Poètes sur le fil….

Poètes sur le fil

J’en ai connu plusieurs des poètes sur le fil (intérieurement je les appelle des filambules).

Mon père, tout d’abord. Filatéliste, timbré de petits rectangles à dents – qui n’ont pas besoin de fil dentaire – il savait rendre poétique un centimètre carré, surtout sa Muse Marianne.

Ma mère qui, du fonds de la ferme familiale, me dit une fois en terminale : « j’ai une poule qui fit le z’oeuf » quand j’essayais une fois de lui expliquer qui était Merle au Ponti et les autres filosofes.

Incomprise de ma parentèle, je décidai, un jour à l’aube, de partir vivre ma vie de poétesse et enfilai un fuseau, un pull en poil de lama et mes pantoufles de fer : « un pantoufle de ferpoète se doit d’être écorché », fis je en agitant un mouchoir de batiste, tremblotante sur mes talons aiguilles.

Je partis la laine fraîche à la découverte de la grande ville et de son tissu urbain. Il fallait voir ce qui se tramait dans le Charleville-Mézières de la fin des années 80….

J’étais aussi à l’aise qu’un quenouille filant sur son nénufar et je déclamais des vers de mon inspiration : « Poétesse amfilbie je suis aussi à l’aise sur un fil dans les airs que dans une file d’attente sur la terre ferme ».

Au cabaret vert 5 heures du soir, je rencontrai d’autres poètes qui, comme moi, essayaient de ne pas perdre le fil harmonique de leur inspiration à la fois si féconde et si fragile.

Nous dévidions notre pelote de concert, (pelote ardennaise et non basque – note pour Marie-Jo). Nous avions Arthur Rimbaud pour modèle, quoique Vert-laine en connaissait une rayonne sur les fils (moins sur les filles, nul n’est parfait).

Une mamie, filentrope, nous avait pris en affection et nous gorgeait de filets mignons, d’haricots verts sans fil, de cigarettes sans filtre et de philtre sans amour… Elle disait « un poète fait fil de tout bois » et nous approuvions comme un seul homme, même les filles.

De tous les poètes que j’ai rencontrés lors de ma jeunesse, je me rappelle bien de Dermo Fil Indien, qui nous faisait danser la javanaise. Mon ami Lucky (Luke un autre fil en bulles) me soufflait à l’oreille que c’est le fil qui chante et qu’importe le lin pourvu qu’on ait la caresse. Serge  avait un poil de lama ou un poil dans la main, je ne sais plus trop. Hugo de Jersey nous chantait l’exil (qu’il appelait l’exfil : un léger défaut de prononciation dont il n’arrivait pas à se débarrasser. Il disait : O poète j’ai un fil de soie sur la langue (ou parfois j’ai un cil de toi sur la mangue : un brin filexique le Hugo))

Puis les bannières de mai furent chassées par les étoiles filantes qui apparaissait furtivement les soirs d’été. Les sanglots longs de l’automne laissèrent la place au spleen rêvé pour l’hiver…. Je grandissais ou filais un mauvais coton c’est selon.

Notre bande de poètes s’est dissoute un soir où la lettrine d’un de nos textes (police Arial sans certif si ma mémoire est bonne) s’écria : mais que fait la police ?
– Elle file la métaphore répondit notre muse Filomène qui avait de la suite dans les idées (on verra où ça l’a menée)….

Nous nous sommes perdus de vue la bande des poètes, copains de chanvre, chacun essayant de mener sa barque du mieux que possible, au fil de l’eau.

Depuis peu, j’erre sur Facebook de fil d’Ariane en fil d’actualité pour retrouver mes joyeux compagnons de vers. Nulle part, je ne trouve leurs bobines : Dermo, Hugo, Luke et Serge …

Un jour, j’ai reçu un mail de Filomène qui m’a dit avoir renoncé à la poésie pour une carrière dans le film (….alimentaire fit-elle après une pose): j’ai eu le job grâce à mon sexe à fil…..Et toi que deviens tu ?

Je répondis : Je suis devenue technicienne : je câble des bureaux, des fils rouges sur des prises rouges, des Fils verts sur des prises vertes, des petit trous dans les murs…

– Et la poésie ?

– J’écris des poèmes pour la RATP : des poèmes sur l’écheveau des lignes de métros, je m’emmêle dans le nom des stations … Dans mes poèmes amateurs, la station des Gobelins fait tapisserie, saint Filipe du roule n’amasse pas mousse, le filiculaire de Montmartre s’enroule et s’effiloche …La vie de Pinocchio à la Porte de Pantin ne tient qu’à un fil…filomene

Et c’est ainsi, tous poètes de 20 ans que nous fûmes, nous sommes devenus des poètes du dimanche et des travailleurs barbants…..sur le fil du rasoir.

FIN FIL

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NB : Poème retrouvé dans la boîte hermétique de la fusée « Fil d’Ariane » – décembre 2280 – D’après d’éminents chercheurs, ce poème daterait de 2020, année de la réforme de l’orthografe supprimant le Ph, votée à l’assemblée sur le fil (à deux  voix près)

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Pour les personnes aimant jouer 5 titres de poèmes d’Arthur Rimbaud sont à trouver : Pourquoi cette énigme ? Et bien pour vous donner du fil….à retordre….

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Ma participation à l’agenda ironique d’avril avec pour thème « sur le fil » (organisateur Carnetsparesseux)

44 réflexions au sujet de « Poètes sur le fil…. »

  1. Ping : Suivre les fils du fil d’avril (agenda ironique) ! | Carnets Paresseux

  2. C’est de mieux en mieux Val, digne fille de Charleville et héritière de Rimbaud ! Waouh ! Je n’ai même pas remarqué les titres des poèmes d’Arthur (enfin plus ou moins) tellement on se laisse prendre par ton histoire ! Dis donc tu en avais de drôles de fréquentations à la fin des années 80 !!! 😆 « Au cabaret vert » ? « Les poètes de vingt ans » pour « Les poètes de sept ans » ? « Au fil de l’eau » ? « Les étoiles filantes » ? Mais hormis Au cabaret vert, je ne me souviens pas de tous les titres ! Je disais ça au hasard ! Bravo en tous cas, c’est ébouriffant ! Bises ;)…

  3. Comme titre, j’ai trouvé « Spleen », mais c’est de Baudelaire !
    « Bannières de mai » , c’est bon ?

    Laisse-moi te dire que je suis époustouflée par ta faculté à « faire feu de tout bois » et à intégrer les contraintes les plus incroyables…tout en nous amusant..

    Je te « file » une excellente note…bien sûr
    et je conseille à tous les « compagnons de vers » du Web de venir te lire pour oublier leurs « travaux barbants » et passer un bon moment…! 🙂

  4. J’adore !
    Les pantoufles en fer, ouille, ça c’est une trouvaille…!
    Humour, jeux de mots en cataracte et explosion d’idées. C’et impossible à commenter un texte pareil…C’est un peu comme commenter un feu d’artifice…
    ¸¸.•*¨*• ☆

  5. je ne vais pas jouer, par manque de temps, mais j’ai adoré ce récit.
    J’aurais pu faire partie de ceux qui se retrouvaient chez votre philanthrope, la nôtre s’appelait « madame Canard »… mais je me demande aujourd’hui si c’était son nom ou celui que nous lui donnions entre nous.
    Merci pour ce partage, Valentyne. C’était un bon moment d’évasion.

      • Ah… ça buggait ?
        Ici, je ne laisse jamais mon adresse de blog, car sinon, mes commentaires ne sont pas pris… Mystère de WP.
        Je n’ai rien trouvé dans les indésirables d’Akismet.
        Je suis désolée…
        Merci pour tes pensées. Ça fait chaud au coeur.

  6. J’ai bien rigolé en tout cas tu as toujours la verge facile comme un fil amant.
    À l’Université de Vincennes l’Amphi Lad est en grève les gays sont à nuit deux bouts (c’était trop facile) et les jument paissent.
    Hein !
    Ben oui; mon ami Dendron à perdu le fil, il erre. Non, non pas aire mais sans fil. Un autre est malade et l’on suppose que si Phil is tic c’est pas forcément la faute à ces cons d’hommes.
    D’être Anglo fil me coûte un bras, en un pot, tout comme d’être fil Ibère.
    Bon je me tire, je file au chais.
    Filou.
    Pardon bisou.

  7. Ping : Lire, relire et élire le fil d’avril (agenda ironique) | Carnets Paresseux

  8. Bon je ne vais pas détortiller tout ça mais la pelote a le goût du rire ! j’ai adoré, comme toujours, tes mots filent (hémophile)( bon je sors dès que j’ai fini ma phrase) à la suite des uns des autres et j’en rigole encore 😀

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