Les frères Sisters – Patrick de Witt

Oregon 1851 : Dans ce roman, le narrateur est Eli, un des deux frères Sisters. C’est le plus jeune et le plus attachant. L’autre frère s’appelle Charlie. Quand je dis qu’Eli est attachant, entendons-nous bien c’est par rapport à son frère, car il ne faut pas oublier que ce sont des tueurs à gages et qu’ils ont la gâchette plus que facile. Je n’ai pas compté le nombre de cadavres dans ces 400 pages, mais je dirais une bonne trentaine. L’essentiel n’est pas là, j’ai trouvé ce livre très intéressant au niveau des réflexions que le narrateur a sur sa vie : par flash back, il nous en apprend sur son enfance (son père a failli tuer sa mère et le grand frère a tué le père pour la défendre). Eli est à la fois un peu simple : il ne voit pas plus loin que la fin de la journée, la dose de haricots qu’il va pouvoir manger et où il va dormir – de préférence à la belle étoile. Mais d’un autre côté, il est très sensible et pas bête du tout dans son analyse de ses relations avec son frère, avec son cheval, avec les autres hommes. Pour les femmes, il a le quotient émotionnel et la jugeote d’un enfant de 12 ans.

Les dialogues sont savoureux et drôles, il y a une réelle complicité (ainsi qu’une rivalité latente) entre les deux frères, Eli évolue plus dans sa prise de conscience du monde qui l’entoure que Charlie, mais celui ci sera « rattrapé » par sa condition.

J’ai cru un moment que ce serait juste un road movie sans réelle histoire et puis l’histoire décolle un peu avant  le milieu du livre…Il met en scène la ruée vers l’or, la cupidité des hommes et  l’impact des  activités humaines sur l’environnement (déjà…)

Un très bon moment de lecture.

Ce livre a été adapté récemment au cinéma (le livre m’a donné envie de voir l’adaptation)

* *

Incipit : 

Assis devant le manoir du COMMODORE, j’attendais que mon frère Charlie revienne avec des nouvelles de notre affaire. La neige menaçait de tomber et j’avais froid, et comme je n’avais rien d’autre à faire, j’observai Nimble, le nouveau cheval de Charlie. Mon nouveau cheval à moi s’appelait Tub. Nous ne pensions pas que les chevaux eussent besoin de noms, mais ceux-ci nous avaient été donnés déjà nommés en guise de règlement partiel pour notre dernière affaire, et c’était ainsi. Nos précédents chevaux avaient été immolés par le feu ; nous avions donc besoin de ceux-là. Il me semblait toutefois qu’on aurait plutôt dû nous donner de l’argent pour que nous choisissions nous-mêmes de nouvelles montures sans histoires,sans habitudes et sans noms. J’aimais beaucoup mon cheval précédent, et dernièrement des visions de sa mort m’avait assailli dans mon sommeil ; je revoyais ses jambes en feu bottant dans le vide, et ses yeux jaillissant de leurs orbites embrasés. Il pouvait parcourir cent kilomètres en une journée, telle une rafale de vent, et je n’avais jamais eu à lever la main sur lui. Lorsque je le touchais, ce n’était que pour le caresser ou le soigner. essayais de ne pas repenser à lui dans la grange en flammes, mais si la vision arrivait sans crier gare, que pouvais-je y faire ? La santé de Tub était plutôt bonne, mais il aurait été en de meilleures mains avec un propriétaire qui lui aurait demandé moins d’efforts. Il était lourd et bas du garrot et ne pouvait parcourir plus de quatre-vingt kilomètres par jour. J’étais souvent obligé de le cravacher, ce qui ne gêne pas certains, qui même y prennent du plaisir, mais moi je n’aimais pas le faire ; je me disais qu’après, Tub me trouvait cruel et pensait, Quel triste sort, quel triste sort.
Je sentis pour me regardait et détachai mes yeux de Nimble. Charlie m’observait de la fenêtre à l’étage, brandissant ses cinq doigts tendus. Je ne répondis pas et il fit des grimaces pour me faire sourire ; devant mon absence de réaction, redevient impassible, recula et disparut de ma vue. Je savais qu’il m’avait remarqué en train d’examiner son cheval. Le matin précédent, j’avais suggéré de vendre Tub et d’acheter un autre cheval à deux, il avait volontiers acquiescé à la proposition, mais plus tard, pendant le déjeuner, il avait dit qu’il valait mieux attendre de terminer notre nouvelle affaire, ce qui n’était pas logique parce que le problème, avec Tub, c’était qu’il risquait d’entraver le bon déroulement de la dite affaire, et donc ne valait-t-il pas mieux le remplacer au préalable ? Charlie avait des traces de gras dans la moustache, il avait dit, « Ça vaudra mieux après, Eli. » Il n’avait rien à reprocher Nimble, qui était aussi bon voire meilleur que son cheval précédent qui n’avait pas de nom. Il faut dire aussi qu’il avait eu tout le temps de choisir entre les deux bêtes parce qu’à ce moment-là j’étais cloué au lit en train de me remettre d’une blessure à la jambe. Je n’aimais pas Tub, mais mon frère était satisfait de Nimble. Tel était le problème avec les chevaux.

 

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14 réflexions au sujet de « Les frères Sisters – Patrick de Witt »

  1. Je l’ai lu il y a six ans, et j’ai vu récemment l’adaptation qui m’a également beaucoup plu. Il me semble qu’il y a quelques différences avec le livre, ce qui laisse la possibilité d’être surpris… ça marche bien !

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