En attendant le vote des bêtes sauvages – Ahmadou Kourouma

en attendant le vote des bêtes sauvages

Ce livre d’un auteur ivoirien relate l’accession au pouvoir de Koyaga, l’homme au totem de faucon dans un pays imaginaire, le pays du Golfe.

Merci à cet article de Wikipedia qui m’a permis de mieux comprendre le contexte. En fait le dictateur en question est celui du Togo. Au cours de six veillées, le conteur-griot va nous raconter l’enfance de ce chef (enfance outrageusement romancée ce qui la rend drôle), la mort injuste de son père au retour de la guerre 14 18, son engagement en Indochine en tant que tirailleur, puis son accession au pouvoir aidé en cela par les anciens colonisateurs)

J’ai apprécié la façon de l’auteur d’amener une critique forte des dictateurs de ces pays, car il n’y a pas que l’homme au totem de faucon, il y a aussi celui au totem de caïman, au totem de hyène, celui au totem léopard….
Ah l’Afrique pendant et après la colonisation : pauvre Afrique qui se « libère » des pays colonisateurs pour être pillée par les soi-disant libérateurs…. leurs marabouts et autre croyances …les élections truquées, les rivalités entre ethnies…

Je connais très peu l’histoire de l’Afrique. Ce livre m’a permis d’en apprendre plus et notamment sur le rôle de la France, du général de Gaulle à François Mitterand…. Les enjeux de la guerre froide en Afrique sont également évoqués …

Où comment la fin de cette guerre froide et 30 ans de dictature plonge le pays dans la guerre civile…
L’auteur manie l’humour (grinçant) et le comique de répétition à merveille.

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Quelques extraits pour vous faire une idée de ce livre qui fut ma dernière lecture de 2015 et premier billet de 2016

Page 36
Le caporal Koyaga, le héros chasseur, surprit tout le monde en surgissant de la jungle huit semaines après la destruction du poste, en tête de sa section, à une cinquantaine de kilomètres de Cao Bang. La section rentrait avec son équipage, ses armes (les 36, la mitraillette, les minutions, le bazooka) mais aussi deux pensionnaires du bordel militaire (la cheftaine Fatima et son adjointe).
Traîner deux dondons de pouffiasses marocaines dans la jungle fut un exploit qui d’abord fit rire dans le mess. Mais quand on dit que le caporal avait accompli la prouesse avec une balle dans l’omoplate, des « merdes » d’admiration et d’étonnement succédèrent aux sourires narquois.
L’état major vous attribua des médailles et vous nomma sergent à votre embarquement sur le s/s Pasteur comme rapatrié sanitaire.
Dans les rencontres des anciens combattants d’Indochine, on se conte les grands exploits réalisés par des soldats dans les rizières. On raconte toujours le fait d’armes du caporal qui, blessé en tête de sa section et avec deux prostituées, guerroya pendant huit semaines entières contre des régiments de Viets et les défit. Il s’agit de votre exploit, Koyaga.
Ainsi vous resterez un héros de légende de l’armée française aussi célèbre que votre père. Votre père Tchao l’est pour avoir bondi seul, sans l’ordre de son caporal, de son terrier de Verdun, et avoir enfourché dans la tranchée d’en face, avec la baïonnette, cinq guerriers allemands. Et vous le demeurerez jusqu’à la fin de l’univers pour avoir sauvé dans la jungle deux plantureuses péripatéticiennes.

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P 64
Au débarquement, comme rapatrié sanitaire vous fûtes évacué sur l’hôpital militaire. On vous examina. Vous étiez entier comme une carpe de fin de saisons de pluie, sain comme la gousse d’un baobab de cimetière. Vous pouviez réengager si vous le désiriez, continuer à acquérir des grades dans les tirailleurs. Il vous fut expliqué qu’on ne demandait plus de paléos pour l’extrême Orient, mais pour l’Afrique du Nord, l’Algérie, où la France avait ouvert un nouveau chantier de guerre coloniale.

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Page 196
Quel que soit l’enthousiasme des danseurs, le frappeur de tam-tam de temps en temps arrête la fête pour chômait fer son instrument. Imitons le.
Le sora arrête de conter, donne un intermède musical et récite trois proverbes sur le pouvoir :
Le coassement des grenouilles n’empêche pas l’éléphant de boire.
Si le puissant mange un caméléon, on dit que c’est pour se soigner, c’est un médicament. Si le pauvre en mange, on l’accuse de gourmandise.
Si un arbre est sorti de terre sous un baobab, il meurt arbrisseau.

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Lire le monde organisé par Sandrine pour la Côte d’Ivoire
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