Japon, 1912. Kyoaki a 19 ans. Il est le fils du marquis et de la marquise Matsugae de noblesse très récente (deux générations seulement). Afin de l’éduquer, ses parents le confient tout jeune au comte Ayakura et à sa femme, qui sont issus d’une très vieille famille noble (27 générations!!), il reçoit la même éducation que Satoko, la fille du comte, âgée de deux ans de plus que Kiyoaki.
A 12 ans, son éducation est « complétée » par un précepteur Inuima, (qui l’accompagnera jusqu’à ses 19 ans) et il entre au collège.
Sous prétexte de nous raconter l’histoire d’amour de Kiyoaki et de Satoko, Mishima nous entraîne dans un Japon de la fin de l’ère Meiji et du début de l’ère Taissho.
J’ai beaucoup aimé cette histoire. Au début, Kiyoaki n’est pas très sympathique, il est imbu de sa personne, nonchalant, orgueilleux. Il ne sait ce qu’il veut être, pauvre petit garçon riche et triste à qui tout est acquis sans travail. Il est méprisant envers les attentions de Satoko, lui écrit une lettre horrible, puis la supplie de ne pas la lire et de la brûler. Une vraie girouette, il se réveille bien tard (trop) quand Satoko devient inaccessible.
Les personnages secondaires sont également savoureux et intéressants : son ami Honda, fidèle en dépit des « mauvais traitements » que lui inflige Kiyoaki ; Inuima, le précepteur qui essaie de dynamiser Kiyoaki, le vénère et le déteste tout à la fois ; la grande mère de Kiyoaki est une solide paysanne qui ne mâche pas ses mots ; Tadeshina, la dame de compagnie de Satoko est un modèle de ruse et de manipulation ; des princes siamois en visite au Japon apporte un regard étranger sur l’histoire qui se déroule inexorablement .
Enfin, j’ai beaucoup appris des coutumes japonaises du début du 20ème siècle : les mariages arrangés dans la famille impériale, les règles et l’étiquette lors des réceptions données par le Marquis Matsugae. Les descriptions de la fête des cerisiers et de la nature environnante sont éclatantes de couleurs et de vie, toutes en poésie.
Dans le japon post guerre russo-japonaise, l’ère Meiji touche à sa fin, l’empereur est décédé. L’histoire se déroule sur un an, celle du deuil en hommage à cet empereur, les saisons se succédant jusqu’à la Neige de printemps, fatale à ce couple.
En conclusion : une histoire très intéressante et émouvante qui m’a énormément plu, j’aurais aimé toutefois en savoir plus sur les états d’âme de Satoko, femme entière et amoureuse, qui arrive à se rebeller contre son sort, déterminé par son rang de naissance (et aussi par la bêtise de Kyoaki).
Un petit extrait
Le maître d’hôtel entra annoncer que la voiture attendait. Les chevaux hennissaient et leur haleine sortait toute blanche de leurs naseaux, montant en spirale dans les ténèbres d’un ciel hivernal. Kiyoaki aimait l’hiver, voir les chevaux déployer fièrement leur puissance alors que leur odeur musquée habituelle s’amoindrit et que leurs sabots rendent un son clair sur le sol glacé. Par une chaude journée de printemps, un cheval au galop n’est trop évidemment qu’un animal qui sue sang et eau. Mais un cheval lancé dans une tempête de neige ne faisait plus qu’un avec les éléments, enveloppé dans les tourbillons de l’aquilon, la bête incarnait le souffle glacial de l’hiver.
Kiyoaki se plaisait à aller en voiture, surtout quand tel ou tel souci l’assaillait. Car les cahots le jetaient hors du rythme régulier, tenace de ses ennuis. Les queues qui s’arquaient aux croupes dénudées proches de la voiture, les crinières qui flottaient furieuses dans le vent, la salive tombant en ruban luisant des dents grinçantes – il lui plaisait de goûter le contraste entre cette force brutale des animaux et les élégantes décorations intérieures du véhicule. (p 80)
Livre Lu dans le cadre du challenge Japon d’Adalana et aussi dans le cadre du challenge pavé de l’été de Brize (Neige de printemps est le premier volume d’une tétralogie : le tome 2 s’intitule « Chevaux échappés » (billet à venir courant septembre), le tome 3 a pour titre « Le temps de l’aube » et le tome 4 « l’ange en décomposition »). Les deux premiers tomes font 400 pages chacun 😉