
Mexico 1975 – Tout commence par le journal intime d’un jeune poète mexicain de 17 ans. Celui ci se prend pour Rimbaud, avec humour et auto dérision (enfin j’espère que c’est de l’auto dérision que ce Juan Garcia Madero manipule)
Il n’est donc pas très sérieux mais son journal est plutôt drôle, les personnages de ses amis sont sympathiques bien que paumés. Lui ne pense qu’à s’envoyer en l’air … Et à écrire des poèmes avec sa bande de copains les réal viscéralistes (sic) mouvement aussi appelé réalisme viscéral (resic)
Petit à petit, on rencontre deux phénomènes Ulises Lima et Roberto Belano (un chilien en exil au Mexique pour un presque homonyme avec l’auteur). Ces deux là sont des énigmes : Sont ils poètes, marchands de drogue, révolutionnaires en exil ?
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Ce pavé de 920 pages ne s’arrête pas à ce journal de ce jeune Juan (Don Juan ?), car après une première partie échevelée qui semble virer au Road movie avec des malfrats aux trousses de nos anti-héros, tout change.
Une deuxième partie commence avec des témoignages sur les deux compères, pères du réalvisceraliste nommé ci dessus. 20 ans de témoignages très différents avec les voix d’une poétesse uruguayenne, d’une autre poétesse célèbre dans les années 20 (Cesarea Tinajero), d’un pauvre homme interné dans un hôpital psychiatrique, des différents amis de Mexico en 1975. Ceux ci partent aux 4 coins de la planète (Israël, Barcelone, Paris, Afrique) et nous racontent la vie (par fragments) de Lima et de Belano.
Cette deuxième partie fait penser à une enquête (d’où le titre des détectives sauvages) sans que l’on sache bien pourquoi chacun raconte une partie de l’histoire et qu’elle est l’enquête en cours)
Dans la troisième partie, retour en 1975 où on retrouve nos trois poètes plus Lupes (une jolie jeune femme) pourchassés par les malfrats. La boucle est bouclée.
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Ce livre est touffu, dense, intéressant et parfois un peu obscur mais chaque témoignage apporte une éclairage intéressant sur ces jeunes Poètes et l’Amérique latine de ces 20 années de 1975 à 1996.
En conclusion : Ce voyage au Mexique, mais pas seulement, et cette histoire largement autobiographique par un écrivain chilien exilé, m’a énormément plu tant pour ces personnages hauts en couleurs que pour le contexte historique de cette Amérique latine en ébullition.
Un extrait :
22 novembre
Je me suis réveillé chez Catalina O’Hara. Pendant que je prenais le petit-déjeuner, très tôt (María n’était pas là, le reste de la maisonnée dormait), avec Catalina et son fils Davy, qu’elle devait emmener à la garderie), je me suis souvenu que la nuit précédente, quand nous n’étions plus que quelques uns, Ernesto San Epifanio a dit qu’il existait une littérature hétérosexuelle, une homosexuelle et une bisexuelle. Les romans en général étaient hétérosexuels, la poésie, par contre, était absolument homosexuelle, et les nouvelles, j’en déduis qu’elles étaient bisexuelles, même s’il n’en a rien dit.
A l’intérieur de l’immense océan de la poésie, il distinguait plusieurs courants : des pédérastes, des pédales, des pédoques, des folles, des sodomites, des papillons, des narcisses et des efféminés. Les deux courants majeurs, cependant, étaient celui des pédérastes et celui des pédales. Walt Whitman, par exemple, était un poète pédéraste. Pablo Neruda, un poète pédale. William Blake était un pédéraste, sans l’ombre d’un doute, et Octavio Paz, une pédale. Borges était efféminé, c’est-à-dire qu’il pouvait soudain être pédéraste et, tout aussi soudainement, simplement asexuel. Rubén Darío était une folle, de fait la reine et le paradigme des folles.
– Dans notre langue, bien sûr, a-t-il précisé ; dans le divers et vaste monde, le paradigme est toujours Verlaine le Généreux.
Une folle, selon San Epifanio, était plus proche de l’asile d’aliénés de premier choix et des hallucinations dans la chair vive alors que les pédérastes et les pédales vaquaient de manière syncopée de l’Ethique à l’Esthétique et vice versa. Cernuda, le cher Cernuda, était un narcisse et dans des occasions de grande amertume un poète pédéraste, alors que Guillén, Aleixandre et Alberti pouvaient être respectivement considérés comme pédoque, sodomite et pédale. … […]
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Le roman a obtenu le Premio Herralde (es) de Novela en 1998 et le Prix Rómulo Gallegos en 1999.
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