Les Stamper sont des bûcherons dans l’état de l’Oregon : Le père est blessé – une jambe et un bras dans le plâtre – alors le fils aîné Hank décide de rappeler son petit frère Leeland pour lui demander de venir travailler dans l’exploitation familiale. Les deux frères ne se sont pas vus depuis 16 ans. C’est le début d’une folie qui va durer quelques semaines à peine et où personne ne sortira indemne.
Hank veut briser la grève qui sévit dans la région et veut à tout prix honorer une grosse commande de bois que lui a fait une société en aval de la Wakonda River. Leeland, citadin en manque de repères, veut se venger (de son père ? de son frère ?). Viv, la femme de Hank, veut exister et se sentir utile. Les syndicalistes essaient de ramener Hank à la raison et de respecter la volonté des autres bûcherons de faire la grève….
Dès le départ, le ton est donné, le milieu est âpre et la vie dans cette contrée dominée par la nature ne fait pas de cadeaux : « Celui qui avait choisi l’endroit où suspendre ce bras au bout de sa perche avait tout fait pour donner à la scène le même air de défi à la fois comique et sinistre que la vieille maison ; celui qui s’était démené pour que le bras vienne osciller bien en vue depuis la route avait aussi pris la peine de replier tous les doigts avant de les attacher, tous sauf le majeur, de sorte que cette provocation à la raideur universelle demeure, dressée dans son mépris, bien reconnaissable par n’importe qui. »
Au terme de 892 pages très très denses (il y a de multiples narrateurs par chapitre et ce n’est pas toujours aisé de savoir qui parle), le lecteur comprendra ce passage énigmatique. Il aura aussi pris quelques bains glacés dans la Wakonda river, vibré pour Hank, Leeland, Joe ou Viv, cotoyé des gens simples et vrais…
Un vrai bonheur tant pour les personnages que pour l’histoire pleine de suspense….
En bref , un coup de coeur
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Deux extraits :
Joe était de si bonne humeur qu’elle surpassait même sa bonne humeur habituelle. Il avait échappé aux hostilités de la veille, étant monté se coucher sans rien savoir de la reprise de la guerre froide entre Hank et moi, et il avait passé une nuit pleine de rêves visionnaires de fraternité, tandis que sa chère famille se déchirait à l’étage du dessous, loin de son Utopie : un monde coloré plein de guirlandes et d’arbres de mai, d’oiseaux bleus et d’azalées, où l’homme est bon pour son prochain simplement parce que la vie est plus marrante ainsi. Pauvre imbécile de Joe, avec ta cervelle en Meccano et ton monde désordonné… On raconte que quand il était gosse, ses cousins avaient vidé sa chaussette de Noël et remplacé les cadeaux par du crottin de cheval. Joe avait jeté un œil au fond de la chaussette et s’était précipité vers la porte, les yeux brillants d’excitation. « Attends, Joe, où tu vas ? Il t’as apporté quoi le Père Noël ? ». Si l’on en croit l’histoire, Joe se serait arrêté dans l’entrée pour chercher une longe : « Il m’a apporté un joli petit poney, mais il s’est échappé. Si je me dépêche je pourrais le rattraper. »
Et depuis ce jour-là, on dirait bien que Joe a accepté tous les malheurs de l’existence comme des gages de bonne fortune, et toute la merde du monde comme un signe indiquant la présence de poneys Shetland à proximité immédiate, des étalons pur sang caracolant juste un peu plus loin. Si quelqu’un s’était avisé de lui montrer que le poney n’existait pas, ou n’avait même jamais existé, seulement une blague et de la merde, il aurait dit merci pour l’engrais et planté un potager. Si je m’avisais de lui dire que mon désir de l’accompagner à l’église n’avait pour seul motif que d’honorer mon rendez-vous avec Viv, il se serait réjoui de me voir consolider mes liens avec Hank en apprenant à mieux connaître sa femme. (Page 428)*******************************************
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Allongé dans sa chambre, Lee espère qu’il ne va pas tomber malade. Les trois semaines qui viennent de s’écouler tourbillonnent au grand galop sous son crâne comme un manège de chevaux de bois. « La tête qui tourne, diagnostique-t-il, le facteur hasch ». Chaque mésaventure, chaque contusion, la moindre égratignure et la plus petite ampoule viennent caracoler devant ses yeux, toutes façonnées dans le moindre détail par la précision horlogère d’un sculpteur sur bois chevronné. Elles défilent devant lui tel un régiment de cavalerie ciselé. Allongé l’air rêveur au centre de ce dispositif tourbillonnant, il tente de décider quel étalon il enfourchera ce soir. Après quelques minutes d’examen scrupuleux, il choisit « Celui-ci, là » – une fière pouliche, flancs élancés, garrot bien dessiné, voluptueuse crinière dorée, à l’oreille dressée de laquelle il se penche pour murmurer : « Vraiment, tu aurais dû le voir…. comme une bête primitive brutal et beau à la fois ».
Et à l’autre bout du couloir, affalé sur une chaise en bois au dossier dur, débarrassé de sa chemise et de ses souliers, Hank respire bruyamment à travers un nez obstrué de caillots pendant que Viv tamponne ses blessures à l’aide d’un coton imbibé d’alcool. Il tressaille, sursaute et glousse à chaque passage du tampon froid, et les larmes coulent rouge sur ses joues. Viv rattrape les larmes mêlées de sang dans son coton.
(Page 493):
La chanson qui donne le titre à ce livre, chantée par Eric Clapton :
Sometimes I lives in the country
Sometimes I lives in town
Sometimes I haves a great notion
To jump into the river an’ drown;
Quelquefois j’habite à la campagne
Quelquefois c’est en ville que je vis
Et quelquefois j’ai comme une grande idée
De me jeter dans la rivière aussi:
l
Challenge américain chez Noctenbule
Ce pavé a fait l’objet d’un film réalisé par Paul Newman il y a longtemps, Le clan des irréductibles. J’avoue que Clapton m’emporte mieux au son du blues ou du rock que de ce classique country. Quant à la folie Ken Kesey en connaissait un rayon. 😀 Bises à toi et à très vite en Irlande.
Coucou Edualc
Je n’ai pas vu ce film qui me tente bien cependant , Paul Newman serait il le presque indestructible Hank ?
Je dois dire apprécier la folie de Ken Kesey dans ses livres ( « vol au dessus d’un nid de coucou »m’a également beaucoup plu)
Quant à l’Irlande, je suis pour le moment à Barcelone (virtuellement s’entend) mais ne désespère pas d’arriver jusqu’à cette île 🙂
Bisesss
Hello Val. Je n’ai jamais vu le film. MaCurieusement notre livre irlandais parle beaucoup de…Barcelone. Bises et à bientôt.
Après cafouillage je complète: je crois que la folie chez Ken Kesey était aussi dans sa vie privée pour le moins agitée. 😀
Et il devait aussi abuser des mêmes substances que Leland 🙂 ce qui déforme la perception de la réalité 🙂
Bisesss Edualc
💚
Je l’ai acheté lors de sa sortie mais pas encore lu. Peut-être cet été surtout que tu as eu un coup de Coeur ce qui m’incite à le lire dès que possible.
C’est bien que certains livres soient réédités … Celui là n’a pas pris une ride, je trouve, tant l’analyse des motivations des personnages est à la fois fine et ambiguë 😉
Bonne lecture Denis 🙂
892 pages ! Je ne connais pas, mais je passe, c’est beaucoup trop long !
Bon dimanche de Pâques.
En même temps c’est à peine 9 jours de lecture 892 pages …
Et elles valent le détour 🙂
Bon week end Philippe 🙂
Le nombre de pages me fait peur ! En plus si tu dis qu’il faut bien « suivre » pour ne pas se perdre, il attendra ! 😆 Je connaissais la chanson de Clapton et il me semble aussi avoir vu le film dont parle Modrone mais c’est si loin ! 😉 Bises Val et Joyeuses Pâques ! 😀
Elles se lisent toutes seules ces pages 🙂
Il y avait longtemps que je n’avais pas été aussi « captivée » par une histoire …
Bisess Asphodèle
Cela donne envie de lire le livre mais il faut prévoir le temps nécessaire!…
Les soirées rallongent en ce moment :-):-)
Bisesss Mo 🙂
J’avais beaucoup aimé moi aussi. Rassurons les futurs lecteurs, Il se lit tout de même assez facilement pour un pavé.
Oui et il n’y a pas tant de personnages que cela finalement
Tous humains et bien campés … Un bonheur ! un peu triste quand même a la fin ….
Bon dimanche Jostein 🙂
Tu l’as d’une traite ou est-ce que tu as fait des pauses?
Coucou Noctenbule 🙂
Lu presque d’une traite dans le métro
(En 9 jours quand même soit presque deux semaines :-))
Bisessss
incroyable…
Je vais le noter alors dans la liste à lire 🙂
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Ça donne envie de le relire !! Suite à cette lecture, je m’étais plongée dans « Vol au-dessus d’un nid de coucou », que j’ai trouvé un peu en-deçà de ce titre mais qui est tout de même très bon.
Coucou Ingannmic 🙂
J’ai lu « vol au dessus d’un nid de coucou » il y a quelques années , je l’avais trouvé excellent aussi (un peu en deçà du film qui m’a énormément marquée quand j’avais 15 ans …)
Bon week-end 🙂
J’avais loupé cette critique, vraiment formidable ce livre…
Oui un grand moment de lecture !
Dommage que cet auteur n’ait pas plus écrit ….
Bonne journée Goran
Bonne journée.