L’arche ivre
Moi Noé, je voulais me voir dans la bible,
Je me suis efforcé de devenir bateleur :
Des animaux pour une armada invincible,
Je les aie convaincus sur un ton enjôleur.
Conscient de la rareté de cet aréopage,
Je mélangeais flamands roses et faucons maltais.
Quand mes fils descendirent des doux alpages,
Nous embarquâmes avec les vaches qui meuglaient.
Quand les cordes du bord furent désamarrées,
Je tressaillis sous le roulement des éléphants,
Je frémis, encourageant la lune et ses marées
Pour que les pachydermes dorment comme des faons.
Le déluge mit à l’épreuve les couples légitimes.
Fragiles comme porcelaine, ils regardaient les hublots
Le roulis provoqua malaise et tout le toutim,
Quarante jours et nuits, ils devinrent bien falots !
Salée la mer nous infligea de cruelles morsures,
L’eau verte s’infiltrait, poudre de perlimpinpin
Les lagomorphes devinrent fous de leurs blessures
Serrés sans pouvoir se reproduire, pauvre lapins.
Ainsi nous voguions tels des guêpes qui essaiment
Portés par les eaux de l’océan fluorescent,
Ivres de couleurs, de sons, d’odeurs, de bohème
Ebahis, le soleil nous manquait incandescent.
Que penser des rugissements et des soupirs ?
La ronde patiente, vigilante des vautours,
Puis plus lancinant que le chant de l’oiseau-lyre,
Retentit le caquètement de la basse-cour !
Je tendis le poing et lâchai une colombe
Et guettai craintif et à la fois plein d’espoir,
L’horizon pourpre avant qu’il ne succombe,
Et j’ai cru qu’il allait s’arrêter de pleuvoir !
Le scorbut rendit les animaux squelettiques,
Les jambes des girafes enflaient et flageolaient.
Pareils à des pantins démembrés, les moustiques
Voletaient comme des fantômes désemparés!
J’ai embrassé l’aurore verte évanouie,
Encensé les animaux avec des mots flatteurs,
Nous allions retrouver bientôt les terres enfouies,
Oh la la, je ne me savais pas si bon acteur
Mon amie réussit à éviter une mutinerie
Les animaux ballotés étaient dépressifs
Malgré ses arguments la rusée otarie (1)
Voyait l’Arche partir en lambeaux successifs !
J’ai décidé d’utiliser un puissant insecticide
L’équipage, devenu fou, réclamait poules au pot.
Hallucinations collectives, 16 pattes par arachnides
Sous le ciel trempé, tous travaillaient du chapeau.
J’ai vu un chat poète s’essayer au Parnasse
Il déclamait des vers français peu ragoutants
Me cherchant des poux dans la tignasse,
J’essayais de m’éloigner clopin clopant !
Trempé, je donnai mon canot pour une fournaise !
Sur les mats de l’arche frappaient les embruns
Des serpents-liane me donnaient malaises
Et m’incitaient à rendre mon repas prochain !
J’aurais voulu griller quelques dorades
Qui dans les flots nous suivaient en chantant.
Des effluves à mon nez battaient la chamade
J’évitais une dernière vague le navire accostant
Un jour, apercevant une frêle amazone,
Dont les doux yeux me séduirent comme un hibou
J’enjambais la rambarde, foutues hormones
Dans l’océan je finis ma vie…. tel un caillou
Les autres participants sont chez Filigrane
Des girafes dans l’arche ? visiblement, cet Arthur Rimb’ n’a jamais lu Athanase Kircher… bien malin qui démélera qui des deux a raison 🙂
ps : faire rimer hormone et amazone, fallait le faire !
Coucou Carnets
Je crois qu’Athanase est une source plus fiable qu’Arthur !
Zut pour la rime hormone et amazone ! C’est vrai que cela « accroche »
Bon dimanche 🙂
Un caillou ! Cœur de pierre ou de l’océan ?
Parce-que selon, la fin est très identique mais très différente.
La troisième solution « otarienne est toute sympathique,
Bises Valentyne.
Ah oui cœur de l’océan je n’avais pas fait le rapprochement …. L’otarie pourrait peut être nous en dire plus …
Bisesss Jo 🙂
Mais si…tu as tout à fait respecté la consigne, Valentyne…
On avait le droit de changer tout ce qu’on voulait, y compris la fin…
(pourvu que le thème soit reconnaissable).
Joli style rimbaldien…on embarque dans ton bateau « fou » et à la dérive…et on imagine assez bien l’ambiance angoissante et agitée de ce voyage …à l’issue incertaine !
Mais on est un peu décontenancé par la fin : Noé, après tous ces efforts, aurait coulé à pic ?
…ça, c’est le Titanic ! 😉
Bonjour la licorne
Tu crois que Noé peut être sauvé par une sirène ?
On pourrait rajouter une strophe et ce serait une histoire qui finit bien 🙂
Ouais…!
Et la petite sirène tomba amoureuse et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… 🙂
Ah non finalement le Happy end cela ne va pas du tout 🙂
bisesssss
J’aime beaucoup ! Je ne m’attendais pas à cette fin mais tu as su… mener la barque (si j’ose dire) !
Bonjour Lydia
Je suis dans une phase pessimiste d’où la fin..
Bonne journée 🙂
Euh… tu me fais peur, là, pour le coup !
Oh pas
D’inquiétude à avoir, je n’en suis pas au stade de passer par dessus la rambarde comme Noé …un peu de spleen de rentrée 🙂
Bisesss Lydia 🙂
Bon, ça va alors !
🙂
Mais c’est un « bateau ivre » ton arche et quel talent encore une fois !!! C’est poétique, drôle, surprenant, un cocktail valentynien quoi ! 😆
Merci Asphodèle
Je crois que Noé avait absorbé pas mal de cocktails en effet 🙂
Hips !
Bisous
Des échos de « Bateau ivre » résonnent aux oreilles (car on a envie de lire ça à haute voix) quand on lit ton poème.
L’arche a coulé? Mais les animaux devaient savoir nager…
Coucou Mo
Non l’arche n’a pas coulé , juste Noé
Et c’est son fils aîné Noé qui a ramené l’arche…ceci dit cette version mériterait d’avoir la validation de l’éminent professeur Taurus de Martine 🙂
Bisesss
La dernière strophe est géniale. Tu nous fais des rimes osées voire improbables mais c’est toujours réussi quand tu oses !
Bises et belle semaine.
Merci Mind 😉
Ton commentaire est si gentil que je me l’encadre pour garder le moral 🙂
Bisous
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