La curée – Emile Zola

 

Lecture commune avec Ingannmic 

Paris 1851- 1861

Le livre commence par un dialogue entre Renée et son beau-fils Maxime. Appartenant à la haute bourgeoisie, ils rentrent tout deux en calèche d’une promenade au bois de Boulogne. Ils sont très complices et jugent leurs contemporains avec ironie.

Ce même soir, Aristide Rougon, le mari de Renée et père de Maxime, donne un dîner somptueux dans son hôtel particulier à Paris. Nous découvrons alors toute une foule d’invités (une vingtaine) décrits avec une avalanche de détails.

Après ce dîner mémorable, Zola revient un par un sur les invités et raconte leurs vies et turpitudes. Il commence par  Aristide Rougon qui a fait changer son nom en Saccard pour que ses affaires n’interfèrent pas avec celles de son frère Eugène Rougon, homme politique  : Comment Aristide Saccard a-t-il fait fortune ? Qui sont tous ces gens gravitant autour de lui ? Emile Zola nous distille alors  l’information des débuts de Saccard à Paris (il vient de Provence) où il commence modeste employé sans un sou et finit richissime propriétaire immobilier.

Quelle habileté dans la narration : J’ai assisté à ce dîner qui au départ fait juste penser à un dîner entre riches de la bonne société ; après on apprend tous les subterfuges et escroqueries que chaque personnage a fait pour s’enrichir dans le Paris des années 1850. Les travaux d’Haussman en sont à leur début et c’est à qui spéculera le plus sur l’immobilier en plein boom pour racheter des immeubles à bas prix et se faire indemniser une fortune par l’Etat.

On apprend en frémissant la façon dont le cupide Aristide a procédé pour mettre la main sur la fortune de Renée, sa seconde femme (j’ai également frémi lors de la mort de la première épouse d’Aristide…). Renée bien que victime d’Aristide ne nous est pas plus sympathique tant elle est frivole et égocentrique.

Pas un personnage n’est « aimable » mais tous passionnants avec leur façon de vouloir s’enrichir ou se divertir, que ce soit la sournoise Sidonie, sœur d’Aristide et d’Eugène, Maxime le fils inconsistant et immature, ou la belle Renée qui s’ennuie dans sa vie de femme riche et oisive jusqu’au jour où ….

En conclusion : enthousiasmant même si je n’ai ressentie aucune empathie avec les personnages 

 * *

Un extrait (la première rencontre entre Maxime et sa belle-mère Renée, page 135)

L’enfant la crut déguisée. Elle portait une délicieuse jupe de faille bleue, à grands volants, sur laquelle était jetée une sorte d’habit de garde- française de soie gris tendre. Les pans de l’habit, doublé de satin bleu plus foncé que la faille du jupon, étaient galamment relevés et retenus par des nœuds de ruban ; les parements des manches plates, les grands revers du corsage s’élargissaient, garnis du même satin. Et, comme assaisonnement suprême, comme pointe risquée d’originalité, de gros boutons imitant le saphir, pris dans des rosettes azur, descendaient le long de l’habit, sur deux rangées. C’était laid et adorable.

Quand Renée aperçut Maxime :

– C’est le petit, n’est-ce pas ? demanda-t-elle au domestique, surprise de le voir aussi grand qu’elle.

L’enfant la dévorait du regard. Cette dame si blanche de peau, dont on apercevait la poitrine dans l’entrebâillement d’une chemisette plissée, cette apparition brusque et charmante, avec sa coiffure haute, ses fines mains gantées, ses petites bottes d’homme dont les talons pointus s’enfonçaient dans le tapis, le ravissait, lui semblait la bonne fée de cet appartement tiède et doré. Il se mit à sourire, et il fut tout juste assez gauche pour garder sa grâce de gamin.

– Tiens, il est drôle ! s’écria Renée… Mais quelle horreur! comme on lui a coupé les cheveux !… Écoute, mon petit ami, ton père ne rentrera sans doute que pour le dîner, et je vais être obligée de t’installer… Je suis votre belle- maman, monsieur. Veux-tu m’embrasser ?

– Je veux bien, répondit carrément Maxime.

Et il baisa la jeune femme sur les deux joues, en la prenant par les épaules, ce qui chiffonna un peu l’habit de garde-française. Elle se dégagea, riant, disant :

– Mon Dieu ! qu’il est drôle, le petit tondu !…

Elle revint à lui, plus sérieuse.

– Nous serons amis, n’est-ce pas ?… Je veux être une mère pour vous. Je réfléchissais à cela, en attendant mon tailleur qui était en conférence, et je me disais que je devais me montrer très bonne et vous élever tout à fait bien… Ce sera gentil !

Maxime continuait à la regarder, de son regard bleu de fille hardie, et brusquement :

– Quel âge avez-vous ? demanda-t-il.

– Mais on ne demande jamais cela ! s’écria-t- elle en joignant les mains… Il ne sait pas, le petit malheureux ! Il faudra tout lui apprendre… Heureusement que je puis encore dire mon âge. J’ai vingt et un ans.

– Moi, j’en aurai bientôt quatorze… Vous pourriez être ma sœur. Il n’acheva pas, mais son regard ajoutait qu’il s’attendait à trouver la seconde femme de son père beaucoup plus vieille. Il était tout près d’elle, il lui regardait le cou avec tant d’attention, qu’elle finit presque par rougir.

Challenge lire sous la contrainte chez Philippe où la contrainte est le son « é »

22 réflexions au sujet de « La curée – Emile Zola »

  1. Mon Zola préféré je pense (même si je ne les ai pas tous lus, loin de là). Les personnages sont rarement sympathiques chez cet auteur (il devait désespérer du genre humain), mais ce n’est pas ce qui compte dans ses romans

  2. Merci pour cette LC, qui m’a permis de sortir de mes étagères ce titre qui y traînait depuis une éternité. Et j’ai retrouvé Zola avec un immense plaisir : la finesse des analyses, la minutie des descriptions font qu’on est complètement plongé dans le récit. C’est vrai que dans l’ensemble, les personnages n’inspirent guère la sympathie, et pourtant je me suis un peu attachée à Renée, que sa condition de femme restreint à un rôle de mondaine superficielle, alors qu’on devine sous sa futilité une certaine intelligence, et des envies inconscientes d’autre chose…

    • oui Renée a été élevée pour être belle et se taire….
      Comme les femmes de la bourgeoisie de cette époque, c’est plus une victime finalement .
      Un très beau roman, merci pour la proposition de LC 🙂
      A bientôt

  3. Zola ! Valentyne, quel courage, c’est du lourd 😉
    J’ai sûrement tort de ne pas relire cet immense auteur indémodable mais je n’en ai pas le courage 🙄
    L’autre Club de Lecture a relu Au bonheur des dames…
    La curée, un titre qui prédit pas que des belles choses 🙄
    Bravo, Val 😆
    Bonne semaine pour demain
    Gros bisous

  4. Je ne lis pas de classiques pour le moment. Plus tard, peut-être.
    Zola, j’en ai lu 2 ou 3, pas plus. Ma soeur a tout lu et beaucoup aimé par contre.
    Merci pour cette nouvelle participation à mon challenge et bonne semaine.

  5. Je ne l’ai pas lu, à mon grand regret.
    Pourtant, j’ai les oeuvres complètes dans ma bibliothèque… 🙂
    Bises et douce journée.

    • Je me demande toujours avec les liseuses si les personnages pourraient changer de livres …. Avec Zola cela ne gêne pas, ça reste en famille mais imagine que Renée de la curée se rende dans un opus de Stephen King (j’en ai des frissons…)
      Bisesss Mo

Poster votre avis