Pour célébrer avril

Jeudi poésie chez Asphodèle

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Pour célébrer avril, semer des mots

Pour célébrer avril, j’ai descendu dans mon jardin avec l’intention de semer des mots (parce que le romarin c’est périssable)
J’ai aéré la terre, mis quelques vers puis je me suis demandée quelles graines de mots j’allais planter…

J’ai ratissé large et mis une centaine de mots dans ma besace : des noms, des adjectifs, des verbes et des adverbes, des petits mots doux et des gros mots….

J’ai planté le mot « oignon » dans l’idée qu’il pourrait donner jour à une tulipe mais l’idée a germé et j’ai récolté un « cor au pied » (foutu homonyme, je n’avais pas la bonne graine, celle de l’ivraie)

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J’ai semé sept petit cailloux pour trouver mon chemin, me suis cassée la binette sur le dernier.

J’ai semé une verveine qui est devenue rouge sang, mon genou sur le caillou précédent.

Je n’ai pas semé de vent de peur de récolter une tempête mais j’ai semé une petite brise et versé une larme pour l’arroser…

J’ai semé du vert et j’ai récolté une trempette dans un vert d’eau.

J’ai élagué, fauché l’herbe sous le pied (juste sous mon cor)

J’ai semé, semé….. et rien récolté.

J’ai pioché à nouveau dans ma besace . Plus de mots à planter….

Les mots ressortaient de terre, ils n’ont pas voulu se laisser enterrer : « c’est le retour des mots vivants » m’a dit le cor de garde…

J’ai semé à tout va dans un champ lexical : à la volée, jardin anglais, dans Word …les mots se sont envolés…

Aurais je dû planter du romarin ?

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Magritte – L’île au trésor

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Projet 52 Nuances de vert

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Merci à Célestine pour l’idée de ce petit poème. La phrase « déclic » est « On sème les mots qui s’envolent comme des parachutes pour se poser sur nos coeurs,  telles des graines de pissenlits que l’on souffle. »

Cette histoire-là – Alessandro Baricco

Le livre sur lequel Libero Parri et son fils Ultimo apprirent comment étaient faites les automobiles était en français (Mécanique de l’automobile*, Editions Chevalier). Ce qui explique que, pendant les premières années, quand vraiment ils ne s’en sortaient pas, couchés sous une Clément Bayard 4 cylindres ou penchés sur l’intérieur d’une Fiat 24 chevaux, Libero Parri ait eu coutume de sortir de l’impasse en disant à son fils :
– Appelle ta mère.
Florence arrivait les bras chargés de linge, ou la poêle à la main. Ce livre, elle l’avait traduit mot après mot, et elle se le rappelait par cœur. Elle se faisait raconter le problème, sans accorder le moindre regard à l’automobile, remontait mentalement à la bonne page et délivrait son diagnostic. Puis elle faisait demi-tour et rapportait le linge à la maison. Ou la poêle.
Merci * – marmonnait Libero Parri, hésitant entre l’admiration et la crise de rogne pure et simple. Quelques temps après, de l’ancienne étable devenue garage, montait le vrombissement du moteur ressuscité. Et voilà *.
Du reste, la chose arrivait très rarement, puisque, pendant toutes les premières années, le garage Libero Parri dut s’adapter, pour survivre, aux réparations en tout genre, sans faire dans le détail. Des automobiles, il en arrivait peu, et ça allait donc des lames de charrues aux poêles en fonte, en passant par les horloges. Quand, à la demande générale, Libéro Parri dut ouvrir un service de ferrage pour les chevaux du coin, un autre y aurait vu une défaite humiliante : pas lui, qui avait lu quelque part que les premiers à se faire de l’argent en fabriquant des armes à feu avaient été ceux-là mêmes qui, la veille encore vivaient de l’affilage des épées. Le fait est – comme n’avait pas manqué de le relever Florence, en son temps – que les automobiles n’existaient pas encore, ou du moins, si elles existaient, n’existaient pas par ici. Si bien que l’arrivée à l’horizon du nuage de poussière salvateur accompagné de son concerto mécanique était une rareté saluée avec ironie par toute la circonscription. Ça arrivait si rarement que quand ça arrivait, Libero Parri montait sur sa bicyclette et allait chercher son fils à l’école. Il entrait dans la salle de classe, le chapeau à la main, et disait seulement :
– Une urgence.
La maîtresse savait. Ultimo jaillissait tel un projectile, et une demi-heure plus tard tout deux se lubrifiaient les idées sous des capots qui pesaient aussi lourd que des veaux. (p 38)

Clément Bayard 4 cylindres

Cette histoire-là – Alessandro Baricco

Na !

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Jeudi, suite à un commentaire de Jacou sur le billet de collecte des plumes, je décidai d’agir et de me rendre dans le monde  des À (un livre de SF américain traduit par Boris  Vian)
Je me souvins que j’avais commandé il y a deux ans un décompositeur  de textes qui était tombé rapidement en panne. J’ai donc branché les alluchons sur mon vélo voyageur de temps et j’ai donné un coup de pédale digne d’E.T. pour rentrer à la Maison.
Comme toujours le voyage dans les airs  fut  fabuleux, le ciel couchant était couleur ambre et nul ne vint troubler mon voyage. Comme toujours l’atterrissage fut un peu douloureux pour les rotules mais passable. L’engin semblait en état de repartir après ce périple. Cette île se situe – si mon GPS ne me joue pas de tour – au centre approximatif de la Mer rouge. Et c’est bien là que mon voyage tourna au cauchemar : sur cette île tout était rouge, il n’y avait pas la moindre once de vert : l’herbe était rouge, les palmiers rouges, le sable était manifestement chargé de fer ! La mer était vermillon. Je me suis sentie d’un coup comme étranglée : le vert me manquait, je suffoquais.
Soudain dans mon début de malaise j’entendis des pas. Allongée sur le sable rouge, je pris tout de même la photo de l’autochtone qui me vint  en aide :
boule de soif
– Bienvenue sur l’île des nanas ! me fit la jeune femme.
Je m’appelle Boule de soif, nous t’attendions, ajouta-t-elle en souriant.
La dénommée Boule de Soif s’agenouilla, se pencha vers moi  et me fit m’abreuver  : je ne sais ce qu’il y avait dans ce nectar mais quel goût alléchant, fruité, revigorant. Requinquée je me remis debout et partit à sa suite.
Passé le premier choc de  cette absence presque totale de vert (il y avait quand même quelques cactus verts auxquels se raccrocher ) j’arpentais l’île avec bonheur avec mon hôte : je reniflais les fleurs de calamine (1), tendais la main pour attraper des ananas sanguins, des abricots écarlates et des tomates cerise mûres à point . Sucrés à coeur, ces fruits me faisaient tourner la tête : la soif ne me quittait plus et je picorais encore et encore sous l’œil amusé de Boule.  J’écoutais le chant des rouge-gorge et celui strident d’un nara  (ainsi appelait Boule de Soif une sorte de perroquets magenta),
Car le parler de mon hôte était pour le moins étrange : elle avait un petit accent sur tous les mots commençant par À et cela donnait un nara au lieu d’un ara.
Au bout d’un moment je ne prêtais plus attention à cette caractéristique de langage :  les abeilles  me bourdonnaient aux oreilles, j’étais bien dans cette île sans automobile (pas de N d’accent tonique sur les noms au pluriel un navion, des avions, le navion, une nautomobile, des automobiles, la nautomobile)
Les bras de Boule de soif  s’agitaient en parlant en moultes arabesques (une narabesque, des arabesques, la narabesque)
Elle me prit par le bras en m’appelant son namie et nous partîmes à la rencontre de ses deux sœurs Nana Conda, Nana Morphose,
Les deux autres sœurs m’accueillirent l’une avec un noeillade et l’autre rangea son narbalète pour le serrer dans ses bras (ouille tant d’amitié me fit quelques picotements mais je ne voulais pas les froisser). J’avais dû me tromper  (espèce d’ahurie me dis-je dans mon for intérieur) dans le réglage  du GPS. Mais pourquoi râler de ne pas me retrouver dans le monde des À mais dans celui des « na » l’ambiance n’avait rien à y envier.
Quand vint le moment de les quitter après une journée très active, les trois sœurs me raccompagnèrent à mon vélo. Un nara y avait élu domicile et refusait de me rendre ma place . Azimuté, il chantait à tue tête « Les nanas c’est comme ça, même si elles sont plutôt nunuches, même si elles sont plutôt neuneu, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe namoureux d’elles ». (2)
Quand j’essayai de le déloger, il se mit à hurler « Marre de cette Nana, là ! marre de cette nana là….Vive la nanarchie » (3)
Ravie de monter mes progrès dans la langue, je dis à Boule de soif : aurions nous une « petite » erreur de casting, une nanomalie ?
 !
Les mots collectés par Asphodèle:
:
Abeille, arabesque, ambre, arpenter, automobile, abricot, actif, azimuté, s’agenouiller, anamorphose, aimer, accroche-coeur, ajouter, affirmativement, approximatif, alléchant, ambiance, ahuri, agir, abreuver.
 :
je n’ai pas mis  affirmativement
:
52 nuances de vert avec pour thème l’absence
(1) L’arrache-cœur de Boris Vian
(2) L’attrape-cœur de JD Salinger. La vraie phrase est « Les filles c’est comme ça, même si elles sont plutôt moches, même si elles sont plutôt connes, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe à moitié amoureux d’elles. »
(3) L’accroche-cœur Pantabruélique (à paraître Valentyne)
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Sauf les fleurs (incipit) – Nicolas Clément

Nous étions une famille de deux enfants, plus les parents. Je m’appelais Marthe, mon frère s’appelait Léonce, né un mensonge après moi. Nous habitions une ferme éloignée du village, dans une vallée de cèdres où l’hiver nous empêchait parfois d’aller à l’école. Maman nous réveillait à 7 heures, préparait le petit déjeuner pendant que j’habillais mon frère, les escaliers sentait le pain grillé, Léonce s’accrochait à la rampe pour ne pas tomber. Puis Maman nous disait d’être sages en classe, de lever le doigt avant de répondre et de partager notre goûter avec les camarades dont les mères auraient oublié – dans nos besaces, il y avait toujours une tartine en plus.
Quand nos camarades avaient de quoi goûter, nous donnions cette tartine aux chevaux qui nous regardaient sortir de l’école et couraient vers nous pour savoir comment la journée s’était passée. Nous ouvrions nos besaces, les chevaux se régalaient dans nos mains gantées de souffles chauds. Aujourd’hui il me reste peu de mots et peu de souvenirs. J’écris notre histoire pour oublier que nous n’existons plus.
Sauf les fleurs – Nicolas Clément

Les neuf visages du coeur – Anita Nair

neuf visages

Chris arrive en Inde où il est accueilli par Shyam, Radha et Koman.
Les narrateurs tout au long de ce roman seront les trois derniers. La voix de Chris est inaudible et pourtant il est important dans l’intrigue.
Radha a une trentaine d’années et est mariée depuis 8 ans à Shyam. Le lecteur sent tout de suite que son mariage avec Shyam ne la rend pas heureuse. Elle méprise son mari, trop matérialiste à ses yeux.
Shyam, le mari, est le propriétaire de l’hôtel où Chris a choisi de rester pendant deux mois, le temps de rédiger un livre sur le troisième personnage Koman.
Koman est sexagénaire et est célèbre en Inde dans le domaine du Kathakali : une danse traditionnelle très appréciée en Inde mais peu connue en Occident.
Ce roman alterne entre le présent et le passé de Koman en commençant en 1937 avant la naissance de Koman puis sa naissance, son enfance et ses débuts dans le Kathakali.

Il y a donc alternance de 3 points de vue et de plusieurs époques : Shyam, jaloux de Chris, sent que Radha lui échappe, Radha tombe amoureuse de Chris et Koman observe le trio et se remémore son enfance.
L’alternance passé présent est réguliere et je dois dire que la partie « passé » m’a totalement captivée alors que la partie « moderne » est moins intéressante (plus attendue sur l’usure d’un couple et l’adultère )
Comme Chris n’est pas un des narrateurs on se demande ce qu’il pense de tout cela.

Une lecture en demi teinte donc : passionnante par moment  – la rencontre de Sethu, le père (hindou) de Koman avec Saadya  (musulmane) est magnifique – et assez convenue par d’autres. Rien que pour la découverte du Kathakali, danse exclusivement masculine, ce livre vaut le déplacement.

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source Photo

Un extrait (Koman est le « je »)

Il baisse le regard puis le relève pour croiser le mien.
« Je ne sais pas encore comment je vais utiliser les informations que je vais réunir. Mais je sais que pour comprendre l’artiste, j’ai besoin de mieux connaître l’homme…Je connais tellement d’artistes, qu’ils soient écrivains, peintres, musiciens, danseurs, qui parlent de leur art comme s’il agissait d’un être vivant. Un être qui les accapare à l’exclusion de tout le reste.
– Oui, dis-je. L’art peut être une maîtresse jalouse »
Chris tapote son crayon sur la table d’un geste impatient. « Je crois que je ne pourrais comprendre ce que l’art représente pour vous qu’en mesurant la place qu’il a tenu dans votre vie. Vos rêves, vos espoirs, vos compromis, vos sacrifices. Tout ce que l’art a exigé de vous. »
Radha retient son souffle. Elle sait à quel point je rechigne à parler de moi. « Je ne sais pas si Oncle sera…. » dit-elle en se précipitant à mon secours comme elle l’a toujours fait.
Je lui souris, un sourire qui lui dit de ne pas s’inquiéter. L’honnêteté de la réponse de Chris me plaît. L’homme et l’artiste. Je n’ai jamais pensé à cette dualité. Existe-t-elle ?
« Avant de commencer, il faut que vous sachiez que le Kathakali a une particularité. Il exige du danseur, le veshakaaran, qu’il soit aussi un interprète, qu’il dépasse le ….comment dites-vous déjà, le livret du poète ….Dans mon histoire, ce que je prends pour la réalité est peut-être imaginaire et vice-versa. Vous comprenez ? Car il faut non seulement que je réinvente et que je rejoue ma vie, mais aussi la vie de tout ceux qui, à un moment ou un autre, y ont tenu un rôle. Je me tromperai peut-être dans les faits, des détails risquent de faire défaut, mais je ne vous cacherai rien. De cela, vous pouvez en être sûr. Et à la fin, vous pourrez me dire si l’homme et l’artiste ne font qu’un ou pas. Vous pourrez me dire qui l’emporte, l’homme ou sa maîtresse. »

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Lecture commune autour de l’Inde avec Lire le monde – Challenge chez Sandrine

Poète peul – Jean Pierre Verheggen

jeudi-poesie

Poète peul

Si le peuple peul compte en ses rangs les meilleurs
pasteurs nomado-sahalo-sahariens qui (du Tchad au
Soudan, au Mali ou au Burkina-Faso et dans bien
d’autres territoires de l’Afrique) conduisent leurs
nombreux troupeaux de chevaux, zébus, vaches et veaux,
le peuple peul a également son pôle d’excellence dans
des domaines moins connus où continuent pourtant de
briller, en diaspora, quelques-unes de ces célébrités !
Sans vouloir trop insister sur le cas du Peul Émilie Victor
qui mit sur pied le premier élevage de rennes (pasteur
un jour, pasteur toujours ! on ne se refait pas)
dans le Grand Nord, on demeure davantage surpris
en apprenant qu’une des gloires de notre gastronomie
nationale le Peul Bocuse – en personne ! -appartient
à la même ethnie ! Mais c’est dans l’expression artistique
que les Peuls triomphent !
De Peul Gauguin ou de Peul Cézanne en peinture qui,
eux, l’affichaient ouvertement à Pierre
– Peul quoiqu’il en dise – Pierre Peul Rubens
qui tentait de le cacher sous un prénom redoublé
(quelle honte de ses origines avait-il donc ? )
ils sont légion ! Oh ! à des degrés divers qui vont du Peul
Schreber Oui ! l’illustre Président !
(Mais la psychanalyse est-elle un art,
nous rétorquera-t-on au Peul-Loup Sulitzer,
loin d’être le meilleur de leurs écrivains ! Citons encore
Le Peul Newman, acteur talentueux au cinéma avant
avant d’en venir à ce qui constitue le gros de leurs troupes,
les griots,
détenteurs de la parole et de la musique ! Pensons au Peul
McCartney mais aussi aux poètes tels que le Peul Verlaine,
incontournable pour célébrer les fêtes galantes (qu’on
ne saurait confondre avec le Peul Géraldy infatigable
animateur des goûters du troisième âge ou de promesses de
mariage) chacun selon sa spécialité :
Le Peul Claudel pour les célébrations de partage,
Le Peul Morand pour les récits de magie noire,
le Peul Léautaud pour les scènes de misanthropie
Le Peul Eluard, etc.

tous, par ailleurs dépositaires de traditions tels
le Peul Féval pour les histoires de cape et d’épée ou
le Peul Nizan pour l’art de monter à cheval à la hussarde
à Aden ou en Arabie !

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John Banville – La lumière des étoiles mortes

Ma passion pour Mme Gray allait-elle, en tout cas au début plus loin que la conviction exacerbée et classique chez nous tous à cet âge que les familles de nos amis étaient autrement plus agréables, gracieuses et intéressantes – en deux mots, plus désirables – que la nôtre ?
Billy avait une famille, lui au moins, alors que j’étais seul avec ma veuve de mère. Elle tenait une pension pour représentants de commerce et autres voyageurs qui, tels des fantômes angoissants, hantaient les lieux plus qu’ils n’y logeaient. Je restais le plus possible dehors. La maison des Gray était souvent déserte en fin d’après-midi, et après la classe, Billy et moi y traînassions  des heures durant. Où étaient les autres, Madame Gray et Kitty par exemple, où étaient-elles à ce moment-là ? Je revois Billy, dans son blazer  bleu marine de lycéen et sa chemise blanche pas nette, après qu’il avait retiré d’un geste brusque et négligent sa cravate pleine de taches, sa cravate de l’école, debout devant le réfrigérateur ouvert et fixant d’ un œil vitreux l’intérieur de l’appareil comme s’il regardait un truc captivant à la télé. Il y avait d’ailleurs dans le salon à l’étage est parfois un poste devant lequel on s’affalait, les mains enfoncées dans nos poches de pantalon, les pieds sur notre cartable, pour essayer de suivre les courses hippiques de l’après-midi qui se déroulaient de l’autre côté de la mer, dans des lieux aux sonorités exotiques, tels que Epsom, Chepstow ou Haydock Park. La réception était mauvaise et souvent nous ne  voyions que des  cavaliers fantômes,  voutés sur leurs montures  fantômes et fendant  aveuglément un blizzard d’interférences statiques.
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John Banville – La lumiere des étoiles mortes

Poètes sur le fil….

Poètes sur le fil

J’en ai connu plusieurs des poètes sur le fil (intérieurement je les appelle des filambules).

Mon père, tout d’abord. Filatéliste, timbré de petits rectangles à dents – qui n’ont pas besoin de fil dentaire – il savait rendre poétique un centimètre carré, surtout sa Muse Marianne.

Ma mère qui, du fonds de la ferme familiale, me dit une fois en terminale : « j’ai une poule qui fit le z’oeuf » quand j’essayais une fois de lui expliquer qui était Merle au Ponti et les autres filosofes.

Incomprise de ma parentèle, je décidai, un jour à l’aube, de partir vivre ma vie de poétesse et enfilai un fuseau, un pull en poil de lama et mes pantoufles de fer : « un pantoufle de ferpoète se doit d’être écorché », fis je en agitant un mouchoir de batiste, tremblotante sur mes talons aiguilles.

Je partis la laine fraîche à la découverte de la grande ville et de son tissu urbain. Il fallait voir ce qui se tramait dans le Charleville-Mézières de la fin des années 80….

J’étais aussi à l’aise qu’un quenouille filant sur son nénufar et je déclamais des vers de mon inspiration : « Poétesse amfilbie je suis aussi à l’aise sur un fil dans les airs que dans une file d’attente sur la terre ferme ».

Au cabaret vert 5 heures du soir, je rencontrai d’autres poètes qui, comme moi, essayaient de ne pas perdre le fil harmonique de leur inspiration à la fois si féconde et si fragile.

Nous dévidions notre pelote de concert, (pelote ardennaise et non basque – note pour Marie-Jo). Nous avions Arthur Rimbaud pour modèle, quoique Vert-laine en connaissait une rayonne sur les fils (moins sur les filles, nul n’est parfait).

Une mamie, filentrope, nous avait pris en affection et nous gorgeait de filets mignons, d’haricots verts sans fil, de cigarettes sans filtre et de philtre sans amour… Elle disait « un poète fait fil de tout bois » et nous approuvions comme un seul homme, même les filles.

De tous les poètes que j’ai rencontrés lors de ma jeunesse, je me rappelle bien de Dermo Fil Indien, qui nous faisait danser la javanaise. Mon ami Lucky (Luke un autre fil en bulles) me soufflait à l’oreille que c’est le fil qui chante et qu’importe le lin pourvu qu’on ait la caresse. Serge  avait un poil de lama ou un poil dans la main, je ne sais plus trop. Hugo de Jersey nous chantait l’exil (qu’il appelait l’exfil : un léger défaut de prononciation dont il n’arrivait pas à se débarrasser. Il disait : O poète j’ai un fil de soie sur la langue (ou parfois j’ai un cil de toi sur la mangue : un brin filexique le Hugo))

Puis les bannières de mai furent chassées par les étoiles filantes qui apparaissait furtivement les soirs d’été. Les sanglots longs de l’automne laissèrent la place au spleen rêvé pour l’hiver…. Je grandissais ou filais un mauvais coton c’est selon.

Notre bande de poètes s’est dissoute un soir où la lettrine d’un de nos textes (police Arial sans certif si ma mémoire est bonne) s’écria : mais que fait la police ?
– Elle file la métaphore répondit notre muse Filomène qui avait de la suite dans les idées (on verra où ça l’a menée)….

Nous nous sommes perdus de vue la bande des poètes, copains de chanvre, chacun essayant de mener sa barque du mieux que possible, au fil de l’eau.

Depuis peu, j’erre sur Facebook de fil d’Ariane en fil d’actualité pour retrouver mes joyeux compagnons de vers. Nulle part, je ne trouve leurs bobines : Dermo, Hugo, Luke et Serge …

Un jour, j’ai reçu un mail de Filomène qui m’a dit avoir renoncé à la poésie pour une carrière dans le film (….alimentaire fit-elle après une pose): j’ai eu le job grâce à mon sexe à fil…..Et toi que deviens tu ?

Je répondis : Je suis devenue technicienne : je câble des bureaux, des fils rouges sur des prises rouges, des Fils verts sur des prises vertes, des petit trous dans les murs…

– Et la poésie ?

– J’écris des poèmes pour la RATP : des poèmes sur l’écheveau des lignes de métros, je m’emmêle dans le nom des stations … Dans mes poèmes amateurs, la station des Gobelins fait tapisserie, saint Filipe du roule n’amasse pas mousse, le filiculaire de Montmartre s’enroule et s’effiloche …La vie de Pinocchio à la Porte de Pantin ne tient qu’à un fil…filomene

Et c’est ainsi, tous poètes de 20 ans que nous fûmes, nous sommes devenus des poètes du dimanche et des travailleurs barbants…..sur le fil du rasoir.

FIN FIL

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NB : Poème retrouvé dans la boîte hermétique de la fusée « Fil d’Ariane » – décembre 2280 – D’après d’éminents chercheurs, ce poème daterait de 2020, année de la réforme de l’orthografe supprimant le Ph, votée à l’assemblée sur le fil (à deux  voix près)

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Pour les personnes aimant jouer 5 titres de poèmes d’Arthur Rimbaud sont à trouver : Pourquoi cette énigme ? Et bien pour vous donner du fil….à retordre….

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Ma participation à l’agenda ironique d’avril avec pour thème « sur le fil » (organisateur Carnetsparesseux)

Poète bin qu’oui, Poète bin qu’non ? Jean- Pierre Verheggen

Poète bin qu’oui, Poète bin qu’non ? Jean- Pierre Verheggen

Ma bibliothèque municipale a mis ce recueil en avant pour le « printemps des poètes » et je l’en remercie. Cela faisait longtemps que je n’avais pas autant apprécié un recueil.

L’auteur, belge, Jean- Pierre Verheggen, met en avant 36 sortes de poètes : Voici les titres des poèmes :  poète avec Petite Gloire Locale Personnelle / poète Haddock Borderline / poète de Monsieur Séguin / poète champêtre / poète facteur / poète avec vieille orthographe / poète alcoolo / poète auvergnat / poète appuyé / poète Pouf Pouf / poète SurDouai / poète anthropophage / poète avec Andrée et Sortie / poète impérialement Auguste (avec un gros nez rouge sang) : poète kamikaze / poète pêcheur à la ligne / poète cherchant soutien / poète contrepèteur / poète S.P.A / poète avec accent circonflexe / poète indécis / poète fort échaudé / poète sachant dur bonsoir / poète avec modération / poète avec pommes de terre en petite chemise / poète avec César restât ferme mais simple / poète Peul / poète ambigu et ambidextre / poète préférant les sous-chefs / poétesse griffée / poète belgo-belge / poète mycologue / poète pas grand chose / poète Chevalier des arts et des lettres / poète inconnu / d’autres encore….

Un amoureux des jeux de mots (un certain Mr Queneau est cité….) qui m’a fait sourire plusieurs fois …. J’ai deux idées de poème que j’écrirai peut être …..un jour ….Poète vert et poète sur le fil….

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Mon poème préféré « Poète Chevalier des arts et des lettres »

Poète chevalier des arts et des lettres

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Le titre le plus envié !
Chevalier des Arts et des Lettres – être élevé au rang
de Chevaliers, vous imaginez ! Chevalier
la plus noble conquête de tout poète!
Tant d’autres n’atteindront jamais ce sommet,
que dis-je ? cet Olympe.
Jamais au grand jamais, ils ne pourront éprouver le plaisir
de sentir leur monter à la tête la célèbre fièvre de Chevalier
qui, au terme d’une courte période d’incubation,
vous transforme un Poète – qualifions-le d’ordinaire ! –
en canasson de première,
en mazette m’as-tu-vu,
en carne étoilée, en criquet ramenard,
en dada bêcheur, voire en haridelle crâneuse
(car les Poétesses n’y échappent pas !)
quand ce n’est pas en haquenée prématurément sénile
ou pire en bourrin complètement beurré !
Oui, complètement bourré
ce qui n’empêche pas ce dernier de parader, à la grande,
parmi les réunions mondaines où, tel un preux –
paladin de la plume ! se cabrant soudain
au milieu de la foule, le morceau de bravoure aux dents,
piaffant des quatre pieds, amblant de l’enjambement
lyrique et Pégazant du trou duc, il fustige et pourfend,
devant tout un parterre à son écoute
et gagné à sa cause – fût-elle bredouillante !
ces jeunes grooms de poétaillons qui,
déguisés en modernes disc-jockeys,
ruent dans les Pindare en perturbant ses lectures publiques !

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Ceux-là ne seront jamais
que des crocheteurs de port au foin,
des lads de la contrepèterie, du menu crottin de pacotille
scribouillarde, des palefreniers du contresens, de vulgaires
garçons d’écurie – juste capables
de vous suggérer d’entendre :

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« des Curie » en pensant à Pierre et Marie,
ce qui ne fait rire qu’eux, misérables gâches-poésie !

 

A jeudi prochain avec un autre poème de ce recueil 😉

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le mois Belge chez Mina et Anne

Féroces infirmes retour des pays chauds – Tom Robbins

– Mais personnellement, vous ne vous connectez pas ?
– Bien sûr que si, mon  vieux. L’e-mail est un outil formidable – même quand il est piraté, mais ça, c’est une autre histoire. Ce que je veux dire, c’est que je ne vais pas rester assis pendant des heures tous les jours à avoir des relations sexuelles non-orgasmiques avec un ordinateur ou un écran de télé. Ces machines vous bousillent l’existence si vous leur en donnez ne serait-ce que le début d’une occasion.
– Je suis connecté cinq à six heures par jour, admit Hector d’un air gêné. Mais je suis toujours content de lire un bon livre quand j’en ai la possibilité.
– Ah ouais ? Qu’est-ce que vous lisez ?
-Ce que je recherche, c’est le romancier qui considère l’écriture comme une extension de son intellect plutôt que comme une extension de ses névroses.
– Eh bien, je vous souhaite bonne chance, mon vieux. Ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval de nos jours.
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Féroces infirmes retour des pays chauds – Tom Robbins
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