« Il n’a pour toute fortune qu’un Shakespeare et trois chemises », avait dit Bargemont. Peut-être lisait-il Shakespeare quand il avait entendu les premiers bruits, dans la rue. Il lisait allongé sur le lit et il avait laissé le livre ouvert sur le lit, quand il s’était levé pour prendre le revolver.
Mais pourquoi n’est-il pas parti ? se dit Alain Monnier. Sans doute n’a-t-il pas trouvé de place dans les convois de miliciens, ou bien a-t-il pas cru à la violence des représailles? « le dernier convoi n’a pas pu partir », avait dit l’homme de l’information.Alain Monnier pensait aux derniers instants de Graize et il se dit : un moment est venu où il s’est vu perdu. Qu’a-t-il pensé alors? A-t-il pensé à Marseille, a-t-il revu l’immeuble de la Légion, et le restaurant italien, et la plage sous la pluie ? Que s’est-il dit devant la faillite de ses illusions? Qu’a-t-il pensé, qu’a-t- il crié ? Alain Monnier eut une vision tragique du petit Graize, cherchant à fuir le royaume de son ambition et à empoigner la crinière d’un cheval. (Page 276);;;***
**********************************************************************************
Il faut quitter pour pouvoir revenir. Alors le cycle est fermé. L’émigré doit rentrer, car le retour fait aussi partie de son drame. Il doit rentrer et comprendre qu’il lui a été inutile de partir, car la contradiction de la patrie est de celles qui ne se résolvent pas : il faut la vivre. Il y a des heures de défaites et de misère, dans une vie d’homme, où l’on donnerait un royaume pour un cheval.
(Page 404 à Montréal)
.
Mon royaume pour un cheval – Michel Mohrt
L’extrait que tu nous offres me plaît beaucoup.
Je crois que je le lirai. 🙂
Merci pour cette envie de lecture, Valentyne.
Passe une douce journée.
Un livre sombre où le narrateur à peu d’espoir et de volonté 🙂
Bisesssss Quichottine 🙂