Demain dimanche, il resterait un peu plus tard au lit, repeindrait le débarras – quelle surprise serait-ce pour Simone ! et, sur le coup de midi, s’en irait boire l’apéro chez Rosenbaum, non sans avoir joué 1.7.9 au tiercé. 1.7.9. Il ne changerait pas d’un chiffre. Une fois pour ne pas s’être tenu à son idée première, il avait perdu un million. Il en avait été malade – couché ! – une semaine. 1.7.9.
La carotte du tiercé se promenait ainsi chaque dimanche sous le nez de la France éblouie, projetant aux yeux de tout un peuple la poudre de ses mille facettes de miroir aux alouettes. Il était là, flamboyant, le Livre des Nombres de Moïse, à la portée enfin des ébaubis. Il y avait, en cette église nouvelle, des élus, des appelés, des miracles. Il pouvait tout, ce Dieu, tout apporter à ces fidèles : la maison de campagne, la voiture, ou plus modestement, la T.V. à deux chaînes, oui, oui, oui. On ne croyait plus qu’en lui pour se sortir de là, on se répétait des contes de fées :
Il joue sa date de naissance, pour se marrer : trois briques !
– Il a foutu tous les numéros dans un chapeau : Il en a tiré trois : cinq cents billets !
– Il était à la ramasse. On lui prêtait même plus cent balles. C’est sa petite fille, oui, sa môme qui l’a tiré du puits. Elle a cassé sa tirelire et l’a portée au P.M.U. Jamais vu un bourrin de sa vie. Jamais vu un brin d’herbe. Jamais pu aller en vacances. Elle a joué mille balles, au flanc. Huit millions, mon pote, huit millions. Qu’on me les coupe si je mens.
1.7.9. 1.7.9.
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La règle du jeu est ici