Liberté pour les oeufs

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Mercredi soir, j’étais un peu fatiguée après avoir rangé la maison suite à l’anniversaire de Tichat, mon fiston. Il était tout fier d’être arrivé à l’âge de « déraison » comme il dit, 7 ans et pas encore toutes ses dents. Mais, fatigue ou pas, j’avais envie de participer aux Plumes et je me suis mise à réfléchir à mon texte. Comme souvent, je me suis dit « Autant faire une pierre, deux coups ». Et j’ai ouvert mon sujet du cours d’écriture créative à distance que m’a fait découvrir Cécile.

Voici le sujet : « En utilisant vos cinq sens, décrivez l’objet de votre choix : œuf, fruit, tasse … »

J’ai ouvert mon frigo, le désert … il ne restait plus que deux œufs dans leur boîte (on ne fait pas régime à la maison mais c’est bientôt le départ en vacances).

Alors, je ne me suis pas laissée abattre et j’ai commencé mon devoir : j’ai fermé les yeux (comme indiqué dans le fascicule), j’ai touché les œufs en faisant bien attention de ne pas trop les serrer, laissant venir l’inspiration. Debout devant mon frigo, vous conviendrez que ce n’était pas facile pour noter les idées de forme (ovoïde), texture (douce et satinée), odeurs (aucune j’ai le rhume) qui m’assaillaient. Je me suis donc dirigée vers la cuisine pour prendre quelques notes. Il m’a semblé hasardeux de faire confiance à ma mémoire vacillante.

C’est là que j’ai basculé dans la quatrième dimension (je n’aurais peut-être pas dû garder les yeux fermés)

J’ai ressenti aux creux des mains des sortes de piques. Les œufs se fendillaient, je sentais quelqu’un pousser la coquille, la fendiller avec un petit bec costaud. Et en plus j’entendais des voix (si, si), j’en suis restée toute interdite. Mais attendez donc que je vous raconte tout l’aventure dans ses moindres détails !

La première voix,  un peu geignarde, disait : « c’est pas zuste, rester ainsi des heures dans un frigo. Liberté pour les z’oeufs!!! « 

La deuxième répondait « Daliméro, arrête d’en faire tout un plat, ce n’est pas comme cela que tu vas t’en sortir dans la vie ».

Dans ma main, une chaleur rassurante  se répandait, je sentais la fissure s’agrandir dans mon poing serré, je m’installai alors face à ces deux œufs tout fendillés, complètement pantoise.

Un œuf ne tenant pas seul debout j’avais installé ces deux phénomènes chacun sur un beau coquetier en forme de poule (parfait pour les « oeuffes » à la coque comme dit Tichat le susnommé). J’en profite pour faire une parenthèse pour savoir si vous avez une astuce pour faire rentrer dans la caboche d’un garçonnet que l’on dit  « un cheval, des chevaux », et « un œuf, des zeux » et non pas des zoeuffes. Si oui, je prends !)

Les deux compères m’ignoraient et continuaient à sortir de leur coquille tout en devisant, enfin l’un geignant et l’autre le sermonnant. Moi, j’ouvrais de grands yeux devant cette découverte hallucinante, je demeurai silencieuse pour mieux observer. Ils descendirent de leur coquetier tranquillement.  Humpty Dumpty se séchait le popotin en faisant presque la roue comme un paon, se frottant sur le coquetier comme un ours sur une barrière, dans un livre de John Irving.  Daliméro se coiffait avec un bout d’aile.

– Oui, mais c’est facile pour toi Humpty Dumpty ! » disait le poussin de mauvais poil qui répondait au nom de Daliméro. « Tu es sans foie, ni l’oie ni tabou ! »

Humpty Dumpty s’est alors lancé dans une longue tirade et j’ai tout de suite remarqué un problème d’élocution

 » Il ne faut pas se laisser abattre, soyons spirituoeufs , A bas les morvoeufs ! On tuera tous les affroeufs ! Si quelqu’un  t’embête c’est pas compliqué tu le regardes dans le blanc des œufs  et tu lui files un coup de boule, ce n’est pas le moment se laisser mettre au hangar il faut réagir, on n’est pas des omelettes, parsembloeuf »

C’est à ce moment qu’ils ont remarqué ma présence : Daliméro est devenue rouge (de honte, de timidité ?). Ils allaient m’adresser la parole quand  j’ai entendu mon mari et mes enfants qui m’appelaient dans le lointain, légèrement inquiets :

« Maman, tu as marché sur mon skate-board tout neuf de mon anniv », a dit Tichat, un peu contrit tout de même, se demandant s’il allait être privé de dessert jusqu’à ses 18 ans pour ne pas avoir rangé. Je rappelle la règle numéro 1 de la maison qui est « c’est une OBLIGATION  de ranger TOUS les jeux TOUS les soirs »

« Tu as une jolie bosse sur le crâne de la taille d’un œuf de caille ma chérie » a dit mon cher et tendre en m’aidant à me relever.

Ma fille m’a fait remarquer « ton chemisier est tout poisseux maman » : j’avais les restes  brouillés de Daliméro et d’Humpty Dumpty PARTOUT. Heureusement que j’ai trois semaines de vacances pour m’en remettre ! Bon avec tout cela j’ai pas écrit mon texte des Plumes moi !

Les mots collectés par Asphodèle

Interdit, liberté, sens, découverte, régime, déraison, pantois, hasardeux, obligation, privé, barrière, demeurer, tabou, aventure, inceste (facultatif), roue, honte, hallucinant, hangar

HumptyDumpty

Source photo Wikipédia

Je pars 3 semaines (sans connexion à Internet), un petit billet est programmé pour le 31 juillet avec ce cher John Irving « Liberté pour les œufs ours »

On se retrouve le 12 août ?

 

25 réflexions au sujet de « Liberté pour les oeufs »

  1. Ping : LES PLUMES N° 9, les textes pour l’Interdit ! | Les lectures d'Asphodèle, l'écriture et les humeurs…

  2. Warf, bravo ! J’espère que ta bosse va mieux, quelle imagination, je ne le dirais jamais assez !!!
    Pour Tichat tu as essayé de lui dire que c’était comme « eux » ou « e » ou des « e sans f ». J’aurais essayé ! 😉 Bises et bonnes vacances Val !

  3. Le cours d’écriture à distance, c’est celui en Belgique ? Parce que l’exercice proposé fait partie du cours de créativité à distance que j’ai suivi à deux reprises. 🙂 Et je pense avoir lu le billet de Cécile, donc il me semble que c’est bien ça.
    Comme toujours, une imagination débordante et des références qui font mouche.
    Bonnes vacances ! 🙂

    • Bonjour Prudence Petitpas et bienvenue
      je viens d’aller lire ton texte mais pas moyen de laisser un comm via mon smartphone :
       » Bien vue cette histoire de poule et d’oeuf 🙂
      j’ai très bien visualisé la poule  » rouge de son effort »  »
      A bientôt

  4. Sinon pour les oeuffes y a les tartes ! 😳 Alors là, je les vois venir les commentaires réprobateurs…
    Pour le fun, je te mets les premiers mots de la jument verte de Marcel Aymé :
    « Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d’un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n’en croyait ni ses yeux ni les yeux de sa femme.
    – Ce n’est pas possible, disait-il, j’aurais trop de chance.
    Cultivateur et maquignon, Haudouin n’avait jamais été récompensé d’être rusé, menteur et grippe-sou. Ses vaches crevaient par deux à la fois, ses cochons par six, et son grain germait dans les sacs. Il était à peine plus heureux avec ses enfants et, pour en garder trois, il avait fallu en faire six. Mais les enfants, c’était moins gênant. Il pleurait un bon coup le jour de l’enterrement, tordait son mouchoir en rentrant et le mettait à sécher sur le fil. Dans le courant de l’année, à force de sauter sa femme, il arrivait toujours bien à lui en faire un autre…. »

  5. Ayé, Valentyne, t’es partie 😆
    Trop bien ton histoire. Je me suis bien marrée 😆 😆
    Faut pas mettre tous ses zeux dans le même panier, mais tu excelles à mélanger les ateliers 😉 Bravo !
    Bonnes vacances
    Le 12/08 ? ben moi je s’rai en congés 😆 Encore, tu dis ? 😉 Bisous d’O. pour ton retour

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