Pendant le blanc et nocturne novembre
Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie
Vieillissaient encore sous la neige
Et semblaient à peine des chevaux de frise
Entourés de vagues de fils de fer
Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps
Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent
……………………….Les fleurs de l’amour
Pendant le blanc et nocturne novembre
Tandis que chantaient épouvantablement les obus
Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient
……………………….Leurs mortelles odeurs
Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine
La neige met de pâles fleurs sur les arbres
….Et toisonne d’hermine les chevaux de frise
……..Que l’on voit partout
…………Abandonnés et sinistres
………………..Chevaux muets
……Non chevaux barbes mais barbelés
…………Et je les anime tout soudain
;;;;En troupeau de jolis chevaux pies
Qui vont vers toi comme de blanches vagues
………………..Sur la Méditerranée
;;;;Et t’apportent mon amour
Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue
………………..Ô Madeleine
Je t’aime avec délices
Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent
Si je songe à tes seins le Paraclet descend
………….Ô double colombe de ta poitrine
Et vient délier ma langue de poète
…………..Pour te redire
…………..Je t’aime
Ton visage est un bouquet de fleurs
Aujourd’hui je te vois non Panthère
………………..Mais Toutefleur
Et je te respire ô ma Toutefleur
Tous les lys montent en toi comme des cantiques d’amour et d’allégresse
Et ces chants qui s’envolent vers toi
………………..M’emportent à ton côté
…………Dans ton bel Orient où les lys
Se changent en palmiers qui de leurs belles mains
Me font signe de venir
La fusée s’épanouit fleur nocturne
……………Quand il fait noir
Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses
De larmes heureuses que la joie fait couler
::::::::Et je t’aime comme tu m’aimes
………………..Madeleine
Guillaume Apollinaire – Calligramme