Genre : chronique de quartier mais un peu plus quand même…
Un tout petit roman de 220 pages dont j’ai entendu parler en bien et qui a eu le prix « Premier roman – Etranger » 2015)
L’histoire est celle d’Otto (je dirais qu’il a au moins 70 ans vu qu’il a fêté ses 50 ans de mariage avec Ada) : Au tout début du livre, on apprend qu’Ada vient de mourir (une attaque).
En deuil, Otto nous raconte sa vie passée (les moments de bonheur avec Ada), sa vie actuelle (il tourne en rond) et aussi beaucoup d’événements liés à ses voisins
J’ai beaucoup aimé le ton de l’auteur pour décrire les personnages : il y a beaucoup de tendresse (j’ai adoré le personnage de Nico, le préparateur en pharmacie, nageur amateur a ses heures perdues, Ada bien sûr en personnage solaire et loufoque …)
Vers la moitié du livre, je me suis dit qu’il n’y aurait pas d’intrigue et que le but du livre était juste de raconter des menus faits ou souvenirs.
Et bien non, Otto commence à se rappeler un incident et la deuxième partie va nous raconter l’incident (doux euphémisme). J’ai trouvé tout cela très bien raconté (et très surprenant) avec au moment où on s’y attend le moins un trait d’humour ou d’esprit…
Sans être un coup de cœur, c’est un excellent moment…
deux extraits
P 63
Otto n’avait presque jamais rien caché à Ada, si ce n’est qu’il aurait vraiment aimé avoir un lapin comme animal de compagnie – désir qu’il avait d’ailleurs fini par lui avouer, en baissant les yeux, un an avant qu’elle décède. Elle était partie d’un grand éclat de rire, n’en revenant pas qu’il ait pu garder si longtemps un secret pareil. Puis elle avait posé la main sur l’épaule d’Otto et suggéré qu’ils aillent sur le champ acheter le léporidé de son choix. Le vieil homme, encore tout gêné, estimait ne plus avoir l’énergie suffisante pour s’occuper d’un être vivant à ce stade de son existence. Il avait décliné la proposition. Le moyen terme le plus satisfaisant dont ils aient réussi à s’approcher était un lapin en pierre très gracieux qu’Ada avait acheté à la papeterie pour l’offrir à son mari à l’occasion de leurs noces d’or, ou comme ils disaient, de leurs noces de chou-fleur. Si l’idée était, pour chaque année de mariage supplémentaire, de trouver quelque chose de plus noble pour symboliser leur union, alors les tulipes et le chou-fleur étaient tout indiqués. Il y avait eu les noces de gâteau à la carotte et aussi une année où ils avaient décidé de fêter leurs noces d’os, juste pour le plaisir de l’assonance, tout en reconnaissant volontiers que l’os n’était en rien supérieur à la turquoise, à l’argent ou au corail. L’année de la disparition d’Ada, ils auraient célébré leurs noces de couverture à carreaux.
* *
Page 160
A en croire les analyses des médecins, la fibrillation atriale d’Ada était provoquée par la stagnation d’une certaine quantité de sang dans l’atrium gauche (un coagulum), certes réduite mais dangereuse. Lorsqu’il se déplace, le coagulum devient ce qu’on appelle un embole et peut remonter jusqu’au cerveau, obstruer l’artère basilaire et provoquer un accident vasculaire ischémique. C’est ce qu’on écrivit sur son certificat de décès, en plus succinct.
Le côté triste de cette affaire, c’est qu’il y avait quantité de traitements possibles contre ce type de pathologie, surtout lorsque le diagnostic était établi précocement lors d’examens. Ada aurait pu prendre des médicaments antarythmiques, des anticoagulants oraux ou des antiagrégants plaquettaires – Nico en aurait été ravi, émerveillé comme un enfant. Elle aurait pu subir une cardioversion électrique, une angioplastie ou un pontage coronarien, quitte à légèrement contrarier les administrateurs de sa mutuelle. Beaucoup de gens ont vu leur situation s’améliorer après avoir subi une ablation par radiofréquence, suivie de la pose d’un stimulateur cardiaque.
Mais Ada n’avait pas reçu les résultats de ses examens, et, par conséquent, ne sut pas qu’elle souffrait d’une arythmie pouvant lui être fatale. Elle mourut des suites d’un dysfonctionnement de la poste.
.
Rendez vous le 9 août pour un autre extrait
L’avis de Kathel