Seule Venise – Claudie Gallay

Vaporetto ligne 1, je descends, une des dernières stations en quittant le Grand Canal. La Salute, une église de pierres blanches. Le froid a rendu les marches glissantes. J’entre dans l’église. A l’intérieur, des tableaux, des colonnes, un grand lustre accroché par une chaîne au milieu du dôme. L’endroit est silencieux. Je reste un moment debout près de l’entrée. Après, je rejoins les quais. Posées sur des barges, des grues curent le bord du Canal.

Je ne sais pas encore que je viendrai là, plus tard, avec vous.

Je marche. Je veux faire le tour de Venise. Je crois cela possible, cela ne l’est pas. Le quai finit en butée contre un pont. Après, c’est la gare maritime. Impossible d’aller plus loin.

Je reviens sur mes pas. Dans le dedans de la ville. Les ruelles. Les venelles. Tout ici ramène vers l’intérieur. Toujours. Même les culs-de-sac.

Je finis par étouffer. Je retourne à San Marco et je grimpe à la cime du Campanile. En ascenseur.

Une rampe permet à un cheval de monter tout en haut de la tour.

C’est le gardien qui m’explique.

– Aucun cheval n’est jamais monté mais la rampe existe. Et elle a été conçue pour ça.

Un chemin secret au-dedans de la tour.

Une petite chose inutile.

Précieuse.

Devenue avec le temps un repère des pigeons. L’ascenseur donne sur la cime de la tour. De là-haut, je vois les toits rouges de Venise, plus loin encore, la lagune, le cimetière, les îles.

Iles des vivants.

Iles des morts.

Iles abandonnées.

Je vois le parvis dessous, au pied de la tour. L’ombre massive de la cathédrale.

C’est le gardien qui vient me chercher.

– On ferme, il dit.

Et il me fait reculer parce que je suis trop près du mur à regarder en bas et qu’il ne veut pas d’ennuis avant la fin de son service.

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