
Ce livre est présent dans plusieurs classements des meilleurs livres de Science-fiction.
À mon avis c’est une erreur, il devrait être classé dans le top des meilleurs livres de tous les temps (et pas seulement de la SF)
SF, il l’est un petit peu ce livre, car le héros prétend avoir été kidnappé par des extra- terrestres. Mais si on creuse un peu, je dirais juste – mais bon je ne suis pas psychologue – qu’il souffre d’un syndrome post-traumatique incurable et que le kidnapping par les extra- terrestres est le seul moyen qu’il ait trouvé pour survivre aux souvenirs qu’il a de son expérience en tant que soldat américain pendant la seconde guerre mondiale. Il a vingt ans à peine quand il est fait prisonnier en Allemagne en décembre 1944. Il reste à peine 6 mois de guerre . Six mois pendant lesquels il va souffrir du froid, de la faim, de la bêtise humaine, des atrocités de la guerre. Lui et son groupe de prisonniers sont retenus dans les abattoirs de la ville de Dresde, ville qui sera quasiment rasée en février 1945.
Billy Pilgrim en revenant de cette guerre a l’étrange pouvoir de naviguer dans le temps :«Billy, grâce à ses souvenirs du futur, sait que la ville sera réduite en miettes avant de flamber, dans trente jours à peu près. Il se rend compte aussi que la plupart de ceux qui l’observent mourront très bientôt. Ainsi vont les choses.» Un instant, il discute avec son épouse en 1960, la seconde d’après il est propulsé en 1944 pieds-nus dans la neige, un moment après il se retrouve en 1976 ou sur Tralfamadore, planète à la fois proche et lointaine de la Terre.
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Ce livre décortique de façon précise les dégâts fait par la guerre sur des cerveaux encore juvéniles (d’où le sous titre du livre « la croisade des enfants »), des jeunes de 20 ans sont envoyés au front en 1944 mais aussi pendant la guerre du Vietnam (le fils de Billy….)
Le leitmotiv « Ainsi vont les choses » après chaque décès fait froid dans le dos : quelle mort est la plus terrible ? celui de son compagnon de train aux pieds gelés ? celui d’Edgar Derby fusillé pour vol de théière dans Dresde dévastée ? celles des jeunes femmes de Dresde pulvérisées par les bombes ? ou les civils d’Hiroshima ….?
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En bref : à lire absolument ce livre « coup de poing » qui réussit l’exploit de rester « léger » toutes proportions gardées (encore un coup des Tralfamadoriens qui sont philosophes)
Quelques extraits :
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La guerre touchait à son terme. On était fin décembre, les locomotives s’élançaient vers l’est. Les hostilités se termineraient en mai. Sur tout le territoire, les cachots allemands débordaient, on n’avait plus de quoi nourrir les prisonniers et plus de combustible pour assurer leur chauffage. Et pourtant, il en surgissait toujours de nouveaux.
Le train de Billy Pilgrim, le plus long de tous, ne bougea pas pendant deux jours.
« C’est de la gnognotte, assurait le trimardeur à Billy le deuxième jour. C’est rien du tout. »
Billy regardait dehors par la lucarne de ventilation. Le dépôt était désert maintenant, il ne restait guère qu’un convoi sanitaire bardé de croix rouges, sur une voie de garage, tout au loin. Sa locomotive siffla. Celle du train de Billy Pilgrim siffla en retour. Elles se saluaient.
Bien qu’immobiles, les wagons du train de Billy demeuraient hermétiquement clos. Personne ne devait en descendre avant la destination ultime. Aux yeux des gardes qui faisaient les cent pas à l’extérieur, chaque voiture devenait un organisme distinct qui mangeait, buvait, excrétait par ses conduits d’aération. Qui parlait et parfois hurlait par ces orifices. On y enfournait eau, pain noir, saucisson, fromage, et il en dégoulinait merde et pisse et paroles. (P 82-83)
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On dénombrait cinq sexes sur Tralfamadore et à chacun revenait une étape en vue de l’élaboration d’un nouvel individu. Dans l’esprit de Billy, ils étaient identiques car les différenciations résidaient toutes dans la quatrième dimension.
Soit dit en passant, l’une des révélations les plus époustouflantes faites à Billy par les Tralfamadoriens avait trait aux besognes de reproduction sur Terre. Ils prétendaient que les équipages des soucoupes volantes n’y avaient pas identifié moins de sept sexes, tous indispensables à la conservation de l’espèce. C’est bien simple : Billy ne réussissait pas à comprendre ce que cinq de ces sept sexes avaient à voir dans la conception d’un bébé, puisque leur champ d’activité se réduisait à la quatrième dimension.
Les Tralfamadoriens tentaient de fournir à Billy des indications qui l’aideraient à se représenter l’accouplement dans l’invisible. Ils répétaient qu’aucun petit Terrien ne pouvait voir Le jour sans la présence d’homosexuels masculins. Cependant l’absence de femmes homosexuelles n’empêchait pas les bébés de naître. Si les femmes de plus de soixante-cinq ans venaient à disparaître, plus d’enfants. Mais rien de semblable si c’était les hommes du même âge qui manquaient. Les nourrissons ne survivaient qu’à la condition que d’autres soient morts une heure au plus après leur naissance. Ainsi vont les choses. (p 128)
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Le printemps arriva vers cette époque. On ferma les mines de cadavres. Tous les soldats partirent se battre contre les russes. Dans les banlieues, femmes et enfants creusaient des tranchées. Billy et son groupe étaient sous clé dans la grange des faubourgs. Un matin, en se levant ils s’aperçurent que la porte était ouverte. La seconde Guerre mondiale était terminée en Europe.
Billy et ses copains se sont risqués dans la rue ombragée. Les arbres bourgeonnaient. Il ne se passait rien, pas de circulation. Il y avait un seul véhicule, un tombereau abandonné tiré par deux chevaux. Il était vert, en forme de cercueil.
Les oiseaux bavardaient.
L’un d’eux a dit à Billy Pilgrim : « cui-cui-cui? » (p 230)
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Challenge littérature américaine chez Noctenbule
et top 50 chez Claire dans la catégorie « livre paru l’année de ma naissance » (1971 : parution en France ;-))
