Trouvez le titre et l’auteur – 20 août

Weary trimbalait un bloc de balsa qu’on disait être un oreiller de tranchée. Il avait un étui prophylactique qui contenait deux préservatifs résistants « Réservé à la prévention des maladies vénériennes! ». Il possédait un sifflet qu’il ne ferait voir à personne avant d’avoir été promu caporal. Et aussi la photo porno d’une femme essayant de s’accoupler avec un poney Shetland. Il avait obligé Billy Pilgrim à l’admirer plusieurs fois.

Le femme et le poney tenaient la pose devant des portières de velours frangées de glands. Ils étaient flanqués de colonnes doriques. Devant l’une d’elle, un palmier en pot. C’était une reproduction de la première photo pornographique mentionnée dans les annales. Le mot « photographie » apparaît en 1839, et c’est cette même année que Louis J.M. Daguerre communique à l’Académie française qu »une image formée sur une plaque métallique argentée recouverte d’une mince pellicule d’iodure d’argent peut être développée en présence en présence de vapeur de mercure.
En 1841 tout juste deux ans plus tard, un assistant de Daguerre, André Le Fèvre est arrêté aux Tuileries pour avoir tenté de vendre une image de la femme et du poney. C’est aussi là que Weary avait acheté la sienne, aux Tuileries. Le Fèvre soutenait que c’était de l’art et qu’il s’attachait à faire revivre la mythologie grecque. D’ailleurs les colonnes et le palmier étaient là pour le prouver.
Interrogé sur mythe qu’il prétendait représenter, Le Fèvre jura qu’il en existait des milliers de similaires, dans lesquels la femme était une mortelle et le poney un dieu.
On le condamna à six mois de prison ferme. Il y mourut de pneumonie. Ainsi vont les choses.

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La règle du jeu est ici

Abattoir 5 – Kurt Vonnegut

abattoir 5

Ce livre est présent dans plusieurs classements des meilleurs livres de Science-fiction.
À mon avis c’est une erreur, il devrait être classé dans le top des meilleurs livres de tous les temps (et pas seulement de la SF)

SF, il l’est un petit peu ce livre, car le héros prétend avoir été kidnappé par des extra- terrestres. Mais si on creuse un peu, je dirais juste – mais bon je ne suis pas psychologue – qu’il souffre d’un syndrome post-traumatique incurable et que le kidnapping par les extra- terrestres est le seul moyen qu’il ait trouvé pour survivre aux souvenirs qu’il a de son expérience en tant que soldat américain pendant la seconde guerre mondiale. Il a vingt ans à peine quand il est fait prisonnier en Allemagne en décembre 1944. Il reste à peine 6 mois de guerre . Six mois pendant lesquels il va souffrir du froid, de la faim, de la bêtise humaine, des atrocités de la guerre. Lui et son groupe de prisonniers sont retenus dans les abattoirs de la ville de Dresde, ville qui sera quasiment rasée en février 1945.

Billy Pilgrim en revenant de cette guerre a l’étrange pouvoir de naviguer dans le temps :«Billy, grâce à ses souvenirs du futur, sait que la ville sera réduite en miettes avant de flamber, dans trente jours à peu près. Il se rend compte aussi que la plupart de ceux qui l’observent mourront très bientôt. Ainsi vont les choses.» Un instant, il discute avec son épouse en 1960, la seconde d’après il est propulsé en 1944 pieds-nus dans la neige, un moment après il se retrouve en 1976 ou sur Tralfamadore, planète à la fois proche et lointaine de la Terre.

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Ce livre décortique de façon précise les dégâts fait par la guerre sur des cerveaux encore juvéniles (d’où le sous titre du livre « la croisade des enfants »), des jeunes de 20 ans sont envoyés au front en 1944 mais aussi pendant la guerre du Vietnam (le fils de Billy….)

Le leitmotiv « Ainsi vont les choses » après chaque décès fait froid dans le dos : quelle mort est la plus terrible ?  celui de son compagnon de train aux pieds gelés ? celui d’Edgar Derby fusillé pour vol de théière dans Dresde dévastée ? celles des jeunes femmes de Dresde pulvérisées par les bombes ? ou les civils d’Hiroshima ….?

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En bref : à lire absolument ce livre « coup de poing » qui réussit l’exploit de rester « léger » toutes proportions gardées (encore un coup des Tralfamadoriens qui sont philosophes)

Quelques extraits :

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La guerre touchait à son terme. On était fin décembre, les locomotives s’élançaient vers l’est. Les hostilités se termineraient en mai. Sur tout le territoire, les cachots allemands débordaient, on n’avait plus de quoi nourrir les prisonniers et plus de combustible pour assurer leur chauffage. Et pourtant, il en surgissait toujours de nouveaux.
Le train de Billy Pilgrim, le plus long de tous, ne bougea pas pendant deux jours.
« C’est de la gnognotte, assurait le trimardeur à Billy le deuxième jour. C’est rien du tout.  »
Billy regardait dehors par la lucarne de ventilation. Le dépôt était désert maintenant, il ne restait guère qu’un convoi sanitaire bardé de croix rouges, sur une voie de garage, tout au loin. Sa locomotive siffla. Celle du train de Billy Pilgrim siffla en retour. Elles se saluaient.
Bien qu’immobiles, les wagons du train de Billy demeuraient hermétiquement clos. Personne ne devait en descendre avant la destination ultime. Aux yeux des gardes qui faisaient les cent pas à l’extérieur, chaque voiture devenait un organisme distinct qui mangeait, buvait, excrétait par ses conduits d’aération. Qui parlait et parfois hurlait par ces orifices. On y enfournait eau, pain noir, saucisson, fromage, et il en dégoulinait merde et pisse et paroles. (P 82-83)

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On dénombrait cinq sexes sur Tralfamadore et à chacun revenait une étape en vue de l’élaboration d’un nouvel individu. Dans l’esprit de Billy, ils étaient identiques car les différenciations résidaient toutes dans la quatrième dimension.
Soit dit en passant, l’une des révélations les plus époustouflantes faites à Billy par les Tralfamadoriens avait trait aux besognes de reproduction sur Terre. Ils prétendaient que les équipages des soucoupes volantes n’y avaient pas identifié moins de sept sexes, tous indispensables à la conservation de l’espèce. C’est bien simple : Billy ne réussissait pas à comprendre ce que cinq de ces sept sexes avaient à voir dans la conception d’un bébé, puisque leur champ d’activité se réduisait à la quatrième dimension.
Les Tralfamadoriens tentaient de fournir à Billy des indications qui l’aideraient à se représenter l’accouplement dans l’invisible. Ils répétaient qu’aucun petit Terrien ne pouvait voir Le jour sans la présence d’homosexuels masculins. Cependant l’absence de femmes homosexuelles n’empêchait pas les bébés de naître. Si les femmes de plus de soixante-cinq ans venaient à disparaître, plus d’enfants. Mais rien de semblable si c’était les hommes du même âge qui manquaient. Les nourrissons ne survivaient qu’à la condition que d’autres soient morts une heure au plus après leur naissance. Ainsi vont les choses. (p 128)

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Le printemps arriva vers cette époque. On ferma les mines de cadavres. Tous les soldats partirent se battre contre les russes. Dans les banlieues, femmes et enfants creusaient des tranchées. Billy et son groupe étaient sous clé dans la grange des faubourgs. Un matin, en se levant ils s’aperçurent que la porte était ouverte. La seconde Guerre mondiale était terminée en Europe.
Billy et ses copains se sont risqués dans la rue ombragée. Les arbres bourgeonnaient. Il ne se passait rien, pas de circulation. Il y avait un seul véhicule, un tombereau abandonné tiré par deux chevaux. Il était vert, en forme de cercueil.
Les oiseaux bavardaient.
L’un d’eux a dit à Billy Pilgrim : « cui-cui-cui? » (p 230)

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Challenge littérature américaine chez Noctenbule

et top 50 chez Claire dans la catégorie « livre paru l’année de ma naissance » (1971 : parution en France ;-))

challengeusa challenge top 50

Richard Bach – Jonathan Livingston le Goéland

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C’était le matin et l’or d’un soleil tout neuf tremblait sur les rides d’une mer paisible. A un encablure du rivage, le bateau de pêche relevant ses filets, invitait au petit déjeuner, et son appel transmis dans les airs attira mille goélands virevoltant et se disputant les débris de poisson. Une nouvelle journée de labeur commençait ainsi.
Mais seul, loin du bateau et du rivage, Jonathan Livinsgton le Goéland s’exerçait.

Ainsi commence Jonathan Livingston le Goéland, hymne à la liberté, aux étendues immenses, et à la joie de vivre et de se dépasser.
Aller au bout des limites de la physique, aller toujours plus vite et plus haut. Pour réaliser ce rêve, Jonathan est prêt à tout : ne pas manger, ne pas dormir. Trop différent, il est mis au ban de sa « tribu » de Goélands. Mais qu’importe, plutôt être seul,  que de ne pas être libre et réaliser son rêve.

L’auteur, Richard Bach, est pilote et cela se sent, il nous emmène vers des loopings contrôlés où l’ivresse du vent et du large nous emporte.

Il ne perdit pas son temps, ce jour-là, à causer avec les autres goélands, mais il vola bien après le coucher du soleil. Il découvrit le looping, le tonneau lent, le tonneau à facettes, la vrille inversée, la cabriole de la mouette, la roue.

Un livre qui donne envie de voyager hors des sentiers battus et de crier bien haut sa différence. Car au final, Jonathan ne sera plus si seul et sera un modèle pour d’autres de ses congénères.

Nous avons une raison de vivre : apprendre, découvrir, être libres !

 

En conclusion : un livre qui m’a plu , mais la fin m’a gênée (je ne vais pas la dévoiler pour ceux qui souhaitent le lire). La fin m’a laissé un sentiment bizarre, une façon de nier la mort. (ou trop proche de la notion « on ira tous au paradis » idée à laquelle je ne crois pas)

Lecture commune avec Noctenbule
Lecture qui rentre dans le cadre du Challenge Romans Cultes de Métaphore

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ET le Challenge Animaux du monde de Sharon
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JD Salinger – L’attrape-coeur

Holden Caulfield, 16 ans, vient de se faire renvoyer de son lycée, à quelques jours des vacances de Noël. Effrayé par ce que ses parents vont dire, il décide de ne pas rentrer directement chez lui, mais de passer les trois jours avant les vacances dans New York. Petit à petit on en apprend plus sur son grand frère,  DB qui écrit des scénarios à Hollywood, sur son père qui ne pense qu’au travail, sur sa mère…et aussi sur sa soeur Phoebe. 

Au départ, j’ai trouvé le personnage un peu caricatural, l’ado dans toute sa splendeur, qui s’exprime difficilement, avec des phrases toutes faites, et qui répète en boucle « c’est dingue », « ça me tue ». Jusqu’au moment où il rédige une dissertation pour un de ses camarades de pension. A ce moment, pour ma part cela a été le vrai tournant du livre, et j’ai changé d’avis sur ce grand escogriffe grandi trop vite. Dans cette dissertation il parle de son petit frère Allie, décédé d’une leucémie.
Parce qu’Allie était gaucher. Ce qui prêtait à description c’est qu’y avait des poèmes écrits sur les doigts et partout. A l’encre verte. Mon frère les copiait sur son gant pour avoir quelque chose à lire quand il était sur le terrain et qu’il attendait que ça redémarre. Maintenant il est mort, mon frère. Il a eu une leucémie, il est mort quand on était dans le Maine, le 18 juillet 1946. Vous l’auriez aimé. Il avait deux ans de moins que moi mais il était dans les cinquante fois plus intelligent. Il était super-intelligent. Ses professeurs écrivaient tout le temps à ma mère pour lui dire quel plaisir çà leur faisait d’avoir Allie dans leur classe. Et c’était pas du baratin. Ils le pensaient pour de vrai. Non seulement Allie était le plus intelligent de la famille mais en bien des façons il était le plus chouette. Il se mettait jamais en rogne. Les rouquins, on dit qu’ils se mettent en rogne facilement, mais Allie jamais. Je vais vous dire le genre de rouquin que c’était. J’ai commencé à jouer au golf quand j’avais à peine dix ans. Je me souviens d’une fois, l’année de mes  douze ans, je plaçais la balle sur le tee, et j’ai eu l’impression que si je me retournais je verrais Allie. Je me suis retourné. Et tout juste il était là, assis sur son vélo, de l’autre côté de la clôture- y avait cette clôture qui entourait le terrain- et il était là, à cent cinquante mètres de moi qui me regardait faire. Voilà le genre de rouquin que c’était. Bon Dieu, on n’a jamais vu un môme aussi chouette. Pendant les repas çà lui arrivait de rire tellement en pensant à quelque chose qu’il en tombait presque de sa chaise. C’était l’année de mes treize ans et mes vieux allaient être forcés de me faire psychanalyser et tout parce que j’avais brisé toutes les vitres du garage. Je leur en veux pas. Je couchais dans le garage,  la nuit où Allie est mort, et j’ai brisé toutes les foutues vitres à coups de poing, juste comme ça. J’ai même essayé de démolir aussi les vitres du break qu’on avait cet été-là, mais ma main était déjà cassée et tout, alors j’ai pas pu. Un truc idiot faut bien le dire, mais je savais plus trop ce que je faisais et vous, vous savez pas comment il était, Allie. J’ai encore quelquefois une douleur à la main par temps de pluie, et je peux pas serrer le poing – pas le serrer complètement- mais à part çà je m’en fiche. J’ai jamais eu l’intention d’être chirurgien, ou violoniste. (p49)
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Après ce passage, je n’ai plus lâché ce livre et j’ai trouvé Holden, tour à tour sensible, passionnant, émouvant et pathétique, si seul au monde.
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Le type de la Navy et moi on s’est servi de l' »Enchanté d’avoir fait votre connaissance ». Un truc qui me tue. Je suis toujours à dire  « Enchanté d’avoir fait votre connaissance » à des gens que j’avais pas le moindre désir de connaître. C’est comme çà qu’il faut fonctionner si on veut rester en vie. (P101)
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Enfin, il décide de fuguer pour de bon et veut dire au revoir à sa petite soeur Phoebe, 10 ans, une môme que j’ai trouvé époustouflante de sagesse et de répartie.
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Un dialogue entre le frère et la soeur explique le titre du roman :
« – Tu connais la chanson « Si un coeur attrape un coeur qui vient à travers les seigles? Je voudrais…
– C’est « Si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles ». C’est un poème. De Robert Burns.
– Je le sais bien que c’est un poème de Robert Burns. » Remarquez, elle avait raison, c’est  « Si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles ». Depuis j’ai vérifié. Là j’ai dit : « Je croyais que c’était  « Si un coeur attrape un coeur ». Bon. Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux, – je veux dire pas de grandes personnes – rien que moi. Et moi je suis planté au bord d’une saleté de falaise. Ce que j’ai à faire c’est attraper les mômes s’ils s’approchent trop près du bord. Je veux dire, s’ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C’est ce que je ferais toute la journée. Je serais l’attrape-cœurs et tout. D’accord , c’est dingue, mais c’est vraiment ce que je voudrais être seulement çà. D’accord c’est dingue. p194
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En conclusion : j’ai adoré (et pour jeudi prochain le 4 juillet, je viens de programmer une petite citation qui m’a fait hurler de rire).
attrape coeu en anglais cheval
Challenge roman Culte de Métaphore
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