La fabrique des salauds – Chris Kraus

1er chapitre : Un homme, Koja, la soixante est dans un hôpital : il sait qu’il n’en ressortira pas : il a une balle dans la tête, inopérable et qui peut le tuer à tout moment.
Son voisin de chambre est également très malade, un hippie d’une trentaine d’années.
Le vieil homme commence à raconter sa vie depuis sa naissance en 1909 en Lettonie.
Il est d’origine allemande, sa mère est d’une famille noble, son père est peintre de renom. Il a un frère plus âgé que lui de 4 ans. Lorsqu’il a dix ans, ses parents adoptent une petite orpheline, Ev.
Dans ce pavé de 1100 pages, qui nous fait traverser le XXème siècle, je ne me suis pas ennuyée une seconde. Koja est passionnant dans le fait de raconter l’histoire de sa famille. Il se met en scène, lui, son frère et sa sœur adoptive (dont les deux frères sont totalement amoureux)
Lors de la montée du nazisme, les frères font des choix qui vont changer leur vie : Hubert l’aîné devient SS, suivi par Koja. Ev, elle devient médecin.
Ce livre, époustouflant et très documenté, nous raconte l’époque de 1910 à 1970.
Koja a une vie très remplie où il sera espion (agent double ? Triple ?).
Les personnages et faits réels sont nombreux : notamment la fuite , (ou l’enlèvement de Otto John, qui a fait partie du groupe qui a essayé de tuer Hitler), à l’est, est un épisode passionnant.

Un pavé impressionnant et que j’ai eu du mal à poser le soir d’autant que je suis allée fréquemment me documenter sur les différents faits relatés en particulier celui sur l’amnistie des criminels de guerre, en 1968)

Un extrait

Je sortis docilement mon carnet de croquis de la poche de mon uniforme, pris un crayon et commençai par les yeux. Il faut toujours commencer par là : beaucoup de gens qui ne savent pas dessiner croient à tort qu’on peut commencer par les traits du visage ou par le nez, alors que c’est le début de la fin. Je dessinai des yeux de hyène, car Himmler avait un rire de hyène, un rire perçant qui s’arrêtait net. Il avait de minuscules dents, mais ces dernières allaient devoir attendre. Sous les yeux, je plaçai un groin, un beau groin de cochon, et sous le groin, une moustache, et sous la moustache, une gueule ouverte et toute tordue, comme un museau de vache, dont je fis sortir un peu de foin. Pas de menton pour Himmler, car il n’en avait pas, les oreilles devinrent celles d’un ouistiti, et pour finir, au moment de choisir la silhouette, après avoir hésité entre la carpe et l’hippopotame, je me décidai pour le bon vieux porc domestique, avec ses grosses bajoues. 

Challenge les feuilles allemandes chez Eva et Patrice et chez Livr’escapade

Chez Antigone