Incipit :
Depuis vingt-trois jours dans la ville étrangère je parcours sans relâche le dédale de ses ruelles noires. De temps à autre je m’arrête pour dessiner à l’intérieur d’un agenda périmé dans la couverture tombe en lambeaux. J’ignore si je suis peintre, architecte ou employé, mais je dois être pauvre puisque j’attache une grande importance à mon travail. Les raisons pour lesquelles j’ai dû fuir Paris sont ambiguës ; en tout cas j’évite soigneusement de penser aux circonstances de mon départ.
La ville se nomme Caracas, pourtant il ne s’agit pas de la capitale du Venezuela. Les habitants prononcent « Carcasse » avec une intonation lugubre qui provoque le malaise. Mes parents sont nés dans ce pays misérable, d’Europe centrale, dont j’ignore la langue. En fait, il existe une incommunicabilité absolue entre ceux qui la parlent et moi.
Le narrateur a quitté Paris et erre dans une ville d’Europe de l’est qu’il ne nommera pas.
Je lis ce livre juste derrière Épépé de Ferenc Karinthy et ce livre est comme au écho au précédent. Dans Épépé, l’exil était involontaire, le héros se retrouvait projeté par erreur dans une mégalopole tentaculaire dont il ne parlait pas la langue.
Ici le narrateur a « choisi » son « exil » : il est retourné dans la ville où ont vécu ses parents (Wikipédia me dit que les parents de Topor sont polonais)
Peu importe la ville … place à l’histoire :
Le narrateur vit à l’hôtel (comme Budai dans Épépé) et ne comprend pas la langue.Il est seul, terriblement seul.
Obèse, il mange pour oublier qu’il est seul (et que son obésité fait fuir toute relation amicale ou amoureuse), on le regarde soit avec répulsion soit avec pitié. Le lecteur le sent au bord du désespoir. Une nuit d’errance, il a faim et entre dans un magasin espérant y trouver une épicerie…las, c’est un magasin de chaussures. La vendeuse, triste et désespérée elle aussi (à moins que ce ne soit le narrateur qui projette son désespoir…), réussit à lui vendre une paire de chaussures. Trop petites, ces chaussures blessent notre anti-héros avec une vilaine entaille au talon. Dans cette entaille au pied, le narrateur reconnaît son amour perdu : Suzanne. Commence alors une « danse » entre le narrateur et Suzanne…Il nous parle alors de sa vie avec elle (la seule femme qui l’ait aimé du fait de son obésité). Suzanne a t elle existé ? Était elle un monstre (psychologiquement parlant) comme lui est un monstre (physiquement parlant) ?
Le reste est sombre et splendide, le désespoir poignant, quelques sourires parviennent à se dégager de la folie : par exemple quand Suzanne (rappelons que Suzanne est un pied) « n’en fait qu’à sa tête » et décide de vivre sa vie … Fière et libre, « personne n’arrive à la cheville de Suzanne », celle ci arrivera-t-elle à « libérer » le narrateur ?
La fin est juste parfaite ….
Ce livre est une réédition d’un livre paru pour la première fois en 1978.
Il y a six dessins à l’encre de Topor représentant cette Suzanne, magnifique Suzanne. Magnifique esquisse d’une femme (il faudra que je lise ce que Freud a dit sur les fétichistes du pied)
Et pour finir en musique :
PS : Comme souvent je m’interroge dans la place chronologique qu’à eu ce livre dans mon cycle de lecture. Comme je l’ai dit avant, je lis ce livre juste après Épépé (ô rage, ô désespoir…) et je me demande si j’avais lu le « portrait de Suzanne » derrière un livre drôle quel aurait été mon ressenti … en tout cas ce court livre est percutant malgré le désespoir….
Le mois de l’est est organisé par Goran, Eva et Patrice
L’auteur est français (d’origine polonaise) et comme ce livre se passe dans une ville de l’est…..
Ah..Je sens que ce livre va finir dans ma bibliothèque! Merci pour ce partage 🙂
💚
Bonne lecture 🙂
Une écriture loufoque à la Topor. La succession des lectures s’est vraiment bien faîtes. Mais que vas-tu lire après?
Il me reste un livre « de l’est » à lire en mars et ensuite je crois que je vais lire belge 🙂
Bisesss Noctembule
tu as l’impression qu’il a un style autour de l’est alors?
Héhé 🙂 je suis tellement à l’ouest en ce moment que je ne saurais dire 😎
Je trouve l’histoire bizarre et intéressante en même temps ! Je n’ai jamais entendu parler de l’auteur mais je sens qu’il pourrait plaire à Goran 🙂
C’est bien qu’il soit réédité 🙂
Je vais chercher d’autres livres de cet auteur…
Bonne journée Eva
La Suzanne de Léonard Cohen adaptée en français par Greame Allwright:
Suzanne t’emmène écouter les sirènes
Elle te prend par la main
Pour passer une nuit sans fin
Tu sais qu’elle est à moitié folle
C’est pourquoi tu veux rester
Sur un plateau d’argent
Elle te sert du th? au jasmin
Et quand tu voudrais lui dire
Tu n’as pas d’amour pour elle
Elle t’appelle dans ses ondes
Et laisse la mer r?pondre
Que et depuis toujours tu l’aimes
Tu veux rester à ses côtés
Maintenant tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une flamme brûle dans ton cœur.
Il était pêcheur venu sur la terre
Qui a veillé très longtemps
Du haut d’une tour solitaire
Et quand il a compris que seuls
Les hommes perdus le voyaient
Il a dit qu’il voguerait
Jusqu’à ce que les vagues nous libèrent
Mais lui-même fut bris?
Bien avant que le ciel s’ouvre
Délaissé et presque un homme
Il a coulé sous votre sagesse
Comme une pierre.
Suzanne t’emmène écouter les sirènes
Elle te prend par la main
Pour passer une nuit sans fin
Comme du miel le soleil coule
Sur Notre Dame des Pleurs
Elle te montre où chercher
Parmi les déchets et les fleurs
Dans les algues il y a des rêves
Des enfants au petit matin
Qui se penchent vers l’amour
Ils se penchent comme ça toujours
Et Suzanne tient le miroir.
Tu veux rester à ses côtés
Maintenant tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans ton cœur
Merci André pour cette version que je ne connaissais pas
Bisesss
C’est lui, avec ses adaptations en français, qui m’a fait découvrir Léonard Cohen.
💚
Je le lirai… mais je ne peux pas te dire quand. 🙂
Après la publication de notre 6e anthologie, sans aucun doute.
C’est noté.
Honte à moi je n’ai pas encore lu la cinquième anthologie 😦
Suis totalement débordée….
Bisessss Quichottine
Sacrée histoire tout de même, et je ne sais pas ce que dit Freud du pied, mais je connais le talon d’Achille.
🦶 ?
Bon, je t’ai laissée perplexe visiblement ….
💚
Quelle couverture ! Je ne connais pas du tout !
Bonne soirée.
Il y a d’autres croquis de l’auteur dans le livre
💚
Et l’envie de le lire 🙂
💚
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