L’amie prodigieuse – Elena Ferrante

amie prodigieuse

LC avec Noctenbule

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« Lila apparut dans ma vie en première année de primaire, et elle me fit tout de suite impression parce qu’elle était très méchante ».
Voici la première émotion que ressent Elena quand elle rencontre Lila pour la première fois. Et il faut dire que la fameuse Lila est un phénomène. Elle jette la poupée d’Elena, répond aux professeurs à l’école, fait les quatre cent coups. Mais aussi quelle amie pour Elena. Car Lila, si elle peut être « méchante » peut aussi être lumineuse, attentive, passionnée. Les deux fillettes finissent par ne plus se quitter à l’école primaire. Elles sont nées au milieu des années 40 à Naples, dans des familles et un quartier pauvre. LiLa est surdouée à l’école, Elena est bonne élève, studieuse mais sans réel génie. Pourtant au moment de passer le concours pour rentrer au collège, le père de l’une accepte et celui de l’autre refuse. Toutes les portes de l’éducation se ferment pour Lila, la surdouée, alors qu’elles s’ouvrent pour Elena : collège puis lycée avec latin, grec, anglais pour l’une et travail dans la cordonnerie familiale pour l’autre.
Je me suis laissée embarquer par cette histoire et puis ce titre fabuleux : « l’amie prodigieuse » . Qui est elle, cette amie ? Lila la rebelle ? ou Elena la réfléchie et un peu effacée ? certainement les deux.
Que de rebondissements dans la vie des deux fillettes, de leurs 6 ans à leur 16 ans : la misère, l’école, les pères qui battent les mères, les grands frères qui régentent les soeurs, les camorristes, un assassinat…. la vie est dangereuse à Naples dans les années 50 mais les filles restent proches l’une de l’autre, partagent des rêves d’écriture, de richesse, d’ascension sociale, de fiançailles….

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Et puis, j’ai bien aimé le procédé narratif choisi par l’auteur : Elena décide, à 70 ans, d’écrire sur son enfance et sur son amitié avec Lila. On sait donc dès le début que les deux amies vont vivre au moins jusqu’à 70 ans, avoir des enfants … ce qui n’est pas négligeable car j’ai lu sereinement ce livre et sans crainte (crainte par rapport au livre précédent que j’ai lu où un de mes personnages préférés meurt dans la fleur de l’âge….)

deux extraits :

Le 31 décembre 1958 Lila a eu son premier épisode de « délimitation ». Le terme n’est pas de moi : c’est elle qui a toujours utilisé ce mot, en en détournant le sens normal. Elle expliquait qu’en ses occasions, les limites des personnes et des objets semblaient soudain s’effacer. Quand cette nuit-là, sur la terrasse où nous fêtions l’arrivée de 1959, elle fut brusquement envahie d’une sensation de ce genre, elle prit peur et garda cette expérience pour elle, encore incapable de lui donner un nom. Ce n’est que des années plus tard, un soir de novembre 1980 – nous avions alors trente-six ans toutes les deux, étions mariées et avions des enfants -qu’elle me raconta par le détail ce qu’il est arrivé ce jour-là, et ce qui lui arrivait encore : c’est alors qu’elle eut recours à ce terme pour la première fois (page 109).

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Elle était en train de vivre ce phénomène auquel j’ai déjà fait allusion et que, plus tard, elle appela la « délimitation ». Ce fut comme si, me raconta-t-elle, par une nuit de pleine lune sur la mer, la masse toute noire d’un orage s’avançait dans le ciel, et supprimant toute clarté, abîmait la circonférence du cercle lunaire et déformait le disque brillant en le réduisant à sa véritable nature de matière brute et privée de sens. Lila imagina, vit, sentit – comme si c’était vrai – se briser son frère. Devant ses yeux, Rino perdit la physionomie qu’il avait toujours eu, d’aussi loin qu’elle se souvienne, celle d’un garçon généreux et honnête, avec ses traits agréables inspirant confiance, le profil aimé de celui qui depuis toujours, depuis qu’elle avait une mémoire, l’avait amusée, aidée et protégée. Là, au milieu de la violence des explosions, dans le froid, la fumée qui brûlait les narines et la forte odeur de soufre, quelque chose attaqua la structure matérielle de son frère, exerçant sur lui une pression tellement intense que ses contours se brisèrent et que sa matière se répandit comme un magma, révélant à Lila de quoi il était réellement fait. (P 225)

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En conclusion : un tome 1 enthousiasmant.

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26 réflexions au sujet de « L’amie prodigieuse – Elena Ferrante »

  1. Je viens de le finir. Une belle histoire d’amitié mais je regrette que les prèoccupations adolescentes prennent le pas sur le contexte de l’Italie. Peut-être un peu trop romanesque pour moi.

  2. Tu donnes envie de le lire; j’aime ces livres où les sentiments se colorent de mille nuances, souvent subtiles et incompréhensibles pour les personnages, avec aussi ce lien qui garde les êtres proches malgré les aléas de la vie.

  3. Ping : L’amie prodigieuse – Tome 1 : Enfance, adolescence – Elena Ferrante | 22h05 rue des Dames

  4. Oui enthousiasmant, en effet, et la suite l’est davantage ! Ce premier tome et le suivant ont été pour moi des coups de cœur. L’auteure excelle à évoquer cette amitié particulière qui unit les deux fillettes, une amitié très ambiguë, parfois toxique, faite d’un mélange d’admiration, d’émulation, de jalousie. Une saga dont l’histoire prend toute son ampleur dans le second tome…

    • J’espère que ma bibli va se procurer la suite …
      C’est vrai qu’à un moment j’ai cru que leur amitié allait devenir « toxique »comme tu dis …
      Bonne journée 🙂

    • Coucou Mind
      J’ai même lu quelque part qu’il y en aurait 4 : 2 déjà traduit en français , 1 paru en italien et non encore traduit et un en cours d’écriture …

      Bonne journée 🙂

  5. Que d’enthousiasme en effet autour de ce livre et de ses suites. J’ai vu que l’auteur (qui se cache, on ne sait même pas si c’est un homme ou une femme…) est nommée pour le tome 4 au Man Booker International Price.

  6. Ping : Bilan Lectures 2016 | La jument verte

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