Tu es
Le plus heureux des clowns, sur les mains,
Les pieds dans les étoiles, le crâne rond comme la lune,
Avec tes ouïes de poisson dans l’eau. Averti du bon sens
Du dodo, l’enfant do.
Enroulé sur toi-même telle une pelote de laine,
Occupé à tirer à toi ta nuit comme le hibou.
Muet comme un topinambour du quatre juillet
Au premier avril,
Oh mon glorieux, mon petit pain.
Flou comme la brume, guetté comme un colis.
Et plus lointain que l’Australie.
Notre Atlas au dos courbé, notre crevette voyageuse.
Un bourgeon douillet à son aise
Comme un hareng dans son bocal.
Une nasse frétillante d’anguilles.
Nerveux comme une fève sauteuse.
L’évidence telle une addition juste.
Une ardoise nette, avec ton visage dessus.
Ariel – Sylvia Plath
Note de bas de page :
La traduction se prend au jeu de l’original, truffé de comparaisons malicieuses. Le «dodo», dans Alice au pays des merveilles, est un drôle d’oiseau qui suggère, au sortir de «la mare des larmes», de faire « la course à la comitarde » pour se sécher. Le dodo, ou dronte, également selon la définition du Petit Robert, un « grand oiseau coureur de l’île Maurice, incapable de voler, exterminé par l’homme au XVIIIe siècle ». Une expression anglaise dit : « as dead as a dodo », ce qui signifie : « tout ce qu’il y a de plus mort »– Plath y aura certainement pensé pour ce poème de l’attente étonnée et amusée d’un «heureux événement » (sa fille Frieda naîtra comme prévu le 1er avril !).
« L’enfant do » (« L’enfant d’eau», dans le ventre de sa mère) est venu spontanément s’ajouter à la version française, et turnip (« navets) » devenu «topinambour» pour de bonnes raisons ludiques et poétiques : Turnip et «topinambour» ont l’air de tourner comme des toupies, des bobines, des pelotes de laine…