(préface)
Le nouvel état du Congo
Est destiné à être un des plus
importants exécutants de l’œuvre
que nous entendons accomplir ….
Le chancelier Bismarck
En clôture de la conférence de Berlin
Février 1885
Dans le premier chapitre de ce livre, l’auteur nous présente son anti-héros avec beaucoup d’humour : Isookanga, 25 ans, est un pygmée (en vrai c’est un demi-pygmée : sa mère aimant les hommes de plus de 1,75 mètres, Isookanga est trop grand de 10 centimètres pour être un pygmée mais trop petit de 20 centimètres pour être considéré comme un adulte)
Isookanga vit dans la forêt du Congo jusqu’à ses 25 ans (toléré par un oncle qui le « bassine » avec les traditions). Isookanga ne veut qu’une chose aller « faire la mondialisation ».
Et pour cela il n’hésite pas à partir à Kinshasa se faire passer pour son ami. La famille urbaine de celui-ci se rend compte de la supercherie (trahi par sa taille Isookanga !) et le chasse. Il se retrouve au sein des enfants des rues, les shégués.
Fan de jeux vidéo, Isookanga idéalise la société moderne, Google, les multinationales, les hélicoptères….Il trouvera un associé chinois, paumé lui aussi, dans ses projets de devenir riche.
Voilà pour la présentation rapide du début. Après un chapitre très drôle, l’auteur nous emmène vers la dure réalité de ces shégués…avec l’histoire terrible de Shasha, jeune fille de 14 ans, et de ses petits compagnons… Les personnages deviennent nombreux. S’ils sont très bien campés, la plupart sont antipathiques que ce soit l’ancien soldat, le révérend Monk, le casque bleu dont j’ai oublié le nom… Pauvre Afrique (je l’ai déjà dit dans ma précédente chronique…si riche et si pauvre …)
L’auteur nous entraîne donc entre réflexions humoristiques avec Isookanga et terribles réalités de ce pauvre pays, proche du Rwanda et de ces « purifications ethniques », et où 20 000 enfants vivent dans les rues, abandonnés de tous…très dur mais aussi drôle….quand on ne s’y attend pas…puis terrible quand on ne s’y attend pas
Finalement les victimes se retournent contre leurs persécuteurs et se montrent aussi cruels qu’eux…comment leur en vouloir ? mais alors ces atrocités n’auront jamais de fin ?
En conclusion : un livre où on passe en un rien de temps du rire aux larmes et vice versa….
Un extrait :
L’Eglise de la Multiplication divine, légalement reconnue par ses propres statuts, ne désemplissait pas. De par son intitulé et dans un pays frappé de pénuries de toutes sortes, la multiplication de ce qu’on pouvait avoir – mille francs congolais, une femme, un moulin à manioc – représentait un enjeu des plus importants et le révérend Jonas Monkaya était le démiurge qui saurait attirer les bénédictions par des prêches et des invocations fracassantes. Le révérend Monkaya possédait un atout de taille : il avait jadis côtoyé le milieu du spectacle. Il avait été catcheur, sous le surnom du Monk, qu’il devait à un musicien américain nommé Thelonius Monk dont il était le portrait craché. On l’appelait aussi Révérend Monk parce que, à l’époque où il fréquentait les rings, affublé de la mitre et de la crosse cléricale, on l’avait vu bénir d’un signe de croix ses adversaires avant de les trucider. Un beau jour, le Monk s’était présenté dans une église connue et avait exhibé ses grigris et fétiches. Devant des fidèles médusés, il avait confessé publiquement qu’il laissait tomber le catch et la sorcellerie pour se consacrer à Dieu. Il avait aussitôt été incorporé au sein de l’église et bombardé diacre. Après une année passée à étudier le marché et les ficelles du métier, il s’était dit : « Si je parviens à persuader en un rien de temps des nanas comme celles que je me tape, je dois bien pouvoir vendre du paradis artificiel à des clients moins drillés que mes conquêtes ». Après des galas organisés en cachette dans le Katanga, en Zambie et au Zimbabwe, il avait touché une bourse importante. Jonas Monkaya avait alors acheté au fin fond de Ndjili une boîte de nuit désaffectée qu’il avait retapée et ouverte sous la dénomination : Eglise de la Multiplication divine. Mais si l’homme avait un sens certain du marketing, il avait surtout du bagout, il savait comment baratiner Dieu. Plus d’un parmi les fidèles avait profité de son intercession. (Page 144)
Challenge lire sous la contrainte de Philippe . La contrainte est « titre avec le nom d’un personnage connu, vivant ou mort, réel ou fictif. »
Challenge « lire le monde » de Sandrine pour le Congo – Son avis ici
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