La fiancée américaine – Eric Dupont

La fiancée américaine – Eric Dupont

Il y avait longtemps qu’un roman ne m’avait pas enthousiasmée de la sorte !

Au début du roman, l’action se déroule au Canada en 1957. Louis (surnom Cheval) Lamontagne a 40 ans, sa femme Irène est une femme très pieuse et avare, ils élèvent leurs trois enfants, Madeleine, Marc et Luc. A l’aide de quelques gins, Louis raconte l’épisode de sa naissance en 1918 quelques mois après la fin de la guerre. Le mariage de son père avec la fameuse fiancée américaine est très bien racontée. Un scène d’anthologie, un 25 décembre, dans une église à Rivière-du-loup m’a fait à la fois rire et pleurer.

Plus tard, Madeleine, la fille  du Cheval, met au monde des jumeaux (un des points forts du livre est d’ailleurs que l’on croit connaître le père des jumeaux pendant 500 pages et que le père n’est pas celui qu’on croit, comprenne qui pourra ). Chacun des jumeaux a une personnalité attachante : Gabriel qui est presque une réincarnation du Cheval tant il est fort et naïf et Michel le ténor qui ne vit que pour la musique.

Les frères échangent des lettres à la fin des années 90. A Berlin, Gabriel rencontre une vieille femme Magdalena Berg (homonyme de Madeleine Lamontagne). Magda lui raconte son enfance dans la Prusse des années 30 puis la guerre à Berlin (une histoire passionnante). 

Une épopée fabuleuse des années 1918 à la fin du siècle que je recommande chaudement (920 pages tout de même avalées en quelques jours). Le roman est plein d’humour et subtil dans sa description des relations humaines (désir, jalousie…), parfois des scènes de « réalisme magique » font plus que douter d’être éveillé.   

Un extrait page 90 : 

Floria était en larmes sur le porche de la maison. Depuis l’âge de dix-huit ans, elle n’avait pas manqué une seule édition de la St Lawrence County Fair, toujours elle avait trouvé un moyen de s’y rendre, soit dans le camion du vieux Whitman, soit par car, mais jamais elle n’eût accepté de mettre une croix sur l’événement. Mais où restait donc le vieux Whitman ? Au moment où tout semblait perdu, les sœurs Ironstone entendirent vrombir et crachoter le moteur du bonhomme.

– Désolé du retard, ladies, mon Adolf était récalcitrant. C’est un grand nerveux, un signe de caractère.

– Mr. Whitman !  Il est vraiment énorme, votre Adolf !  Vous ne rentrerez pas les mains vides, cette année, j’en suis certaine ! Vous avez vu cette jupe ? C’est maman qui l’a faite!

– Pas mal, mais pourquoi en rouge ? On te voit à dix milles à la ronde !

– Oui, je ne risque pas de passer inaperçue !

Le camion s’était immobilisé devant les deux jeunes femmes endimanchées, maintenant rayonnantes dans le petit matin. Derrière les ridelles les contemplait d’un œil noir et curieux un veau surdimensionné, élevé  au petit grain, engraissé avec soin, dans lequel reposaient tous les espoirs de Whitman en ce samedi d’août 1939. Admirateur de l’Allemagne nazie depuis la première heure, le bonhomme Whitman avait baptisé son veau en l’honneur du führer, dont il avait même épinglé la photographie au-dessus de la stalle et de l’enclos dans l’espoir que le regard directif du dictateur opérât sur la bête une magie semblable à celle qui avait sauvé l’Allemagne de l’indigence et de la famine. Ses espoirs furent comblés au-delà de ses rêves les plus fous. La bête profita, grossit, transforma bravement en muscles tout le grain et le foin qu’on trouva pour elle, son poil prit le luisant qu’on connaît aux bêtes qui rapportent des rubans et l’animal, par quelque inexplicable phénomène de transsubstantiation, avait le regard de celui dont il portait le prénom : le veau avait l’air de vous regarder au fond de l’âme avec une tendresse épuisée, un je-ne-sais-quoi de candeur alpine qui avait convaincu le bonhomme Whitman que la gloire l’attendait au tournant ; il rentrerait le soir même brandissant le ruban tricolore de la St Lawrence County Fair. Oui, la discipline et le don de soi permettent  tous les espoirs, l’État de New York en aurait bientôt la preuve.

– Il voit aussi loin que le führer ! avait tonné Whitman en fermant la portière de son camion Ford.

 

Le mois de novembre est québécois chez Yueyin et chez Karine

29 réflexions au sujet de « La fiancée américaine – Eric Dupont »

    • Les 900 et quelques pages c’est la version poche, peut être moins en grand format ?
      En tout ça je n’ai pas vu le temps passer (il faut dire que j’ai eu deux trajets en train de 5h00 chacun :-))
      Bonne lecture Syl 🙂

    • Il y a plusieurs époques , plusieurs histoires, plusieurs personnages auxquels on s’attache , du coup c’est aussi facile de faire des pauses au milieu de la lecture 🙂
      Bonne soirée Enna 🙂

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