Sphinx etc…..

Je me suis réveillée ce matin, toute bizarre, la tête à l’envers (comme un samedi me direz vous mais pas que…)
Le texte que j’avais commencé la veille était tout de guingois : griffonné raturé avec mon stylo vert, celui des 4 couleurs. En même temps, j’avais juste jeté quelques idées en vrac : des proverbes qui me plaisent : A la Saint Robert tout arbre est vert, A la saint Henri le vert-galant fait son nid, tant va la cruche au verre qu’à la fin elle se casse, un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers….
Enfin des bouts de phrases sans queue ni tête , certes, mais qui avait bien pu raturer, biffer, corriger ainsi ce début de texte…?
J’ai reposé mon papier raturé pour aller aux toilettes (y’a des priorités quand même )
Quand je suis revenue, j’avais les yeux un peu plus ouverts. Ils étaient deux à côté de mon pseudo texte : Pygmée-Lion, le lutin rouquin à costume vert et Béchamelle, la chamelle, l’œil triste, de grandes valises sous ses yeux rouges (un peu comme le chameau porté par Obélix si vous voyez ce que je veux dire)
Pygmée-Lion disait : Qu’importe le flocon pourvu qu’il y a l’hivert ? ça va pas Béchamelle, tu a mis un t à hiver et tes A ressemblent à des O, c’est flacon ou flocon que tu as voulu dire ?
C’est à ce moment que je me suis rappelée que je voulais écrire un texte sur un Sphinx et que Béchamelle devait en connaître en rayon sur les sphinx…. vu que une chamelle…..vaisseau, non vaisselle du désert, l’Egypte….les Pyramides, le Sphinx ….bref…..Béchamelle me paraissait la personne indiquée pour me parler des sphinx….
– Tu pourrais, chère Béchamelle, me faire un topo en 500 mots du Sphinx… pour mettons…. le 20 février ?
Béchamelle, sur un ton enrhumé, m’a répondu : »Ben tu sais moi je suis né non pas au Caire, mais Passage du Caire dans le deuxième arrondissement, alors le Sphinx…… Par contre, je connais quelqu’un dans Paris qui a connu personnellement un sphinx. »
Ni une ni deux, j’ai mis Béchamelle et Pygmée-Lion dans mon sac à dos et nous sommes partis dans le soleil levant. J’avais mis mon costume de jument verte comme toujours quand je pars en expédition incognito. Pour mon enquête sur le sphinx, malgré la faible connaissance de Béchamelle sur l’Egypte, cela m’a rassurée quand elle m’a dit qu’on irait ensuite faire une virée voir l’obélisque de la Concorde, (qui avait été amenée en hommage à un certain Obélix qu’elle avait bien connu). Elle m’a dit « avant on passe par rue du Nil , mon ami, grec spécialiste du sphinx, y habite.
– Grec? ai je dis ! tu es sûre de ta source ?
– Oui c’est un neveu d’un professeur émérite, le professeur Taurus . Son neveu s’appelle Minotaurus (du grec minot pour enfant et Taurus pour taureau)
A l’arrivée, Minotaurus était impressionnant, corps d’homme et tête de taureau, mais très gentil sous ses dehors bourrus. Il m’a dit : « il ne faut pas confondre le Sphinx de Thèbes avec son homonyme égyptien », il voulait bien me dire où habitait sa connaissance Sphinx si je répondais à une énigme : « Qu’est ce qui est vert, qui peut se manger, et qui peut être utile pour se sortir d’un pépin ?  »
J’avais la réponse sur le bout de la langue et je m’apprêtais à le dire quand soudain Béchamelle a éternué et je me suis retrouvée, les quatres fers en l’air, fracassée contre le passage du Caire.
Les dernières paroles que j’ai entendues avant d’être emmenée par Minotaurus sur sa carriole furent celles de Béchamelle à Pygmée-Lion : « Tu pourrais pas m’aider à m’éponger le nez ? » Alors Pygmée Lion a sorti de sa sacoche un instrument confondant, une sorte de kleenex multi absorbant et il a dit :  » je te tire le vert du nez ? ok ! mais la prochaine fois , préviens quand tu éternues. »
J’ai eu comme un haut le cœur et je me suis laissée aller sur la carriole direction l’hôpital. Je leur ai dit de se taire et qu’ils aillent tous se faire voir au diable vauvert.

BD-Minotaure-á-la-carriole

Picasso : Minotaure à la carriole, 6 avril 1936. Huile sur toile, 45,5 cm x 54,5

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Projet 52 Nuances de verts avec le sujet « Proverbes » et Participation à l’agenda ironique qui se déroule en février chez Rx Bodo (sujet : Dialogue de sphinx)

NB : un bonus pour qui trouve la solution de l’énigme : « qu’est ce qui est vert, qui peut se manger, et qui peut être utile pour se sortir d’un pépin ? « 

Les détectives sauvages – Roberto Bolano

Un matin, nous sommes allés à un manège équestre de Castelldefels dont le propriétaire était un ami d’Arturo et cet ami nous a laissé deux chevaux pendant toute la journée sans rien nous faire payer. Moi j’avais appris à monter à cheval dans un club d’équitation du D.F.  et lui dans le sud du Chili, seul, quand il était enfant. Les premiers mètres nous les avons faits au pas, ensuite je lui ai proposé de faire une course. Le chemin était rectiligne et étroit puis se hissait sur une colline bordée de pins, redescendait jusqu’au lit d’une rivière à sec, après la rivière il y avait un tunnel et derrière le tunnel se trouvait la mer. Nous nous sommes mis à galoper. Au début il a gardé son cheval collé au mien, mais ensuite je ne sais ce qui m’est arrivé, je me suis fondue avec le cheval et je me suis mise à galoper ventre à terre et j’ai laissé en arrière Arturo. En cet instant ça ne m’aurait rien fait de mourir. Je savais, j’avais conscience que je ne lui avais pas raconté beaucoup de choses que peut-être j’avais besoin de lui raconter ou que j’aurais dû lui raconter et j’ai pensé que si je mourais à cheval ou si celui-ci me jetait à terre ou si une branche du bois de pins me désarçonnait violemment, Arturo saurait tout ce que je ne lui avais pas dit et allait le comprendre sans avoir besoin de l’entendre de ma bouche. Mais quand j’ai dépassé la colline, et laissé derrière le bois de pins, quand je descendais vers le lit asséché de la rivière, mes envies de mourir se sont transformées en joie, joie d’être sur un cheval et de galoper, joie de sentir le vent sur mes joues, et peu après j’ai même eu peur de tomber car la descente était beaucoup plus prononcée que je ne le croyais, et à cet instant je ne voulais plus mourir, c’était un jeu et je ne voulais pas mourir, du moins pas en ce moment et j’ai commencé à ralentir.  Alors quelque chose de surprenant est arrivé. J’ai vu passer Arturo à côté de moi comme une flèche et j’ai vu qu’il me regardait et qu’il souriait, sans s’arrêter, un sourire pareil à celui du chat du Cheshire même si lui avait perdu quelques dents au cours de sa vie aventureuse, mais il était pareil, son sourire est resté là, pendant que lui et son cheval continuaient à toute vitesse en direction du lit de la rivière à sec, à une telle vitesse que j’ai pensé que tous deux, cavalier et cheval, allaient rouler sur les pierres couvertes de poussière, et que lorsque je descendrais je traverserais le nuage que la chute aurait provoqué je trouverai le cheval avec une patte cassée et à côté de lui Arturo le crâne fracassé, mort, les yeux ouverts, alors j’ai eu peur j’ai de nouveau éperonné mon cheval, je suis descendue vers la rivière, mais le nuage de poussière au début ne m’a rien laissé voir et quand la poussière a disparu dans le lit de la rivière il n’y avait ni cheval cavalier, rien, seulement le bruit des voitures qui passaient sur l’autre route, au loin, cachée par une futaie, et le soleil réverbérait sur les pierres sèches du lit de la rivière et tout était comme un tour de magie, une seconde je m’étais trouvée avec Arturo et la seconde suivante j’étais de nouveau seule, alors oui j’ai vraiment peur, tellement peur, que je n’ai pas pu mettre pied à terre, que je n’ai rien dit, j’ai seulement regardé de tous côtés et je n’ai vu aucune trace de lui comme si la terre ou l’air l’avait avalé, et alors que je me trouvais déjà sur le point de pleurer je l’ai vu, à l’entrée du tunnel, parmi les ombres, comme un esprit malin, me regardant sans rien dire, j’ai éperonné mon cheval dans sa direction, je lui ai dit tu m’as fait une de ces putain de peur, foutu Arturo, et lui m’a regardée d’une manière très triste et même si après il a ri comme s’il voulait me le cacher, j’ai su alors, seulement, alors qu’il était tombé amoureux de moi.
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Roberto Belano – Les détectives sauvages

En attendant Jeudi Poésie …

En écrivant ce texte pour les plumes, je suis tombée sur ce poème de Marcel Béalu (poète dont je n’avais jamais entendu parler)

L’oiseau vert

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J’ai connu un oiseau vert

Qu’on appelait Arnica

Il mangeait du seringua

Dans une assiette à dessert

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J’ai connu un éléphant

Qui s’appelait Souris Blanche

Il se mourait d’amour pour

Un âne appelé Dimanche

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Il y eu un petit pape

Qu’on appelait Papillon

Il avait le bras si long

Qu’on en fit une soupape

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Oiseau bel oiseau joli

Qui te prêtera sa cage

La plus sage

La moins sage

Ou le roi d’Astragolie

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Marcel Béalu (1908 – 1993)

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Quelques jours plus tard, je retrouve ce même poète  dans ce recueil :

loup y es tu

La Toutebelle 

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Au sein des nuits de lune
Où les chats hurlent à la vie,
Quand du fonds des étangs les noyés
Perçant le suaire du brouillard
S’élancent vers le firmament glacial,
La Toutebelle dans sa forteresse de rosée
S’anime et danse afin d’apprivoiser
L’aspic qui sait mordre mon cœur.
Son palais est une bulle transparente
Qui s’évanouit au moindre heurt.
Fée devenue loche,
Blanche orchidée devenue tarentule,
Réfugiée au plus profond d’une forêt grise.
Sous le treillis des branches givrées
Crépite un feu de châtaignes
Mais les pleurs visqueux du gui
Reconstitueront sa splendeur.
L’œil du hibou est son miroir,
La cupule du gland son dé à coudre.
Quand réapparaît la géode de paillettes et de rayons
Où s’étireront à nouveau ses membres délicats,
Le taillis s’éclaire d’une tremblante aurore.
Les portes tapent dans la maison vide,
Écho sonore de la crécelle qui grince
Dans le regard de la Toutebelle
Lorsque son ventre fleurit
Comme une bouche de poisson hors de l’eau.

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Comme j’ai besoin de « contraintes » pour avoir des idées et que jeudi  4 février c’est Jeudi Poésie chez Miss Aspho (avec « production personnelle »), voici la liste de noms communs que je vais essayer d’utiliser dans un poème.

50 mots  : sein – nuit – lune – chat – vie – fonds – étang  – noyé – suaire – brouillard -firmament – forteresse – rosée – aspic – cœur – palais – bulle – heurt – fée – loche – orchidée – tarentule – forêt – treillis – branche – feu – châtaigne – pleurs – gui- splendeur – oeil – hibou – miroir – cupule – gland – dé  – géode – paillette – rayon – membre – taillis – aurore –  porte – maison – écho – crécelle – ventre – bouche – poisson – eau

j’ai cherché loche que je ne connaissais pas

Tag « je lis donc je suis »

Tag repéré chez Syl  (fait un soir d’insomnie puis oubli du dit tag dans mon téléphone ;-))

Lectures de 2015 ou livres présents dans une des nombreuses listes que j’éparpille partout…

Décris toi… le cheval impossible – Saki (LAL)

Comment te sens-tu ? Entre ciel et terre 

Décris où tu vis actuellementil pleuvait des oiseaux (la pluie tape sur mon vélux comme autant de becs de pivert)

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais tu ? Uranus Marcel Aymé (pal)

Ton moyen de transport préféré ? Compartiment pour dame (repéré à la bibli)

Ton/ta meilleur(e) ami(e) …une amie prodigieuse Elena Ferrante (pal)

Toi et tes amis vous êtes…
Les Fous de bassan

Comment est le temps ? Un hiver à Paris.

Quel est ton moment préféré de la journée ? Pleine lune 

Qu’est la vie pour toi ? L’art de la joie (PAL)

Ta peur ? Vol au dessus d’un nid de coucou

Quel est le conseil que tu as à donner ? Écoute moi

La pensée du jour…
N’espérez pas vous débarrasser des livres Umberto Eco (Emprunté à la bibli )

Comment aimerais tu mourir ? Le jour avant Le bonheur 

Les conditions actuelles de ton âme ? Ligne de faille – Nancy Huston (LAL)

Ton rêve ? Eva dort (ben oui je fais des tags quand je suis insomniaque)

Si grenouille m’était contée….

J’étais tranquillement sur le bord de ma mare en marbre d’émeraude, juste avant ma petite brasse du matin, quand soudain mon bien-aimé Père entra dans la sacristie en criant « Sacrilège, sacrilège quelqu’un a dévoré mon missel ». Il tenait dans la main l’objet qui avait subit le sacrilège et je dois dire que la souris (qui à part une souris ?) avait  laissé des trous joliment déchiquetés dans ce missel.

Mais je mets la charrue avant les bœufs car je ne me suis pas présentée :  VERTUEUSE, (en un seul mot et sans trait d’union), grenouille de bénitier de confession athée ! je suis rentrée en religion par la petite porte, sans réelle vocation :   nous étions nombreux dans notre famille Téoutard, deux cents au bas mot……  deuxième d’une famille pléthorique, je me suis dévouée à la religion, comme dans toutes les famille nobles depuis les Batraciens. Mon aînée est noble reine, et je n’ai pas sa prestance ou son bagou. Moins belle et moins prolixe qu’elle (certains diraient moins mégalomane), j’ai embrassé la religion comme certains papes embrassent la terre, avec application et en toute humidité.

Contrainte par la dure réalité de la vie de trouver de quoi me nourrir, je n’ai pas fait ma grande bouche ou essayé de grossir comme dans la fable de l’ami de ma soeur ce Monsieur de la Fontaine. En parlant de fontaine, je vis dans un bénitier qui ressemble plus à la fontaine de Marcel Duchamps qu’à la fontaine de Versailles mais au moins le coin n’est pas surpeuplé et quand on a eu comme moi 200 frères et soeurs, on se trouve bien n’importe où pourvu qu’il y ait de la place.

J’ai fait mes classes vertes dans la belle paroisse des Saint innocents( (ligne  (RER)(A)(B)(D) (1)(4)  (7)(11)(14)) dont le patron Jean Baptiste (Grenouille comme moi ….un homonyme…..) apprit à survivre en respirant des pets de nonne…paix à son âme …..

Je porte ma croaaa. Je vous parais un peu longue ? mais c’est important de me connaître pour m’apprécier à ma juste valeur. Je ne suis pas bigote mais pas sotte non plus, le fait que je reste dans l’ombre de l’église m’a rendu verte si pâle que l’on ne me voit pas dans le bénitier : en plusieurs décennies dans cette église, je n’ai pas vu une seule apparition, un seul miracle, je suis donc devenue athée. Pas comme cette souris verte que j’ai très bien vue grignoter le missel l’autre jour, espérant que le dit livre se transforme en gruyère, peut être…..Tout ça pour en revenir à ce missel grignoté : encore une souris qui en fait tout un fromage  et qui va déclencher une chasse aux sorcières.

Je ne voudrais pas que ma longue confession vous lasse et vais donc abréger mon histoire  : Je n’irais pas cracher sur vos tombes et encore moins cracher dans la soupe mais cette aventure m’a donné l’idée d’un chant pour la chorale où je coasse  « le vert missel, c’est ce que je préfère …..après les nouilles à la basilic….. »

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projet 2016 52 nuances de verts (Sujet : animal)

Déjà la nuit en son parc amassait – Joachim du Bellay

jeudi-poesie

Déjà la nuit en son parc amassait

Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d’étoiles vagabondes,
Et, pour entrer aux cavernes profondes,
Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;

Déjà le ciel aux Indes rougissait,
Et l’aube encor de ses tresses tant blondes
Faisant grêler mille perlettes rondes,
De ses trésors les prés enrichissait :

Quand d’occident, comme une étoile vive,
Je vis sortir dessus ta verte rive,
O fleuve mien ! une nymphe en riant.

Alors, voyant cette nouvelle Aurore,
Le jour honteux d’un double teint colore
Et l’Angevin et l’indique orient.

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Déjà la nuit en son parc amassait – Joachim du Bellay

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Muse et Pégase, tableau d’Odilon Redon peint vers 1900.

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Elles ne se rendent pas compte – Boris Vian

– Il m’a pas volée, ce coup là. C’est de la bonne.
Elle se met à rire, d’un rire à vous rendre malade.
– Gaya… Qu’est-ce que tu as ? dis-je.
– Il m’a pas volée, répète-t-elle, pâteuse.
Je m’approche d’elle et je la gifle à la volée, pour la changer. Je jette un coup d’œil dans le lavabo. Non, elle n’est pas malade. Elle n’a pas bu. Elle ne sent rien. Ni l’alcool, ni marijuana.
– Fiche moi la paix, dit-elle.
Je la regarde de près. Elle a le nez pincé et des yeux comme des pointes d’aiguilles. La pupille complètement rétrécie. Ça me rappelle quelque chose. Je regarde autour de moi. Rien. Un de ses poignets est déboutonné. Je relève sa manche. Ça va, j’ai compris.
Il n’y a rien à faire pour l’instant. La coller dans son lit. La laisser digérer son truc. Morphine ou autre.
Parce que c’est ça qu’elle a sur le bras. Une bonne dizaine de petits points rouges, bruns ou noirs suivant leur degré d’ancienneté. Il y en a un tout frais. Une gouttelette de sang perle encore sur la peau.
Voilà. Une fille de dix-sept ans. Bâtie comme une Vénus de Milo avec bras – peut-être que vous n’aimez pas ça, mais alors, vous n’aimez sûrement pas non plus une belle jument bien balancée – une fille avec des cuisses, des seins et un corps comme on n’en trouve pas des douzaines, et une belle tête de slave, un peu plate, avec des yeux obliques et des cheveux blonds tout frisés.

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Elles ne se rendent pas compte – Boris Vian 

Cette histoire-là – Alessandro Baricco

cette histoire la

Épopée d’un homme ordinaire dans un XXème siècle peu ordinaire.Cette histoire-là est formidablement racontée par Alessandro Baricco.
Ultimo naît en 1898. Son père et sa mère sont fermiers, durs à la tâche dans une région d’Italie plutôt pauvre. Fragile, il manque mourir plusieurs fois avant ses 5 ans. Un jour, son père l’emmène voir une course fabuleuse, une des toutes premières courses automobiles, des bolides leur passent sous le nez dans d’un fracas et à un train inimaginable. Tous deux en sont émerveillés pour leur vie entière. Cela changera la vie du père, qui vend ses 26 vaches pour monter un garage dans un coin perdu où il ne passe aucune voiture : nous sommes en 1903…
Un certain comte D’Ambrosio s’arrêtera avec son automobile de 931 kilos et là aussi la vie sera changée.

Ultimo grandit et bascule dans l’âge adulte à 15 ans.
Dans la deuxième partie, plus opaque, on retrouve le soldat Ultimo Parri sur le front à Caporetto,  lors de la première guerre mondiale.
Le narrateur change et nous apporte une autre vision d’Ultimo avec en toile de fonds le carnage humain que furent ces 4 années.

La troisième partie est celle du journal d’une émigrée russe aux USA . Là aussi, Elisaveta nous décrit un autre Ultimo, 25 ans cette fois, silencieux et secret.
Et cela continue ainsi avec une partie où le narrateur est le frère d’Ultimo en 1947… Puis Elisaveta revient et rencontre le père d’Ultimo…..dans les années 50….
Au final, Alessandro Baricco nous emmène dans une longue balade avec de nombreux mensonges, rebondissements, fausses pistes, virages finement négociés, freinages brusques, sorties de route et belles voitures…..
J’ai beaucoup aimé la complexité du personnage d’Elisaveta, tour à tour amoureuse, méchante, cruelle, tenace, attachante, fragile et ….
Du grand art avec une fin à laquelle je ne m’attendais pas …
Tout au long du livre, une écriture fluide en lignes, courbes, virages et dos d’âne qui donnent envie de crier comme son héros : ULTIMO PARRI…

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Premier extrait : p 48
Le comte D’Ambrosio enclencha la vitesse, en se demandant ce qui, chez ce petit garçon, n’était pas normal. Il se le rappelait la veille, sous cette pluie, penché sur la bicyclette, sous l’enseigne G A R A G E : si absurde que cela puisse paraître, il y avait surtout lui, dans ce petit paysage : tout le reste était un pas derrière. Tout à coup l’idée lui vint qu’il avait déjà vu quelque chose de semblable, et c’était justement dans les tableaux qui racontent la vie des saints. Ou du Christ. Il y avait toujours des tas de gens, et certains pouvaient même faire des choses bizarres, c’était le saint qu’on voyait tout de suite, pas besoin de le chercher, ce que les yeux captaient en premier c’était le saint. Ou le Christ. Si ça se trouve je suis en train de trimbaler l’Enfant Jésus dans la campagne, se dit-il en riant tout bas : et il se tourna vers lui. Ultimo regardait droit devant, les yeux tranquilles, sans se soucier de l’air et de la poussière : sérieux. Il ne tourna même pas la tête, quand il dit à haute voix :
– Plus vite, s’il vous plaît.
Le comte D’Ambrosio recommença à s’occuper de la route et vit le dos-d’âne juste devant lui, absurde et évident, dans la paresse de la campagne. En d’autres circonstances, il aurait relâché l’accélérateur pour accompagner la bosse du terrain avec la force légère d’une inertie contrôlée. Ce fut avec un certain étonnement qu’il se surprit tel un gamin à mettre les gaz. Sur le talus, les 931 kilos du monstre de fer se détachèrent du sol avec une élégance qu’il avait gardé par-devers soi, secrètement, depuis longtemps. Le comte D’Ambrosio entendit le moteur rugir dans le vide, et devina le battement d’ailes des roues qui s’enroulaient dans l’air. Les mains serrées sur le volant, il lança un cri de surprise pendant que le petit garçon à côté de lui, avec une froideur et une joie tout autres, hurlait, curieusement, son propre nom, à gorge déployée.
Nom et prénom, pour être exact.
La voiture, ce fut Libero Parri qui dut venir la récupérer, avec la carriole et les chevaux. Ils la tirèrent jusqu’à l’atelier et il leur fallut ensuite travailler dessus une semaine. Pour voler, elle avait volé et bien. C’est après qu’elle s’était un peu désunie.

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Deuxième extrait (page 275) : le narrateur est le petit frère d’Ultimo
Et je vois le vert émeraude de l’herbe, la courbe douce d’une colline à peine esquissée, une vague rangée d’arbres fruitiers, le lit sec d’un petit cours d’eau, un tas de bois à couper, la clarté sombre d’un sentier, les dépressions inégales du terrain, un maquis de fleurs, le profil acéré d’un roncier, une palissade au loin, la terre remuée d’un champ abandonné, une pyramide branlante de bidons d’essence, des buissons qui ont poussé suivant un ordre mystérieux, une carcasse d’avion au soleil, quelques roseaux au bord du marais, le ventre d’un réservoir ouvert, l’ombre des arbres sur le sol, la souple descente en piqué des petits oiseaux sur l’herbe, la toile d’araignée des branches au milieu des feuilles, le reflet tremblant des flaques d’eau, beaucoup de nids légers, un calot militaire dans l’herbe, le jaune d’épis solitaires, une empreinte de pas toute sèche dans la boue du sentier, le pendule des tiges trop longues dans le vent, le vol de l’insecte incertain, la racine soulevée au pied du chêne, les tanières cachées de bestioles frénétiques, le bord dentelé de feuilles sombres, la mousse sur les pierres, le papillon sur un pétale bleu, les petites pattes recroquevillées du bourdon en vol, les pierres bleuâtres dans le lit à sec du ruisseau, la maladie qui brûle les fougères, le reflet vert sur le dos du poisson dans l’étang, la larme de sève sur l’écorce l’arbre, la rouille d’une faucille oubliée, la toile d’araignée et l’araignée, la bave de l’escargot et la fumée de la terre. Puis je vois les automobiles, flamboyantes. (p275)

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Challenge il viaggio chez Eimelle où le thème de janvier est « Italie contemporaine » (livre paru en Italie en 2005)

challenge italie

L’oiseau vert

oiseau vert

Site de Chantal Dufour

Mon ami est un splendide oiseau vert.
Il est le gardien de mes insomnies.
Je lui ai fait sa place à la maison.
La nuit, ce minuscule moineau me raconte des histoires.
Et le jour ? il part dès l’aube, battant de ses plumes bleu-vert.
Je lui confie une mission et il n’a de cesse – à tire d’aile – de m’apporter une réponse.

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La nuit venue, quand le sommeil fuit, l’oiseau vert chuchote à mon oreille.
Il se perche sur ma boucle d’ oreille et me raconte tempêtes et éclaircies fabuleuses, mélodies syncopées et mélancoliques, là où l’herbe est plus verte qu’ailleurs..
Je lui ai confié : une collecte des plus beaux paysages verts, le soin de m’expliquer la poésie des mots….
Après sa visite nocturne, il est parti ce matin chercher l’étymologie de 80 mots, mon Babeloiseau, passe-partout rêveur.
Dans son jabot, les mots débordaient et je me suis sentie un peu coupable de ce poids sur ce poitrail émeraude.

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La nuit venue, quand le sommeil fuit, l’oiseau vert chuchote à mon oreille.
Il se perche sur ma boucle d’ oreille et me raconte ses découvertes.
Dans sa joie des recherches, il a perdu quelques mots qui ont fini éparpillés.
Il me susurre : l’étymologie de « Farandole » est incertaine : provençal, catalan ou espagnol ? Puis son petit coeur bat rapidement et il lâche sans presque respirer :
« Mon périple m’a emmené aux Pays-Bas où un pingouin néerlandais se baladait en british smoking, je suis passé par la Grèce avec un calme olympien si ce n’est olympique, en Italie en dilettante sur la place Navona…..à Tunis? almanach et feuilles volaient, les jours s’envolent et la chaleur du printemps ne revient pas. En Belgique, j’ ai croisé un flamant rose qui m’a dit Wassingue et travlingue sont des mots qui vont très bien ensemble….. »
— Faire de la poésie avec wassingue? dis je étonnée. Et serpillière aussi ?
– Et pourquoi pas , j’ai entendu un poème où la nuit est éponge, a-il rétorqué du tac au tac.

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Mon ami est un splendide oiseau vert.
Il est le gardien de l’agacement de mes insomnies.
La nuit venue, quand le sommeil fuit, l’oiseau vert chuchote à mon oreille.
Il se perche sur ma boucle d’ oreille et me raconte ses découvertes.
Je l’envoie de par le monde et il me rapporte un petit cadeau à chaque fois, simple témoignage de sa gentillesse, du pur plaisir : Du vert à lèvres, de la terre orange des mines du Lubéron pour mon visage, des boucles d’oreille pour mieux se percher mon enfant…

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Parfois, il oublie sa mission et rapporte ce que je ne lui avais pas demandé : mais je ne peux lui reprocher son manque de motivation….. tout au plus une cervelle d’oiseau …..

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Les plumes chez Asphodèle et projet 2016 52 nuances de verts sur la sujet « Peinture » (Geneviève aussi a écrit sur « peinture verte » ici)

Jour, gentillesse, motivation, coupable, fer, almanach, visite, éparpillement (transformé en éparpillé), dilettante, farandole, insomnie, maison, passe-partout, plaisir, poésie, éclaircie, tempête, mélancolique, serpillière, agacement, chaleur, respirer, minuscule et syncopé.

Et quelques mots de la deuxième liste 😉

Humeur, inspiration, content, liberté, aube, procrastination, pingouin, mélancolie, oiseau, famille, olympien, linge, fantaisie, pédestre, coeur, passé, wassingue (serpillière en flamand et c’est dans le Larousse 2015), diaporama, bonheur, pandiculer, majuscules et essorer.

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Elles ne se rendent pas compte – Boris Vian

Je vais à vingt milles à l’heure à peu près et ça fit déjà du bruit, sur la flotte. Pour retrouver l’entrée du canal, il faut que je parte dans le mauvais sens, l’entrée est en face de l’île Théodore-Roosevelt – et sur le canal, attention aux péniches, ces andouilles-là en collent tout du long, tirées par des chevaux, pour des promenades, à quoi ça ressemble, je me demande.

Je réfléchis à ma pénible situation. Me voilà avec la police fédérale aux fesses, c’est normal, d’ailleurs, puisqu’il s’agit d’une affaire de drogue, mais, bon Dieu, pourvu qu’ils n’aillent pas voir là-dedans une rapport avec le Chinetoque…Décidément, je suis mal embarqué.

Voilà l’entrée. La barre à bâbord toute ! Kane junior file comme un vrai petit cheval marin et le moteur ronronne à croire qu’on lui a collé toute une assiette de crème Chantilly devant le nez.

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Elles ne se rendent pas compte – Boris Vian