Bonjour tout le monde, c’est moi LUBIE, la jument, je suis de retour et je vous raconte les dernières nouvelles de la ferme.
Hier, Alfred était tout triste et a erré dans la ferme comme une âme en peine.
Il faut dire, que la veille, il était allé accompagner son ami Marcel Rastougnac dans sa dernière demeure, comme on dit pudiquement. Pour ma part je suis moins pudique et comme dit ma chère maman « le Marcel : il a bien bu et il a mourru »
Alfred et Marcel étaient très amis : ils s’étaient rencontrés à la communale et ne s’étaient jamais perdu de vus, il ont (avaient plutôt) une passion commune pour le bon vin.
Marcel, je l’ai rencontré plein de fois quand il venait discuter avec Alfred et je l’aimais bien. Ils partaient de bon matin, avec leur panier de pique nique, je tirais la carriole et je les écoutais. Le soir, je les ramenais, un peu éméchés.
Marcel, il a fait de belles études et il parle comme un livre, un vrai poète. Un jour il a dit une belle phrase d’un certain Rainer Maria Rilke : « Un seul vers. Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseauxet savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. »
J’étais tout à fait d’accord avec ce qu’il disait, Marcel, surtout sur les animaux, moins sur les villes, car Alfred et moi on n’est jamais parti de Havreberge sur Galur et pourtant on connaît la vie… et on sait être poètes à nos heures.
Une des discussions que j’ai préférée entre les deux acolytes est celle des Haïkus.
– Aïe coup ? a dit Alfred, qui lui a arrêté ses études au certificat d’études, tu t’es cogné ?
– Mais non Alfred , haïku H A I K U : il s’agit d’un poème de forme japonaise : il faut trois vers : un de cinq syllabes, un de sept et pour finir un de cinq. Comme Alfred le regardait les yeux écarquillés, Marcel a poursuivi :
– Tiens je te donne un exemple de Basho, un grand poète japonais
Dans le vieil étang
Une grenouille saute
Un ploc dans l’eau !
Là Alfred, a souri et il a dit : « ça y est j’ai compris ! » et il s’est entraîné avec Marcel, qui lui prodiguait des conseils. « De plus, en général, un Haïku vante la nature et les saisons et il n’y a pas à se soucier des rimes, bref de l’émotion à l’état pur ».
Depuis cette sortie mémorable, de temps en temps Alfred lâche un haïku spontané
Vendanges commencées
Aux pieds foulés, le raisin
Bouteilles dégustées
Ou alors
Robe jaune mordorée
Un verre de Monbazillac
Soleil retrouvé
Moi aussi je m’y essaie, (en toute modestie bien sûr) et je trouve mes haïkus pas mal, enfin pour des haïkus japoneys. En voici quelques uns :
Hiver
Flocons froids cette nuit
Pirouette quatre fers en l’air
Dès demain matin
Printemps
Semailles au printemps
Sillons bien tracés, engrais naturel
Odeur de fumier.
Eté
Cheval évadé
Jument séduite, caressée
Poulain dans le pré
Automne
Fraîcheur matinale
L’épouvantail frissonne et
Enfile son champ d’ail
Et un dernier pour la route en clin d’œil d’un autre Marcel que j’aime beaucoup
Robe verte délavée
Grivoise et très coquine
La jument bavarde
Allez salut la compagnie, la prochaine fois je m’exprime en alexandrins : j’ai tout noté du cours de Marcel.
C’était ma participation au jeu d’Azacamopol du mois de mai 2012 où il fallait évoquer des souvenirs du regretté Marcel, et aussi au jeu de Rebecca où il fallait s’entraîner à écrire des Haïkus.
Billet rapatrié de mon ancien blog 🙂
A demain pour un épisode inédit 😉