Risibles amours

olivia-desir-histoire

Dans la fraîcheur de la nuit, ils se reposent au milieu des draps froissés. Allongés sur le lit, repus. Elle a la tête sur son épaule. Il a une main sous ses hanches, comme prisonnière, l’autre lui caresse le bas du dos, perlé de sueur. Elle a pour toute parure un bijou fantaisie, un pendentif doré en forme d’épi de blé. Elle chuchote savourant ces instants.
– Bruno ?
– Hum ? hum
– A quoi tu penses ?
– Hum,hum
– Hier, quand je t’ai vu, j’ai su tout de suite que cela allait marcher entre nous !
Elle se revoit dans sa robe imprimée de minuscules pâquerettes, tourbillonnant pour suivre le rythme endiablé du guitariste, Bruno. Bruno, le voyou charmeur à la mèche rebelle, certainement timide car il souffle en permanence sur ces cheveux bouclés qui lui cachent les yeux.
– Hum,hum….
Il pianote sur son dos moite, effleurant sa peau du bout des doigts, avec une précision et une légèreté diabolique. Le frôlement de ses doigts lui rappelle la douceur des brins de gazon au printemps, aériens comme des plumes (de l’herbe fine et soyeuse du jardin de ses grands parents, pas celle coupante et grasse du pré aux vaches de son enfance)

Il soupire.
– Oui, Bruno ?
– Sur ton dos, j’écris ton nom, tu devines ?
Et les doigts magiques dansent sur la peau bronzée : un trait oblique, un deuxième, une barre entre les deux premiers traits,
– un A ?
– Oui, je continue.
L’index trace des lettres sur le bas du dos de Barbara, la chatouillant presque, ravivant les souvenirs de sa nuit torride où elle a crié, plusieurs fois, ouverte, offerte.
– Une boucle et un trait : un O non ?
– Hum hum, peut être…. je continue …..
Et le doigt inlassable, qui l’a amené aux portes de l’extase hier, continue ces circonvolutions dans la sueur de sa peau. Barbara frissonne (froid ? désir? )
– U sans hésitation !
– Oui, je continue, dit Bruno de sa voix rauque ensorcelante
Encore deux autres lettres écrites sur le dos de la belle frémissante et abandonnée. Barbara bascule et perd un peu le fil ……
– Cinq lettres avec A, O et  U ? A, M, O, U, R ? amour ? chuchote Barbara, proche du sommeil, épuisée.
Bruno s’est levé et rhabillé rapidement.
Les mots claquent comme une cravache sifflant dans l’air : A, D, I, E, U, Adieu !
Réveillée, Barbara remonte les draps jusqu’au menton : Elle vient d’être frappée par l’insoutenable légèreté des lettres.

?

les mots collectés par Olivia
dévergonder – fantaisie – rebelle – mèche – cheveux – épi – blé – pré – pâquerette – gazon – botte – cravache. Consigne supplémentaire, pour les courageux/ses : écrire un texte érotique avec dix des mots.

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Je n’ai pas mis dévergonder – botte
Voir ici ma source d’inspiration (livre lu quand j’avais dix-sept ans et qui m’a beaucoup marqué en particulier la nouvelle « Jeu de l’autostop »)

RISIBLESAMOURS

31 réflexions au sujet de « Risibles amours »

  1. Ping : Cueillir | Olivia Billington

  2. Quel excellent texte, comme d’habitude !
    Tu abordes la collection rose avec beaucoup d’élégance, c’est chaud, c’est soft, c’est lavé avec … Euh pardon ! Comment dire, c’est à peine un poil érotique !

  3. J’adore Val, c’est très sensuel (même sans le mot dévergonder…) , la pression monte petit à petit. J’ai tout de suite pensé au mot « amour  » mais j’avais oublié que tu aimais les belles chutes.
    Cela ne finit pas bien…quoi que…

  4. J’aime beaucoup. Et j’aime l’usage des mots bucoliques, contournés. Et j’aime cette fin.
    Originalité, style, bravo, comme d’habitude !

  5. bien le coup du bijou ; Et moi qui commençais à croire aux histoires d’amour qui n’existent pas. Et me revoilà l’éternelle fleur bleue qui veut croire au père Noël…
    Combien de nuits se terminent de cette façon. Ah la magie de l’instant.
    avec le sourire

  6. Je n’ai pas lu Risibles amours mais tes derniers mots « l’insoutenable légèreté des lettres » m’a rappelé l’autre que j’ai lu !!! Bravo, ton texte est juste parfait avec ce B & B !!! Tu as fait exprès pour les initiales ? 😆

    • Coucou Miss Aspho 😉
      Je ne l’ai pas lu « l’insoutenable légèreté de l’être » , cela fait un siècle qu’il est sur ma liste et je ne saute pas le pas …va savoir pourquoi 😉

      Pour les initiales, je n’ai pas vraiment fait exprès. Au début je voulais forcément les deux même initiales sans penser à un sens particulier, puis en allant voir la bio de Kundera sur wikipedia j’ai vu qu’il était né à Brno (actuelle Tchéquie) d’où l’idée de Bruno. Barbara s’est imposé et ensuite seulement j’ai vu B&B (le fameux Bed and Breakfast). On peux aussi penser aux 3 B de certaines soirées étudiantes (boire , bouffer et B….)
      Bonne soirée Miss Aspho et quelle lecture attentive 😉

    • Merci Dame Mauve
      « dévergonder » je pense que j’y serai arrivée à le mettre mais « botte » je n’avais pas d’idée ….Et comme on pouvait laisser deux mots …
      bonne soirée 😉

  7. Quand tu serais vieille, à la chandelle, tu seras écrivaine, Valentyne 😆
    Une consonne pour 4 voyelles et un mot qui finit toujours mal…
    Je suis d’accord avec les autres, c’est beau, tout simplement.
    Tu veux le Prix So’N ? 😆 il est à toi cette semaine 😆
    Gros bisous de ma tour

    • Rhoooo merci So’N pour le prix et la visite 😉
      et maintenant je fredonne comme Carla : « Quatre consonnes et trois voyelles c’est le prénom de Raphaël, Je le murmure à mon oreille et chaque lettre m’émerveille, C’est le tréma qui m’ensorcelle…. »

  8. je subodorai une trahison, une humiliation, une lâcheté. Je n’ai pas été déçue, en fin de compte. 😀 Pas comme cette innocente qui croyait qu’un amour de passage dure toujours !
    Il faudra que je lise le livre qui t’a inspirée. Bises. Je vais cliquer sur « ici » ! 😉

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