Je ne suis qu’une maison minuscule, bâtie par les hommes pour leurs petits amis. Maison aérienne pour amis aériens. Ils m’ont fait à l’image de leur maison à eux ces bipèdes facétieux : un toit, 4 murs, une porte entrouverte. Mes hôtes n’ont qu’à pousser la minuscule porte et je les garde à l’abri du vent, de la pluie. Les humains m’ont appelé « nichoir », cela me plait de les contempler d’en haut.
Cette année le printemps maladif a chassé tristement les giboulées de février.
La lune, large et pâle, qui semble se hâter vers son rendez vous avec le soleil entonne un petit chant guilleret : « Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer ».
Sur le chemin du bord du fleuve lentement, les petits enfants remontent l’allée avec leurs jumelles autour du cou, la mamie les a bien sermonnés : il ne faut pas effrayer rouge-gorges, mésanges et pinsons. Elle chantonne « Tu es venu me dire que l’Amour est devant, pourquoi, comment ? ». Et moi, pauvre bâtisse fragile dans l’arbre, je les observe se poser toutes ces questions : Qui donc a fait pleurer les saules riverains ? Est-ce le frêle moineau assis en souverain ? Ils y vont forts ces humains à accuser ainsi un moineau ! comment un oiseau pourrait-il faire pleurer un saule ? c’est comme si je vous disais qu’une hirondelle pouvait faire le printemps …ne t’en va pas moineau : Reviens sur mon balcon, recommence ton chant
L’arbre dans lequel ils m’ont installé ploie sous le poids de grappes mauves et odorantes
Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las, en rêve je tombe dans l’herbe gorgée de rosée : Voici dans le gazon les corolles ouvertes, je me prends à vouloir bouger, fragile roulotte sans destrier, mordant la terre chaude où poussent les lilas.
L’autre nichoir dans l’arbre voisin est resté perché, fier dans sa transparence ensoleillée :
Devant toi et moi, une assemblée de fées vertes s’est réunie, pépiant et racontant l’ivresse de l’air et de la pluie ; un arc en ciel est né ce matin, après l’orage qui m’a délogé. Plancher sur la terre, je m’enivre du chant des oiseaux, et des enfants, qui rayonnent tous sourires ; qui du printemps fêtent le réveil. Il ne faudra pas surtout que j’oublie, si un jour je remonte dans mon arbre entouré de tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil, non il ne faudra pas que j’oublie que dans mon nom « nichoir », il y a choir.
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Ma participation à l’agenda ironique de juin hébergé par Clémentine
Mais si les objets, à leur tour, parlaient… de nous ? Imaginez la verve d’une lampe, d’une assiette ou d’une vieille godasse et son regard posé sur les humains que nous sommes.
L’ironie est, comme toujours, un ingrédient fortement conseillé !
Une petite contrainte pour la route? Vous devrez glisser à l’intérieur d’un texte en prose plusieurs alexandrins disséminés ça et là, mais qui, mis les uns à la suite des autres, formeront un poème en rimes plates, croisées ou embrassées.
Il y a dans ce texte en prose un sonnet caché : le trouverez vous ? (publication jeudi prochain parce que le jeudi c’est Poésie)