Dès le début je suis restée sous le charme de cet écrivain (Japonais? Haïtien ?Québécois?)
Pourquoi ?
Parce que Dany Laferrière est à la fois rempli de doutes (il a écrit 14 livres mais il a l’air en panne pour le suivant, il n’a au départ que le titre « Je suis un écrivain japonais ») et aussi rempli d’autodérision. Je crois que l’autodérision est ce qui met plaît le plus quand un écrivain parle de son rapport à l’écriture (cf le billet sur « La promesse de l’aube« , billet que je n’ai pas écrit mais il est dans ma tête et comme je vous livre toutes mes pensées …)
L’auteur va chez son poissonnier qui lui instille un doute supplémentaire : a-t-il le droit d’utiliser ce titre ? se demande-t-il en cuisinant son saumon.
Ensuite Dany Laferrière remonte à son enfance caribéenne (que je connaissais pour l’avoir découvert dans « L’énigme du retour« ), il lisait Mishima dans son petit village durement frappé par la malaria.
Dany Laferrière nous balade à travers le monde : Déambulation dans le métro à Montréal avec « La route étroite vers les districts du nord de Basho » dans la main, voyage intérieur en Haîti, rencontre avec Bjork (une autre île) puis Midori, une chanteuse japonaise de rock (qui est semble-t-il une célébrité au Québec), plusieurs escales au café Sarajevo, un autre rencontre avec son propriétaire (grec) qui réclame son loyer hebdomadaire.
Quelques chapitres sont un peu déroutants car on se demande sans cesse où est la frontière entre la réalité ét la fiction. L’écrivain suit Midori et 6 japonaises (les sept samouraï ? )
Ce livre est très drôle car il met en avant les clichés que nous avons tous plus ou moins autour du Japon (touristes avec leur appareil photo, cerisiers et geishas), et ce pays reste pourtant mystérieux. Les personnages japonais ont tous un nom d’écrivain japonais (Murakami, Mishima, Tanizaki, Brautigan – rayez la mention inutile). En effet, ce livre qui n’est pas encore écrit par l’auteur déclenche une « folie » au pays du soleil levant : enthousiasme mais aussi racisme ordinaire …
Sous ces dehors légers et humoristiques, les questions sont d’actualité : qu’est ce que l’identité, a-ton le droit d’écrire sur quelque chose que l’on n’a pas vécu ? Pourquoi les sociétés actuelles sont-elles racistes ?
En bref un excellent moment
Un extrait :
Le téléphone, de nouveau. J’ai beau dire « allô », aucune réponse. J’entends pourtant le souffle de la personne au bout du fil. Finalement une petite voix murmure :
– J’étais assise pas loin de vous dans le métro il y a trois jours.
– Vous dites ?
– J’étais sur la même rangée que vous, et vous lisiez Basho.
Je n’arrivais pas à faire un lien entre la voix et le visage. Je m’attendais un accent asiatique.
– Ah oui, je me souviens…
– Là, vous me confondez avec la chinoise en face de vous que vous n’arrêtiez pas de regarder.
– Cela arrive souvent, fais-je, on regarde quelqu’un alors qu’on est regardé sans le savoir par quelqu’un d’autre.
– Elle, elle est chinoise, mais moi, je suis japonaise. C’est normal, vous étiez dans le quartier asiatique.
– Et comment faites-vous pour savoir qu’elle est chinoise ?
– Ma mère est coréenne et mon père japonais, je sais ce que c’est… Si elle n’est ni coréenne, ni japonaise, c’est qu’elle est chinoise.
Elle rit toujours.
– Et pour les rires… Y a-t-il une différence ?– Pas tellement. Par contre, le vagin japonais est placé en diagonale et celui de la Coréenne est à l’horizontale. Je ne sais pas pour la Chinoise si ça se trouve elle est verticale. Nous sommes des filles géométriques.
Je ris.
– C’est bizarre vous n’avez aucun accent… Vous parlez comme vous et moi.
Là, elle a vraiment ri. Un rire du fond du ventre. C’est tout de même étonnant que malgré tous ces déplacements sur la planète – personne ne veut ou ne peut rester chez lui – ce soit l’accent qui détermine le plus la place des gens dans la société mondaine. Plus que la race ou la classe. L’accent dit la race et la classe. Une asiatique parle en français avec un accent anglais, c’est presque du bouturage.,
Québec en Novembre Chez Karine et Yueyin
Journée autour de Dany Laferrière
Je me le note !
💚
Il a le sens de la formule ! (c’est la citation qui me fait dire ça).
Ce livre semble contenir plus d’humour que celui que j’ai lu, ce qui, compte-tenu du sujet, est bien normal.
Tu ne le diras à personne mais je suis une jument verte coréenne 🙂
Bisessss
Ping : Dany Laferrière, Le cri des oiseaux fous – Lettres exprès
Val quand tu te promènes l’été en provence dans les champs de lavande, le mythe des japonais(es) et de leurs appareils photos est plus qu’une réalité. Je ne sais pas par contre si ces petites lolitas sont géométriques………. 😀
Vive la géométrie !
À Annecy aussi on croise pas mal de touristes japonais pendant le festival du film d’animation 🙂
Je n’ai pas du tout accroché à l’histoire qui m’a totalement perdue, mais j’aime le style de l’auteur.
Je reconnais avoir été un peu déroutée à un moment aussi (la frontière entre réel et hallucination est parfois ténue …)
A retenter avec un autre titre 🙂
C’est vrai que les livres de Laferrière sont souvent des voyages; d’abord parce qu’il n’arrête pas de bouger, ensuite parce que le voyage est intérieur. C’est fou aussi la quantité de gens qu’il rencontre et qui ont quelque chose à dire qui sort de l’ordinaire, à commencer par ses tantes et sa mère. Je me demande si ce ne sont pas des personnages imaginaires comme cette japonaise.
Après le livre que j’ai commenté aujourd’hui, Tout bouge autour de moi, je suis en train de lire le goût des jeunes filles.
Hello Claudia
Je vais aller lire ton avis 🙂
Je n’ai pas du tout été sous le charme… ça partait trop dans tous les sens. Mais je réessayerai, promis 😉
je l’ai dans ma pal, ta chronique me donne envie de l’en sortir !
Chouette 🙂
Encore un inconnu pour moi.
Bonne fin de semaine.
A tenter si tu croises sa route alors 🙂
Bonne soirée Philippe 🙂
Tiens, j’arrive des billets des autres participantes sur ce titre, et j’avoue que je m’attendais pas à voir qu’il avait plu. C’est que tu connais bien la culture japonaise qui t’a permis de l’apprécier?
Non je ne connais pas trop la littérature japonaise
J’avais participé il y a quelques années à un challenge de littérature japonaise https://lajumentverte.wordpress.com/challenges/challenge-japonais/
Bizarrement j’ai relu très peu d’auteurs Japonais depuis … alors que cela m’avait bien plu
A reprendre….
C’est tout de même plusieurs ça! (Je n’ai lu que le Yoko Ogawa)
j’aime beaucoup Yoko Ogawa pour la tendresse et la bienveillance de ses livres (deux lus seulement, si cela se trouve j’en ai une vision fausse….)
C’est l’humour de l’auteur qui m’a plu
🙂
L’humour est il japonais dans ce livre ? Je ne sais pas 🤷♂️
on ne le ressent pas dans les autres billets, donc c’est pour ça que je me demandais si ton appréciation de l’humour venait de ta connaissance de la littérature et culture japonaise.
Ping : Je lis donc je suis – 2018 | La jument verte