Vienne au crépuscule – Arthur Schnitzler

vienne au crépuscule

LC avec Edulac😉

L’action se déroule au tout début du XXème siècle à Vienne en Autriche.
Ce livre est paru en 1908 et a fait l’objet d’un polémique à sa publication, car contraire aux « bonnes mœurs  » de l’époque.

Schnitzler nous emmène dans la bonne société autrichienne. Il nous introduit dans les salons bourgeois où des gens fortunés reçoivent des gens fortunés eux aussi, vont au théâtre ou au concert écouter de la musique classique. Georges von Wergenthin ……est un de ces hommes de bonne famille : il est doué et compose de merveilleux lieders mais un peu en dillettante. Il hésite à en faire sa profession ou à rester rentier. Son père est mort il y a quelques mois et il ne sait pas ce qu’il va faire de sa vie . En attendant il fréquente les Ehrenberg, les Rosner et son ami Henri dramaturge reconnu.
Jusqu’au moment où il entame une relation amoureuse avec Anna Rosner, jeune fille de la bonne société, elle aussi . Sans devenir parias, Georges et Anna devront se cacher quand Anna ne pourra plus cacher son état (euphémisme non ?)
Ils partiront en Italie puis vivront quelques mois ensemble dans une maisonnette en attendant la venue de l’enfant (qui devra être placé en nourrice après cette naissance hors-mariage)

Après un début que j’ai trouvé un peu lent avec la présentation de nombreux personnages, ce livre m’a époustouflée d’une part par la vie insufflée aux personnages – je me suis sentie en phase tour à tour avec Geaorges, Henri, Else, Oscar, Thérèse – et d’autre part, la Vienne de 1900 est magnifiquement décrite : l’organisation sociale et politique est évoquée et on a l’impression d’être transporté dans cette époque. En 1908, Schnitzler explique déjà comment l’antisémitisme est en train de monter en Autriche et comme il peut être difficile à un juif (Henri ou les Ehrenberg d’être considéré comme citoyens à part entière). Faut il rester dans un pays où on est un sous-citoyen ou partir ? Mais où ?
Et que dire de la peinture des mœurs de l’époque, à part quelle hypocrisie : un jeune homme de la bonne société fait un enfant à une jeune femme de la bonne société et tout de suite c’est la jeune femme qui est « corrompue », indigne, qui déçoit ses parents …le jeune homme lui n’est pas responsable …
Georges est charmant, le plus souvent indécis et ne sait pas comment réagir : épouser Anna ? Il se sent trop jeune pour fonder une famille  et souhaite d’abord commencer une activité professionnelle.
On ne connaîtra  pas les sentiments et  ce que pense Anna car toute l’action est commentée du point de vue de Georges. J’aurais bien aimé connaître son ressenti. Elle n’en reste que plus mystérieuse.

Un livre qui me restera longtemps en mémoire.

Un extrait

« Cet été factice ne peut faire illusion jusque dans la nuit. Tout cela sera bientôt définitivement passé » dit Henri dans un accès de mélancolie disproportionné, puis il ajouta comme pour se consoler : « Eh bien, on travaillera. »
Ils arrivaient dans le parc aux attractions du Prater. On entendait la musique des guinguettes, un peu de cette ambiance bruyante et joyeuse se communiqua à Georges, l’arrachant d’un coup à la tristesse d’une tonnelle automnale et à une conversation assez pénible.
Devant un manège dont l’orgue mécanique géant répandait alentour un pot-pourri du Troubadour,  et à l’entrée duquel un bonimenteur conviait le public à un voyage à Londres, à Atzgesdorf et en Australie, Georges se souvint de nouveau de la sortie du printemps avec les invités des Ehrenberg. Madame Oberberger était assise sur ce banc étroit  avec, à son côté, comme cavalier de la soirée, Déméter Stanzidès,  et elle lui avait probablement raconté une de ses histoires invraisemblables : que sa mère avait été la maîtresse d’un grand-duc de Russie ; qu’elle-même était restée une  nuit avec un admirateur dans le cimetière de Hallstadt, et qu’il ne s’était naturellement rien passé ; ou bien que son mari, le célèbre voyageur, avait à Smyrne en une semaine fait dans un harem la conquête de dix-sept femmes. Dans la petite voiture tapissée de velours rouge, avec le conseiller Wilt pour vis-à-vis, Else s’était installée avec l’aisance gracieuse d’une grande dame, comme dans un fiacre le jour du derby, tout en donnant à comprendre par sa tenue et l’expression de son visage, que s’il le fallait, elle pouvait se montrer aussi mutine que d’autres personnes simples et naïvement heureuses. Anna Rosner, qui chevauchait un pur-sang arabe blanc, tenait les rênes d’une main négligente, l’air digne bien qu’un peu malicieux ; Sissy se balançait sur un cheval noir qui non seulement tournait en cercle avec les autres animaux et les autres voitures, mais de plus oscillait d’avant en arrière. Sous une coiffure hardie surmontée d’un énorme chapeau noir à plumes, étincelaient,  riaient les yeux les plus effrontés du monde, et sur ses chaussures vernies échancrées et ses bas de dentelle la robe blanche volerait, voltigeait.  Cette apparition avait produit une impression si profonde sur deux inconnus qu’ils lui lancèrent une invitation sans équivoque ; il s’ensuivit un court et mystérieux entretien entre Willy, tout de suite accouru,  et les deux messieurs, qui, passablement gênés, cherchèrent d’abord en allumant nonchalamment des cigarettes à sauver la face, mais qui, par la suite se perdirent rapidement dans la foule.

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Lire le monde chez Sandrine pour l’Autriche

Challenge Top 50 chez Claire dans la catégorie livre qui a été interdit (toute l’oeuvre d’Arthur Schnizler a été interdite par l’Allemagne Nazie)

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10 réflexions au sujet de « Vienne au crépuscule – Arthur Schnitzler »

  1. Hello Val. Je suis vraiment content que ce livre t’ait plu. Tu sais que Schnitzler est dans ma galerie d’auteurs. Il y a dans ce roman un climat saisissant et qui me fascine. C’est pour cela que j’aie dû lire six fois Schnitzler. A très bientôt, tu sais que j’adore la LC avec toi. Bises précyclistes du dimanche. 😀

  2. Arthur Schnitzler est sur la liste « Lire le monde » : tu peux partager ton billet sur le groupe Facebook si tu veux, je suis sûre qu’il donnera envie à certains de le découvrir.

  3. J’adore vos LC avec Edualc et encore une bonne pioche ! C’est encore la Vienne « fréquentable » dont il est question et ça pourrait me plaire ! 😉 Toutefois, je m’applique à descendre ma PAL… Bises du dimanche, enfin ensoleillées et dé-ventées ! 😀

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