié. J’ai découvert avec excitation que mon action était encore bien cotée. À peine certains de mes anciens associés eurent- ils appris que je me retrouvais de nouveau sans travail, qu’ils se sont bousculés pour m’en proposer un.
Pendant tout le week-end mon répondeur automatique a bourdonné d’une kyrielle de messages auxquels je ne répondais pas. : Slug, Spud, Muckie, Rat, Dix, Onion, Bap et Gack. Pourquoi ne connaissai-je aucun Algernon ? Se rappelant avec plaisir mon ancienne forme et mes anciens talents, tous m’avaient fait diverses propositions, mais je ne voulais plus participer à ce genre de choses. Même cette récente période consacrée à la récup ne rentrait plus vraiment dans mes cordes. La proposition de Davy Murray été la pire, mais c’était aussi la plus légale. Je l’ai accepté et j’ai fini par bosser en équipe pour Davy exactement comme dans le bon vieux temps. Me voilà redevenu ouvrier du bâtiment. Me voilà de nouveau porteur de briques. Et couvreur. Bref, en route pour la gloire. Je faisais ce boulot par intermittence depuis l’âge de seize ans. Le but de l’opération consiste à rénover les cuisines de l’Europa, le plus gros hôtel de Belfast. Et le plus célèbre –celui qu’ils faisaient toujours sauter. (L’emploi de l’imparfait est hasardeux à Belfast : celui qu’ils font toujours sauter, celui qu’ils feront toujours sauter.) Ouais, celui qui n’a pas de fenêtres, celui aux rideaux en bois. Ce fut autrefois l’hôtel le plus de plastiqué d’Europe, mais aujourd’hui les établissements de Sarajevo raflent tous les records.
Mon nouveau boulot était OK. Comme je travaillais dans la construction, je faisais des choses constructives toute la journée. Ce boulot me plaisait. Il était simple. Il était légal. Je n’utilisais pas mes diplômes au mieux, mais au moins il me musclait.
Enna Challenge Petit Bac (Catégorie Lieu)