Na !

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Jeudi, suite à un commentaire de Jacou sur le billet de collecte des plumes, je décidai d’agir et de me rendre dans le monde  des À (un livre de SF américain traduit par Boris  Vian)
Je me souvins que j’avais commandé il y a deux ans un décompositeur  de textes qui était tombé rapidement en panne. J’ai donc branché les alluchons sur mon vélo voyageur de temps et j’ai donné un coup de pédale digne d’E.T. pour rentrer à la Maison.
Comme toujours le voyage dans les airs  fut  fabuleux, le ciel couchant était couleur ambre et nul ne vint troubler mon voyage. Comme toujours l’atterrissage fut un peu douloureux pour les rotules mais passable. L’engin semblait en état de repartir après ce périple. Cette île se situe – si mon GPS ne me joue pas de tour – au centre approximatif de la Mer rouge. Et c’est bien là que mon voyage tourna au cauchemar : sur cette île tout était rouge, il n’y avait pas la moindre once de vert : l’herbe était rouge, les palmiers rouges, le sable était manifestement chargé de fer ! La mer était vermillon. Je me suis sentie d’un coup comme étranglée : le vert me manquait, je suffoquais.
Soudain dans mon début de malaise j’entendis des pas. Allongée sur le sable rouge, je pris tout de même la photo de l’autochtone qui me vint  en aide :
boule de soif
– Bienvenue sur l’île des nanas ! me fit la jeune femme.
Je m’appelle Boule de soif, nous t’attendions, ajouta-t-elle en souriant.
La dénommée Boule de Soif s’agenouilla, se pencha vers moi  et me fit m’abreuver  : je ne sais ce qu’il y avait dans ce nectar mais quel goût alléchant, fruité, revigorant. Requinquée je me remis debout et partit à sa suite.
Passé le premier choc de  cette absence presque totale de vert (il y avait quand même quelques cactus verts auxquels se raccrocher ) j’arpentais l’île avec bonheur avec mon hôte : je reniflais les fleurs de calamine (1), tendais la main pour attraper des ananas sanguins, des abricots écarlates et des tomates cerise mûres à point . Sucrés à coeur, ces fruits me faisaient tourner la tête : la soif ne me quittait plus et je picorais encore et encore sous l’œil amusé de Boule.  J’écoutais le chant des rouge-gorge et celui strident d’un nara  (ainsi appelait Boule de Soif une sorte de perroquets magenta),
Car le parler de mon hôte était pour le moins étrange : elle avait un petit accent sur tous les mots commençant par À et cela donnait un nara au lieu d’un ara.
Au bout d’un moment je ne prêtais plus attention à cette caractéristique de langage :  les abeilles  me bourdonnaient aux oreilles, j’étais bien dans cette île sans automobile (pas de N d’accent tonique sur les noms au pluriel un navion, des avions, le navion, une nautomobile, des automobiles, la nautomobile)
Les bras de Boule de soif  s’agitaient en parlant en moultes arabesques (une narabesque, des arabesques, la narabesque)
Elle me prit par le bras en m’appelant son namie et nous partîmes à la rencontre de ses deux sœurs Nana Conda, Nana Morphose,
Les deux autres sœurs m’accueillirent l’une avec un noeillade et l’autre rangea son narbalète pour le serrer dans ses bras (ouille tant d’amitié me fit quelques picotements mais je ne voulais pas les froisser). J’avais dû me tromper  (espèce d’ahurie me dis-je dans mon for intérieur) dans le réglage  du GPS. Mais pourquoi râler de ne pas me retrouver dans le monde des À mais dans celui des « na » l’ambiance n’avait rien à y envier.
Quand vint le moment de les quitter après une journée très active, les trois sœurs me raccompagnèrent à mon vélo. Un nara y avait élu domicile et refusait de me rendre ma place . Azimuté, il chantait à tue tête « Les nanas c’est comme ça, même si elles sont plutôt nunuches, même si elles sont plutôt neuneu, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe namoureux d’elles ». (2)
Quand j’essayai de le déloger, il se mit à hurler « Marre de cette Nana, là ! marre de cette nana là….Vive la nanarchie » (3)
Ravie de monter mes progrès dans la langue, je dis à Boule de soif : aurions nous une « petite » erreur de casting, une nanomalie ?
 !
Les mots collectés par Asphodèle:
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Abeille, arabesque, ambre, arpenter, automobile, abricot, actif, azimuté, s’agenouiller, anamorphose, aimer, accroche-coeur, ajouter, affirmativement, approximatif, alléchant, ambiance, ahuri, agir, abreuver.
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je n’ai pas mis  affirmativement
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52 nuances de vert avec pour thème l’absence
(1) L’arrache-cœur de Boris Vian
(2) L’attrape-cœur de JD Salinger. La vraie phrase est « Les filles c’est comme ça, même si elles sont plutôt moches, même si elles sont plutôt connes, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe à moitié amoureux d’elles. »
(3) L’accroche-cœur Pantabruélique (à paraître Valentyne)
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