Rencontre du troisième type

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Bique, le stylo-bille, n’en pouvait plus de son insomnie : Il se retournait et se retournait encore dans la trousse sur le bureau. La position allongée ne le soulageait pas, il n’arrêtait pas de se cogner au taille-crayon, l’odeur de la colle et de la gomme l’incommodait. Même le stylo-plume essayait de l’arnaquer en le poussant du côté de l’effaceur.
Il avait tout essayé pour dormir mais rien à faire : Dans le pot à crayon, la tête en haut, il sentait son encre descendre par la fatale attraction de la pesanteur, la tête en bas, il avait peur de se répandre partout et de se mettre à fuir.

N’y tenant plus et sachant qu’il ne trouverait pas le sommeil avant d’avoir résolu son problème, il se leva et prenant son courage par le capuchon, il s’avança doucement dans la maison qui dormait du sommeil du juste.
Arrivé dans le salon, il vit l’être qui avait la réponse à sa question existentielle. Celui-ci dormait silencieusement dans le placard. Bique, le stylo-bille, regarda l’aspirateur. Ainsi immobile, il avait l’air calme et paisible : une espèce de Diplodocus endormi avec son long cou flexible qui reposait par terre, silencieux alors que dans la journée il vrombissait, s’agitait, avalait poussières, petits morceaux de papier. Sans distinction et infatigable, il avalait papiers kraft, blancs, colorés, reste de paquets de céréales, petites pièces de monnaie qui cliquetaient dans son ventre comme une machine à sous de casino.

Bique, plus d’une fois, avait eu peur de se trouver aspiré et de se retrouver dans le corps de ce géant tel Jonas avalé par la baleine.

– Miel, Miel ! réveille-toi dit-il de sa petit voix de stylo.

– Hum, hum : qui me réveille ? s’exclama l’aspirateur gris en se redressant, manquant écraser le pauvre Bique au passage. Sa voix était caverneuse, voir même un peu asthmatique.

– C’est moi, Bique, le stylo, Valentyne a dit aujourd’hui quelque chose qui m’a interpellé et qui m’a fait penser que tu pouvais résoudre mon problème. Cela ne me parait pas logique mais je crois que tu peux m’aider à me débarrasser DU Problème !

– Tout dépend du problème, marmonna, bougon, l’aspirateur, qui devait aller bosser le lendemain.

– Eh bien, je suis à nouveau atteint du syndrome de la page blanche. Je n’arrive plus à aligner trois mots. Je suis en pleine panne d’écriture ! Moi qui ait connu la divine sensation de la glisse sur une page immaculée,moi qui est connu la joie de la conception d’une nouvelle, moi qui ait connu l’ivresse des sonnets, là plus rien le vide intersidéral !

– Foutaise tout cela : tu crois que moi, un aspirateur, qui passe ma journée à attraper des moutons sous les meubles, je vais pouvoir t’être d’une quelconque utilité ? ce n’est pas mon métier que d’écrire !

– Ben oui, Valentyne a dit qu’elle avait résolu ton problème avec un changement de sac : explique-moi en quoi changer ton sac règle ton problème d’inspiration ? Moi aussi je veux changer de sac, ou de cartouche que sais-je pour retrouver l’inspiration !

Alors l’aspirateur se mit à rigoler tout haut, si fort qu’il faille s’étrangler. Bique s’inquiéta même du bruit qui sortait des entrailles de l’engin : un bruit sourd à mi-chemin entre un congélateur de supermarché et un avion bimoteur à réaction. Finalement, il reprit son souffle et éructa : « Ah, ah ah, je comprends, cher Bique, Valentyne a résolu mon problème d’ « Aspiration » en changeant mon sac, pas d’Inspiration »
Et tournant son corps volumineux, son cou gracile et son bec plat à la perfection d’un ornithorynque, il planta là Bique et ses états d’âmes, retournant à ses rêves paradisiaques et à ses moutons.

Les mots collectés par Olivia

perfection – divin – paradisiaque – immaculée – conception – foutaise – changement – arnaquer – casino – supermarché – paquet – kraft – logique

25 réflexions au sujet de « Rencontre du troisième type »

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    • Il faudra que je laisse parler ma machine à laver un jour : un soeur de Miel . Comme c’est une fille elle s’appelle Miele 🙂
      Je suis en train de finir le deuxième tome de mon pavé de l’été 🙂

  3. De toi à moi 😉 Ce n’est pas l’aspirateur qu’il faut incriminer mais peut-être bien clavier d’ordinateur, c’est lui le voleur d’inspiration de Bique 😉
    Bravo pour ce récit peu ordinaire, j’adore!!!
    Bisous
    Domi.

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  5. Je me demande s’il n’est finalement pas préférable d’acheter des stylos sans sacs, maintenant que j’ai lu cette histoire à ne pas dormir debout de la nuit. Ce qui éviterait les essoufflements d’encre. En tout cas, je peux constater que depuis, le tien a retrouvé le chemin du souffle.

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