A malin, malin et demi – Richard Russo

Après Le déclin de l’empire Whiting et Mohawk, je poursuis ma lecture de l’oeuvre de Richard Russo. Et je dois dire que cet auteur est enthousiasmant.

L’action se passe dans une petite ville (pauvre, quasiment sinistrée) complètement éclipsée par sa voisine, riche et célèbre.
Il y a plusieurs personnages principaux : le premier est Douglas Raymer, le shérif de la ville, la quarantaine , veuf il a du mal a se remettre de la mort de Becka : sa femme s’apprêtait à le quitter quand elle est décédée dans un accident domestique. Il y a ensuite Sully, le septuagénaire toujours prêt pour une blague de potache , son ami Rub (l’idiot du village), le méchant Rob (qui bat son ex femme), un entrepreneur semi-véreux , et aussi le chien de la couverture (que Sully a appelé Rub (oui son ami et le chien ont le même nom ce qui crée des situations drôles et des quiproquos). Les personnages féminins sont moins nombreux mais tout aussi attachants et bien campés : il y a Ruth l’amie et ancienne amante de Sully, Alice qui n’a plus toute sa tête ….et aussi l’excellente Charice, adjointe du Shérif Raymer.
L’action se passe sur 2 jours où il semble que les différentes calamités envisageables se concentrent sur cette petite ville. Jamais je n’aurai cru qu’autant de personnages dépressifs, borderline pouvaient être aussi intéressants et passionnants. La nature humaine m’étonnera toujours : j’ai à la fois été atterrée et subjuguée par autant de phénomènes : c’est mal de se moquer mais qu’est ce que c’est bon quand c’est bien écrit…

En bref une réussite , du grand art chez cet auteur de faire évoluer une quinzaine de personnages (pas piqués des hannetons) tout en leur donnant une réelle profondeur.
Au moment où j’écris ces quelques lignes, j’apprends que Sully apparaît dans « un homme presque parfait ». Je connais mon prochain livre de l’auteur.

Un extrait

C’était déjà affreux quand il disait des choses fausses ou injustes, mais son silence, c’était pire encore car pour Rub, cela voulait dire que Sully se désintéressait de ce qu’il essayait d’expliquer, ou estimait que ça ne méritait pas de réponse. Ces temps-ci, Sully semblait toujours pressé, impatient de filer ailleurs, comme s’il était poursuivi par une chose que ni l’un ni l’autre ne pouvaient nommer. Serait-ce pareil aujourd’hui ? Rub ferait en sorte que non. Couper la branche incriminée ne prendrait pas plus d’une demi-heure, mais il veillerait à ce que ça dure tout l’après-midi. Bootsie étant à son travail, le fils et le petit-fils de Sully étant absents, ils pourraient sortir deux chaises de jardin, et Rub lui confierait tout ce qu’il avait emmagasiné dans sa tête, chaque pensée débouchant sur la suivante et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il en ait fait le tour.

Une lecture commune autour de Richard Russo avec Inganmic qui a lu « Le pont des soupirs »

L’avis de Marie Claude sur ce même titre 

Challenge animaux du monde chez Sharon  et Pavévasion chez Brize (624 pages)

 

Que lire un 20 avril ?

« Ce matin, à huit heures, un petit déjeuner de travail a eu lieu au Berghof, la maison du Führer. Elle est située près de la mienne, quelques mètres en aval. Les personnes présentes étaient essentiellement des architectes, des ingénieurs et des fonctionnaires, réunis à fin d’envisager quelles nouvelles améliorations pouvaient être apportées au Berghof ou à l’Obersalzberg pour le confort, le plaisir et la sécurité de notre Führer. Il devait y avoir, je dirais, entre dix et quinze personnes. Peut-être même un peu plus. Après le petit déjeuner, autour de neuf heures, ces messieurs sont sortis sur la terrasse qui domine la vallée. À neuf heures quinze, l’un deux, le Dr Karl Flex, s’est écroulé, blessé à la tête. Il saignait abondamment. Il venait d’être abattu, sans doute avec un fusil, il est mort sur le coup et personne d’autre n’a été touché, et curieusement, nul n’a rien entendu, semble-t-il. Dès qu’il a été établi que cet homme avait été assassiné, le RSD a fait évacuer la maison et fouillé immédiatement les bois et les montagnes sur lesquels donne la terrasse du Berghof. Mais jusqu’à présent ils n’ont retrouvé aucune trace du meurtrier. Vous imaginez un peu ? Tout ces SS, les RSD, et pas un seul indice ! »
J’hochai la tête et continuait à manger ma saucisse, qui était délicieuse.
« Je n’ai pas besoin de souligner la gravité de la situation, poursuivit Bormann. Cela étant, je ne pense pas que ce soit lié au Führer, dont les déplacements, hier et aujourd’hui, étaient largement signalés dans la presse. Mais tant que l’assassin n’aura pas été arrêté, impossible pour Hitler d’approcher de cette terrasse. Comme vous le savez certainement, il va fêter ses cinquante ans le 20 avril. Or, il vient toujours ici, à l’Obersalzberg, pour son anniversaire ou juste après. Cette année ne fera pas exception. Ce qui signifie que vous avez sept jours pour élucider ce crime. Vous avez bien entendu ? Il est impératif que ce meurtrier soit arrêté avant le 20 avril car je ne veux pas être celui qui annoncera au Führer qu’il ne peut pas sortir parce qu’un tueur est en liberté. »

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Bleu de prusse – Philipp Kerr