Today we live – Emmanuelle Pirotte

Genre : rencontre improbable sur fonds de seconde guerre mondiale

Un tout petit roman (224 pages) mais riche en événements et émotions. Dans les premières pages, on rencontre Renée chez des fermiers. Elle a 7 ans, apprend qu’elle doit à nouveau fuir mais finit quand même sa tartine …(les nazis sont à la porte du village des Ardennes belges, l’action se passe en décembre 1944. La guerre en est à ses derniers soubresauts mais l’ennemi, sentant la défaite inéluctable n’en est que plus cruel et déterminé ; le débarquement a eu lieu en France, les troupes alliées se lancent vers la libération du reste de l’Europe..,)
Le curé s’enfuit avec Renée, la petite juive,  à travers champs et remet l’enfant à des américains. Enfin c’est ce qu’il croit : les deux américains sont des espions allemands déguisés en soldats américains en mission de sabotage…et éliminer d’éventuels juifs qui seraient passés au travers des mailles du filet…
Ce roman est un très beau portrait de cette petite fille si mûre (trop?) et d’un allemand très étrange : à la fois meurtrier et soucieux de protéger Renée, un homme abject (aucun remord sur les nombreux assassinats qu’il a commis) mais également séduisant.

Mathias (Mattew) réussit à se faire passer pour soldat canadien (il est trilingue : allemand par son père, français et anglais par sa mère québécoise et il a lui même passé plusieurs années au Canada) vis à vis des fermiers chez qui ils trouvent refuge…jusqu’à l’arrivée de « vrais » soldats américains…

Les événements historiques montrent une partie de la seconde guerre mondiale finalement peu traitée dans les romans : avec notamment l’opération Greif (une tentative de contre offensive allemande avec déploiement de soldats « déguisés » en soldats américains) et des références à l’opération Eiche (libération rocambolesque de Mussolini en 1943 sur les ordres d’Hitler )

Quand au titre en anglais, sa signification arrive à la toute fin du livre …

Deux extraits :

L’Allemand en queue de file resta interdit devant le geste de l’enfant. Voilà belle lurette qu’il ne voyait même plus les condamnés. Adultes, enfants, vieillards, c’était kif-kif. Des silhouettes sans visage destinées à disparaître. Mais cette fillette, il l’avait vraiment vue : elle avait mangé de la neige. Elle allait mourir. Elle le savait. Et pourtant elle mangeait de la neige, elle apaisait sa soif. Il avait remarqué le geste sûr, rapide, dénué de la moindre hésitation, presque désinvolte, un geste fluide, souple animal. Quelque chose en lui avait remué. Quelque part entre sa poitrine et son abdomen. C’était comme un frémissement infime, une poussée à la fois douce et brutale. Quelque chose de familier. Comme quand il était là-bas, dans les grands bois, dans cette autre vie.

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Et pendant qu’il jouait à l’espion et à l’infiltration, il n’avait guère eu l’occasion de s’embarrasser de ce qui se passait dans les camps d’extermination.
Mais il savait qu’indirectement chacune de ses actions au sein de ses glorieux commandos d’élite réduisait en cendres quelques Juifs, quelques Tziganes, quelques pédés de plus. Sa guerre n’était pas plus propre que celle du soldat qui pousse la vieille Juive hongroise et son petit-fils en loques sur la rampe d’accès à la chambre à gaz. Mathias était un maillon de cette machine de destruction. Il était un des membres de l’ogre affamé. Mais cela ne l’empêchait pas de dormir. Il avait pris ce que le système avait de meilleur à lui offrir, en sachant exactement dans quelle merde il mettait les pieds. Et personne ne l’avait obligé à participer à la danse, il s’était invité tout seul.

 

5 réflexions au sujet de « Today we live – Emmanuelle Pirotte »

  1. Je n’ai pas aimé un autre roman de l’auteure (De profundis) aussi ne me suis-je pas trop intéressée à ses autres livres. Peut-être devrais-je mais j’ai déjà des listes tellement longues !

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