Il flotte, flotte. À Trouville on mange des frites et des crevettes dans les cafés abrités du vent, ou bien on joue à la belote. Les enfants baillent, s’ennuient . A travers deux ondées on ira à Deauville pour « les » voir afin de ne pas y être venu tout à fait pour rien. Le Casino a fait l’année dernière six cents millions de bénéfices, qu’on le voie au moins de dehors. Et puis, malgré la tempête, on essaiera de passer devant le Normandie, le Royal et le Golf, car ce sont des palaces, c’est rare ça, qui ne sont pas tarifés : certains payent beaucoup, certains ne payent pas. C’est là que sont les « cracks » qui attendent l’heure d’ouverture du polo, ou du casino, ou du tir aux pigeons, ou du golf (tous ces amusements appartiennent également à la Société du Casino). Comme ils viennent de tous les coins du monde, l’idée fait voyager. Si on a une auto, on ira voir les Rolls s’extraire de la carlingue de l’avion à Saint-Gatien. Et la nuit d’après Trouville reviendra aux rêves les plus simples, de bombes originelles, de solutions rapides, bruyantes, certes, mais suivies d’un éternel silence.
Non, au fond une seule consolation dans cette ville, c’est d’aller voir les yearlings aux Établissements Cheri. Comme les courses de Deauville concurrencent et soutiennent à la fois le Casino, Il était bien normal que le Casino se les approprie aux fins d’une sûre gérance. Donc les Etablissements Cheri y sont également passés. Ils ont été achetés depuis un mois par la Société du Casino. La ville, depuis, faute d’autres sujets, parle de cette tractation. Mais les yearlings eux, étant donné le stade de leur évolution, sont encore indifférents. Ils sont là, trois cents, à attendre de partir le mois prochain, dans les haras du monde entier. Compte non tenu de leur destin social, et bien, ce sont vraiment des chevaux. Leurs yeux encore effarouchés ne trompent pas. Ils viennent tout droit des poulinières et ils sont mal élevés encore. Leur poil luit comme une prairie, on peut toucher, c’est vrai, c’est du cheval, à ne pas en croire ses mains, ses yeux.
France Observateur 1957
Marguerite Duras – Outside
C’est toujours un plaisir de lire du Duras.
J’ai lu très peu cette auteure… ce livre et « l’amant »…
Tellement de livres me tentent…